Dans notre analyse, évacuons tout de suite les candidats souverainistes et anti-européens que sont Marine le Pen, Nicolas Dupont-Aignan et Jacques Cheminade. Il n’est pas nécessaire de passer des heures à étudier leurs programmes pour se douter qu’aucune forme de fédéralisme ne s’y cache. Ils s’opposent à l’euro et condamne l’Union européenne de l’après Maastricht.
Contre l’Europe capitaliste et pour l’Europe des peuples
Les trois candidats d’extrême gauche N. Artaud, P. Poutou et J-L Mélenchon ne s’expriment pas clairement en faveur ou contre une forme de fédéralisme. On retrouve dans leur programme la critique d’une Europe devenue libérale et capitaliste qui s’est éloignée des peuples et des travailleurs européens.
P. Poutou propose une Europe des travailleurs « planifiant démocratiquement la production et les échanges avec le souci de préserver la nature et l’environnement ». L’Europe est un « combat internationaliste » pour le candidat du Nouveau Parti Anticapitaliste qui s’oppose aux préjugés nationalistes et prône la « solidarité des travailleurs, des jeunes, des exclus, la perspective d’une lutte commune, radicale et massive des classes populaires des différents pays d’Europe contre l’austérité et le capitalisme en crise. » Le NPA se définit comme « européen mais plus généralement, internationaliste. »
N. Artaud et lutte ouvrière affirme que « l’unification réelle de l’Europe est une nécessité et que c’est l’avenir ». Mais ne voit dans l’UE actuelle qu’une « caricature » qui est « exclusivement celle des capitalistes et des banquiers, pas des peuples ni des travailleurs. »
J-L Mélenchon souhaite sortir du Traité de Lisbonne qui « impose la concurrence libre et non faussée au détriment des droits sociaux conquis par les luttes démocratiques et ouvrières des derniers siècles. » Il appelle à la création d’un « Fond de développement social, écologique et solidaire européen » ainsi que d’un « nouveau traité européen et d’une refonte des statuts et des missions de la BCE. »
Peut-on voir dans cette Europe des peuples et des travailleurs une forme de fédéralisme européen ?
Nicolas Sarkozy, pour une Europe intergouvernementale
L’UMP et son candidat Nicolas Sarkozy ne sont pas en faveur d’une Europe fédérale comme l’a critiqué le Bureau des Jeunes Européens-France lors de son discours à Toulon en décembre 2011.
Le candidat a une vision intergouvernementale de l’Europe et pense que son avancée ne sera possible que par les chefs d’Etats et de gouvernement. C’est par leur coopération que les projets européens pourront avancer. Il accorde en cela une grande importance au couple franco-allemand dans l’initiative et la direction du Conseil et n’accorde que peu d’importance aux institutions communautaires comme la Commission.
Pour l’UMP, la légitimité démocratique européenne n’est détenue que par les chefs d’Etats et de gouvernement. Loin de proposer des réformes démocratiques en faveur des organes communautaires, N. Sarkozy préfère s’appuyer sur les Etats européens pour légitimer les avancées européennes.
Quelle est l’Europe de François Hollande ?
La vision européenne de François Hollande n’est pas clairement définie. Son projet ne présente que trois propositions pour l’Europe. La plus connue est celle de la renégociation du traité européen pour « privilégier la croissance et l’emploi » et la création d’euro-obligations. Il souhaite aussi soutenir la « création de nouveaux outils financiers pour lancer des programmes industriels innovants » et mettre en place « une contribution climat énergie aux frontières de l’Europe » pour faire obstacle à « toute forme de concurrence déloyale. »
A cela on peut ajouter la volonté de créer une agence de notation européenne et une révision de la PAC pour encourager « la promotion de nouveaux modèles de production. »
Le candidat socialiste ne s’est pas prononcé en faveur d’une Europe fédérale et tout laisse à croire qu’il continuera avec une Europe intergouvernementale. F. Hollande n’a pas fait de déclaration en faveur d’un fédéralisme européen ni en faveur d’un renforcement des organes communautaires. Il compte s’appuyer sur les forces sociale-démocrates européennes pour faire avancer sa vision de l’Europe.
François Bayrou, pour un renforcement des organes communautaires
Le candidat du Modem ne se prononce pas pour une Europe fédérale. Durant les Etats Généraux de l’Europe, il a affirmé préférer le terme de coopération à celui de fédéralisme qu’il juge trop polysémique.
