L’opposition marchés-sociétés, une démarche dangereuse.
Il faut arrêter de faire des marchés une entité diabolique. Derrière la santé des marchés, il y a la santé de notre économie et derrière la santé de notre économie, il y a des individus, des familles, la question du chômage et de l’emploi, celle du pouvoir d’achat, celle du confort et du niveau de vie. On a donc tous intérêt à s’associer au marché. Le désigner comme l’ennemi à abattre est dans ces conditions purement démagogique.
Un marché efficace est un marché régulé !
Cela ne veut pas dire pour autant que le marché doit être roi. A l’heure où l’on peine à sortir d’une crise dévastatrice, toute personne saine d’esprit n’admettra pas que l’intérêt général suppose une liberté absolue des marchés. L’enjeu n’est donc pas d’anéantir le marché mais de l’assujettir, le réguler afin que la recherche par tous de l’intérêt privé n’empiète pas sur l’intérêt général et qu’il puisse au contraire bénéficier à la société.
Sur ces points là, l’Union européenne est exigeante même si nous devons constamment faire tendre notre système de régulation vers la perfection. C’est ainsi que l’Europe, par ses normes industrielles et environnementales est l’une des zones dans le monde où l’on se préoccupe le plus des externalités qui découlent de l’activité économique telle que la pollution. C’est ainsi que l’Europe, par son droit de la concurrence, lutte contre les abus de position dominante et de lutter contre les pratiques anticoncurrentielles qui nuisent à l’intérêt général. C’est ainsi que l’Europe, par son droit de la consommation, assure une certaine protection du consommateur afin de le rassurer et le permettre de consommer en toute sécurité.
L’Union européenne, parce qu’elle régule son marché, peut déjà s’affranchir du cliché pessimiste selon lequel elle ne s’occuperait que des marchés en délaissant l’intérêt social.
Mais il est vrai qu’il existe une autre conception de l’Europe sociale, une définition plus exigeante qui rend l’argumentaire ci-dessus totalement insuffisant. On pourrait énoncer que la conception exigeante de l’Europe sociale est celle qui aspire à une action plus forte de l’institution concernant le domaine de la protection sociale, celle qui aspire à une plus grande implication dans les enjeux sociaux les plus cruciaux, celle qui aspire à une plus grande implication dans le dialogue entre les différentes sociétés qui composent le vieux continent.
En ce sens, que peut-elle faire ?
En ce qui concerne la protection sociale : elle est et doit rester une compétence des Etats-membres car conformément au principe de subsidiarité, l’échelon national est le mieux adapté pour garantir la protection sociale. L’Europe n’est cependant pas étrangère à ces questions.
En effet un marché non correctement régulé tend à remettre en cause les systèmes de protection sociale. En ce sens, l’Union européenne, parce que les forces de marché s’exercent dans un contexte mondialisé, est la mieux placée sur le continent européen pour réguler les jeux de pouvoirs économiques afin de conforter la pérennité et l’intégrité de l’Etat-providence national dans un marché globalisée.
Ensuite, elle peut faciliter le dialogue et la coopération entre les différentes administrations de sécurité sociale afin de favoriser la mobilité des individus. La carte européenne d’assurance maladie est un exemple qui doit inspirer d’autres politiques.
Les enjeux sociaux varient beaucoup d’un Etat à un autre. L’union doit donc concentrer ses efforts en incitant à plus de coopérations lorsque certains problèmes sociaux sont transnationaux. Le chômage est l’un de ces problèmes. Il peut appeler à des solutions européennes comme des normes communes dans l’enseignement qui par exemple peuvent inciter à une coopération étroite entre l’enseignement public et le monde de l’entreprise, tout cela avec une dimension transnationale.
Elle peut inciter à plus d’investissement et plus de coopération entre les administrations d’insertion dans le marché du travail. Elle doit favoriser un marché du travail transnational en encourageant les travailleurs à être plus mobiles.
Enfin le dialogue entre les sociétés est sans doute le trait le plus fondamental. En ce sens les échanges de biens et de capitaux ne suffisent plus. L’outil le plus pertinent quant au dialogue des sociétés est sans doute la mobilité, l’échange d’individus. A cet égard, les étudiants sont déjà servis avec des programmes bien connus dans les universités comme Erasmus. Il faudrait augmenter les crédits alloués à la mobilité. Ensuite il faudrait des politiques de mobilité qui touchent toutes les catégories de population et non pas seulement les étudiants du supérieur.
On pourrait imaginer par exemple un programme qui permettrait aux fonctionnaires de travailler pendant une certaine période dans une administration locale ou nationale d’un autre Etat membre, ou alors un programme qui permet à des ouvriers de travailler dans une usine appartenant à une même multinationale sur le territoire d’un autre Etat, pareil pour les employés de supermarché, ceux qui travaillent dans le secteur primaire etc.
Ces programmes nécessiteront un véritable volontarisme politique. C’est en ce sens que l’Europe sociale apparaîtra aux yeux des citoyens européens comme étant plus visible, c’est en ce sens que nos sociétés se comprendront mieux et c’est enfin en ce sens que nous pourrions donner un nouvel élan à la construction européenne.
1. Le 4 avril 2013 à 10:41, par EC En réponse à : Réflexions autour du concept d’Europe sociale
C’est sans doute une blague ? Tout ce que l’auteur retient d’une possible « Europe sociale » serait une meilleure coopération entre administrations sociale pour permettre... de la mobilité ?
A l’heure où les écarts de salaires entre Européens (intra-nationaux et entre les EM) s’accroissent comme jamais, avec les écarts de conditions de vies, d’accès aux soins (il n’y a plus de médicaments dans les hôpitaux grecs ! les femmes doivent faire 4, 5 maternités différentes le jour de l’accouchement pour trouver un lit disponible à Athènes !), de mortalité, le chômage et l’austérité morbide qui s’abat sur l’ensemble du Sud de l’Union, tout ce que l’Europe pourrait faire de sociale serait du cosmétique techno... ?!
Quand on sait qui sont les européens mobiles (les professions cadres/supérieures, qui sont déjà mobiles, et les travailleurs détachés peu qualifiés que la directive détachement des travailleurs fait travailler aux conditions de leur payer d’origine), voir l’auteur vanter les mérites du droit européen dans le domaine du travail est au mieux risible, au pire déprimant !
L’Europe sociale, ce n’est pas la transposition au marché du travail de la dérégulation et mise en concurrence des « services d’intérêts généraux » pratiquée depuis 20 ans.
Que l’auteur ne nous parle t-il pas de salaire minimum européen ! De véritable politique de l’emploi européenne ou d’une rénovation du statut de service public européen pour garantir à tous les citoyens des droits élémentaires (éducation, santé, emploi, etc). Voilà l’Europe sociale qui sert les citoyens, pas cette bouilli sans ambition que l’auteur propose. La plus-value est évidente, et la subsidiarité si chère à l’auteur respectée (à moins qu’il considère que les politiques nationales sont actuellement efficaces pour lutter contre le chômage en Europe, auquel cas je lui suggère de changer de médicaments).
Sans véritable politique sociale, c’est le populisme, déjà bien présent au Sud (Grèce, « Aube dorée », M5S en Italie, etc.) qui raflera la mise. L’UE (fédérale) doit adapter son logiciel, ou disparaitre. Point.
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