Ce rapport dressant un état des lieux de la mobilité européenne des jeunes et formule des propositions pour étendre cette mobilité au plus grand nombre.
Les Jeunes Européens - France ont été auditionnés à l’occasion de la préparation de ce rapport pour faire valoir leurs positions sur cette thématique et comment leurs membres ressentent la réalité du terrain.
Le Taurillon : Pourriez-vous nous présenter les grandes orientations du Rapport sur la mobilité des jeunes en Europe récemment rendu public par le Centre d’analyse stratégique ?
Conformément aux souhaits exprimés par ses commanditaires, Eric Besson, Jean-Pierre Jouyet et Valérie Pécresse, notre Rapport dresse un état des lieux de la mobilité européenne des jeunes et formule des propositions pour étendre cette mobilité au plus grand nombre. Il est délibérément succinct et opérationnel, agrémenté de cinq « compléments » éclairant plus précisément certains enjeux, et s’articule autour de quatre orientations principales.
Il s’agit tout d’abord d’inciter les autorités européennes et nationales à sortir des slogans généraux, à partir de deux constats de base : le désir de mobilité européenne est plutôt l’exception chez les jeunes ; les apports concrets de cette mobilité en termes culturels, académiques ou professionnels ne sont pas établis de manière suffisamment claire.
Nous recommandons ainsi d’effectuer des études d’impact approfondies sur le sujet, faute desquelles on en reste à la publicité faite par « l’auberge espagnole », alors que beaucoup considèrent que ce film offre le spectacle d’une mobilité certes sympathique mais pas sérieuse…
Les autorités européennes et nationales doivent sortir des slogans généraux
Nous recommandons également de stimuler le désir de mobilité des jeunes, en diffusant le résultat de ces études d’impact ou les témoignages de jeunes déjà mobiles, mais aussi le désir de mobilité des adultes, qui sont le plus souvent à l’origine de la mobilité des jeunes. Pour les encourager à agir, il faut prévoir des incitations qui n’existent pas aujourd’hui : un professeur qui emmène sa classe une semaine en Europe devrait par exemple obtenir une décharge de service, une couverture légale et une prime ; les universités doivent être encouragées par l’État à s’engager dans des programmes d’échange – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui etc.
La deuxième orientation de notre Rapport est plus classique puisqu’elle porte sur l’abaissement ou la suppression des « obstacles » à la mobilité des jeunes : ces obstacles sont à la fois linguistiques (nécessité de cours préalables), logistiques (aide spécifique au logement à l’étranger, possibilité de conserver sa bourse nationale) ou encore académiques, par exemple avec l’aide à la mise en place de « double diplômes », qui règlent le problème de la reconnaissance des formations effectuées à l’étranger.
Notre Rapport s’interroge ensuite sur les formes de mobilité des jeunes à privilégier pour « soutenir l’émergence d’une forme d’identité européenne » parmi les jeunes générations. Nous constatons que le soutien aux mobilités de formation classiques (séjours pendant le cycle académique, de type Erasmus) mobilise près des quatre cinquièmes des financements publics engagés en France. Et nous indiquons que, pour favoriser « l’éveil européen » d’un plus grand nombre de jeunes, il serait utile de soutenir davantage d’autres formes de mobilité, plus accessibles car moins longues et mieux placées dans leurs parcours : mobilités de formation linguistique ou « sessions d’été », afin de mieux tirer parti du temps libre dont ils disposent ; mobilités associatives, culturelles, citoyennes et de loisirs, qui peuvent bénéficier aux jeunes hors période de formation ; enfin expériences européennes pré-professionnelles de type stages en entreprises, volontariat international, etc.
Le Rapport préconise enfin d’améliorer la gestion du soutien public à la mobilité des jeunes. Nous recommandons notamment une intervention mieux coordonnée des acteurs politiques (UE, États, collectivités locales) et administratifs (notamment agences) soutenant cette mobilité, en lieu et place de la dispersion actuelle, qui pèse à la fois sur la visibilité et la motivation des jeunes, comme de leurs organismes d’accueil et d’envoi. Savoir aujourd’hui qui finance quoi en matière de mobilité européenne des jeunes n’est par exemple guère aisé, et cela décourage les plus indécis... Nous soulignons également que le soutien public à la mobilité des jeunes doit porter sur l’ensemble des étapes (départ, séjour, retour) et des aspects (logement, recherche d’un job d’appoint, reconnaissance des acquis, etc.), et qu’il ne saurait se limiter à la simple distribution de bourses ou de subventions.