En revanche, François Bayrou se prononce clairement en faveur d’une Europe communautaire« avec une Commission de plein exercice en charge de la défense de l’intérêt général européen. » De même, il souhaite renforcer « aux yeux des gouvernements nationaux et aux yeux des citoyens européens […] la légitimité des débats du Parlement européen. » Il souhaite « reconnaître la zone euro, comme une zone de solidarité et permettre à la BCE d’intervenir directement ou par un organisme interposé, lorsque les Etats ont besoin de refinancer leur dette. »
En matière de défense, il souhaite « bâtir une politique commune. » Il propose aussi « d’élire un président de l’Union européenne au suffrage universel qui incarne, face aux intérêts nationaux, l’intérêt supérieur de l’Union. »
Toutes ces propositions sont en faveur d’un renforcement des organes communautaires pour permettre la création d’une Europe politique et démocratique. Il s’agit avant tout de redonner une légitimité à la Commission et au Parlement européen auprès des citoyens et de leur donner un rôle prépondérant dans les décisions de l’Union.
Eva Joly, pour une Europe fédérale
La candidate d’Europe Ecologie les Verts s’est clairement prononcée en faveur d’une Europe fédérale. Si elle est élue, « la France proposera de lancer un nouveau processus constituant permettant de doter l’Europe d’une constitution digne de ce nom, » qui sera adopté par un « référendum européen. » Le but étant de « faire progresser l’Europe vers le fédéralisme. »
La candidate d’EELV propose aussi une « mutualisation partielles des dettes publiques des Etats grâce à des eurobonds. »
Lors des Etats Généraux de l’Europe, elle a rappelé la volonté de son groupe de mener l’Europe vers le fédéralisme.
Chacun pourra ainsi comparer les propositions des uns et des autres avec sa propre opinion de l’Europe et du fédéralisme. Chaque parti développe une vision différente de l’Europe et de son mode de gouvernance qu’il est important de prendre en compte. Qu’on le veuille ou non, le prochain chef d’Etat français aura un rôle important dans la construction européenne des 5 prochaines années. L’Union européenne peut prendre une direction plus ou moins différente de celle qu’elle prend actuellement en fonction des résultats du 6 mai.
1. Le 11 avril 2012 à 08:52, par François Mennerat En réponse à : Quel(le) candidat(e) est pour une Europe fédérale ?
Bonjour, L’UEF-France a adressé son Pacte fédéraliste à tous les candidats. Seule Eva Joly l’a signé à ce jour. Aucun(e) autre n’a encore expliqué pourquoi il ou elle ne le signait pas. Notez que tous les citoyens peuvent à s’associer à ce pacte sur le site de l’UEF http://http://europe-federale.asso.fr/modules/petitions/pacte_federaliste_elections_fr.php Vous êtes attendus ! François Mennerat, vice-président
2. Le 11 avril 2012 à 10:22, par masterkent En réponse à : Quel(le) candidat(e) est pour une Europe fédérale ?
Concernant François Hollande, je ne comprends pas pourquoi vous dites que tout laisse à penser qu’il continuera sur la voie de l’intergouvernementalisme. Je pense, contrairement à vous, qu’il ne s’est pas exprimé en faveur du fédéralisme car ce n’est actuellement pas populaire, mais qu’il y est plus favorable que beaucoup d’autres. En effet, il ne s’est pas non plus prononcé pour l’intergouvernementalisme. D’autant qu’il est allié avec EELV, qui sont eux, fédéralistes. N’est-ce pas dans leur accord ?
Mais il est vrai que ce manque de clarté est vraiment dommageable. J’aimerais tellement que chacun se prononce clairement...
3. Le 11 avril 2012 à 17:03, par Jonathan Leveugle En réponse à : Quel(le) candidat(e) est pour une Europe fédérale ?
@masterkent : En tout cas vous conviendrez que rien de tangible (dans les discours ou le programme) ne permet d’affirmer que François Hollande construira une Europe fédérale.
4. Le 19 avril 2012 à 19:18, par Clément PETIT En réponse à : Quel(le) candidat(e) est pour une Europe fédérale ?
Bonjour, J’adore cet article qui est une des rares analyses lucides des propositions des candidats pour l’Europe (ou contre l’Europe). En outre c’est assez rare - et d’autant plus agréable - de lire un auteur qui a le courage de reconnaître que Hollande et Sarkozy sont d’accords pour faire de l’intergouvernemental. Hollande ne propose rien d’autre avec sa « renégociation du traité » que de la palabre entre chefs d’Etats. Rien de fédéraliste là dedans, au contraire.
Joly est en effet la seule Fédéraliste du scrutin, la seule en tout cas qui a eu le courage de le dire en public et de l’écrire. Son Parti est-il entièrement d’accord avec cette proposition ? C’est une autre question, mais nous devons malgré tout reconnaître ce courage.
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