Le Taurillon : Comment avez-vous réalisé ce Rapport ?
Ce Rapport est le fruit d’une réflexion collective impliquant plusieurs agents et conseillers scientifiques du Centre d’analyse stratégique, et que j’ai été chargé de coordonner.
Pour l’élaborer, nous nous sommes efforcés d’utiliser les rapports et études déjà disponibles, de dresser un état des lieux des initiatives publiques de soutien à la mobilité européenne des jeunes, mais aussi de consulter les principaux organismes et personnes concernés : administrations nationales et européennes, secteur privé, représentants d’étudiants et de jeunes etc. C’est certainement cette ouverture à nombre d’avis divers qui nous a incité à développer une analyse à la fois critique et constructive de la manière dont la mobilité des jeunes est aujourd’hui soutenue par les pouvoirs publics.
Nous avons également souhaité ne pas nous en tenir au seul horizon de la Présidence française de l’Union européenne et faire des propositions de court et de moyen terme, aussi bien au niveau communautaire qu’au niveau national.
Le Taurillon : Quand on parle de mobilité des jeunes en Europe, on a l’impression qu’il va s’agir d’un gouffre financier si tout le monde doit partir... Ne faudrait-il pas plutôt adapter les aides financières aux réels besoins des jeunes qui veulent partir ?
Cette impression est doublement trompeuse. Nous avons par exemple pu estimer à environ 250 millions d’euros les sommes dépensées en France en 2006 en faveur du soutien à la mobilité européenne des jeunes. Cette somme n’est bien sûr pas nulle, mais elle est négligeable par rapport aux budgets concernés. A titre d’exemple, l’Union européenne en a fourni la moitié, soit 125 millions d’euros, c’est-à-dire un montant infime au regard des 9 milliards d’euros perçus par la France au titre de la seule politique agricole commune. Même ordre de grandeur pour l’Etat : 43 millions d’euros, dans un budget annuel qui s’est monté à 266 milliards d’euros en 2006. Le même raisonnement vaut pour les collectivités locales, qui fournissent en France un tiers du soutien financier public à la mobilité européenne des jeunes.
Il faut en outre souligner, que même si les stratégies stimulant le désir de mobilité des jeunes portaient leurs fruits, tous ne partiraient pas. Et rappeler également que les jeunes étudiants contribuent en partie au financement de leur expérience de mobilité, car ils pensent en retirer des bénéfices personnels : ils continueront d’autant plus à le faire que ces bénéfices auront été plus clairement établis.
Le Taurillon : Le terme de mobilité européenne est souvent lié au programme Erasmus pour les étudiants. M. Ferry prône un service civique volontaire. Ne faudrait-il pas donner une dimension européenne à un tel service ?
Votre question conduit tout d’abord à souligner que, comme nous l’indiquons dans notre Rapport, beaucoup se joue au niveau national : sur le sujet de la mobilité comme sur bien d’autres, l’Union européenne joue en effet un rôle facilitateur, mais subsidiaire. Étendre la mobilité européenne à davantage de jeunes suppose d’européaniser les politiques et initiatives nationales : j’ai cité précédemment le traitement réservé aux enseignants mobiles ou le financement étatique des universités, mais la proposition de « service civique volontaire » constitue assurément un autre cas d’espèce.
Étendre la mobilité européenne à davantage de jeunes suppose d’européaniser les politiques et initiatives nationales
Un « service volontaire européen » existe déjà, sans avoir vocation à concerner tous les Européens : c’est donc en prévoyant que le futur « service volontaire » effectué dans un cadre français puisse parfois se dérouler dans un autre pays de l’UE qu’on pourra offrir une expérience de mobilité européenne à un nombre plus conséquent de jeunes.
Évoquer le « service volontaire » est par ailleurs d’autant plus important que ce type de service correspond bien aux mobilités « hors formation » qu’il serait utile de soutenir davantage, car elles sont bien adaptées aux besoins des jeunes. La mobilité de formation peut souvent être perçue comme un risque à prendre au regard d’une formation linéaire effectuée dans son pays, alors que les mobilités hors formation permettent aux jeunes d’utiliser l’important temps libre dont ils disposent pour s’instruire davantage, se rendre utile et se distraire. Leur offrir un service volontaire à dimension européenne pourrait donc s’avérer bénéfique.
Suivre les commentaires : |