Avenir de l’Europe

Réflexions sur le « Traité simplifé » de Nicolas Sarkozy

J-1 avant le décisif Conseil européen du 21 et 22 juin 2007

, par Laurent Bonsang

Réflexions sur le « Traité simplifé » de Nicolas Sarkozy

La visite à Bruxelles le 23 mai du nouveau Président de la République française pour parler d’Europe et de son avenir aura abouti à une déclaration de soutien du Président de la Commission Européenne à la proposition d’un « mini Traité » ou « Traité simplifié » qui serait adopté très rapidement afin de relancer la construction européenne et de répondre à la question de la réforme institutionnelle. Dans l’esprit de N Sarkozy, il s’agit d’avoir un texte court, limité dans son contenu aux questions de fonctionnement de l’UE et qui serait ratifié par voie parlementaire.

Cette tribune a été publiée à l’origine sur le site Fenêtre sur l’Europe

Ceci m’amène à peser le pour et le contre de cette proposition et de donner par cette chronique un certain nombre d’éléments d’analyse personnelle afin que chacun puisse se forger sa propre opinion sur cette proposition.

Le côté pour

Côté pour, il y a urgence que le fonctionnement de l’UE soit réformé en partant néanmoins du principe que les dispositions du Traité Constitutionnel constituent une base en dessous de laquelle nous ne pouvons aller (ce qui pose un premier problème avec les déclarations notamment du Gouvernement polonais, du Président Tchèque ainsi que du Premier Ministre des Pays-Bas).

Nous ne pouvons rester encore longtemps avec l’actuel Traité de Nice. La légitimité issue des urnes le 6 mai dernier en France ne peut être contestée quel qu’ait été le vote de chacun et avec cette proposition qui était celle du candidat à l’élection présidentielle, il s’agit ni plus ni moins de mettre en pratique un engagement électoral d’où le fait que la voie parlementaire serait celle utilisée pour adopter ce futur « Traité simplifié » (si les élections législatives des 10 et 17 juin en France donnent une majorité de la même sensibilité que celle du Président de la République).

Le constat est aussi que les arguments des tenants des Non au Traité Constitutionnel ne portaient pas sur les questions du fonctionnement de l’UE à l’exception des dispositions de révision du Traité Constitutionnel ce qui pourrait laisser à penser qu’il y aurait un consensus certain au-delà du vote de chacun le 29 mai 2005 (hors coté des Nonistes les antis européens ; les souverainistes et les extrémistes de gauche et de droite). Ce « Traité simplifié » signifie aussi qu’il devrait être suivi d’un travail en profondeur sur l’avenir de l’UE, sur les politiques de l’UE et les sujets qui revêtent une importance pour notre avenir (énergie, recherche, éducation, Europe sociale, environnement, politique extérieure, fiscalité…).

Enfin, car il faut toujours repartir des fondamentaux, cette proposition répond à la déclaration de Nice relative à l’avenir de l’Union qui a servi de base à la déclaration de Laeken en décembre 2001 puis de « mandat » à la Convention européenne qui a élaboré le projet de Traité instituant une Constitution pour l’Europe, en tout cas clairement à 3 des 4 points (délimitation des compétences entre l’UE et les Etats membres ; simplification des Traités ; rôle des parlements nationaux) ; seule la question du statut de la Charte des Droits fondamentaux n’est pas éclaircie d’où notamment la pression exercée par les syndicats européens (Confédération Européenne des Syndicats – CES) notamment lors de la réunion de la CES à Séville qui a rappelé son attachement à la Charte des Droits fondamentaux ; nous ne pouvons qu’approuver et relayer la position de la CES.

Côté contre

Côté contre, il ne s’agit pas de contester ni la légitimité du Président de la République, ni même l’idée d’un "Traité simplifié" qui serait consacré aux questions institutionnelles et au statut de la Charte des Droits fondamentaux, mais le mode de ratification qui serait choisi pour la France. La forme et non le fond en résumé. En effet, peut on se "payer le luxe" désormais de ne pas soumettre au référendum tout texte fondamental européen y compris sur un texte consacré au fonctionnement de l’UE ?

Peut on croire qu’un tel texte fondamental aurait une justification moindre à être soumis à référendum que les futurs élargissements (hors Croatie) depuis la révision constitutionnelle survenue en 2005 ? Certes, la question du fonctionnement de l’UE n’est pas ce que les Français "pensent le matin en se rasant", les attentes sont celles sur l’Europe sociale, les politiques de solidarité, l’environnement, les sécurités… Faisons un parallèle avec une hypothétique modification importante de la Constitution de la 5ème République : pourrait-on considérer que seul le Congrès du Parlement serait à même d’approuver une telle modification ?

Le risque est grand d’avoir un ressentiment des Français vis-à-vis de l’Europe et que le mécontentement engendré par l’absence de consultation référendaire sur un "Traité simplifié" se répercute sur un référendum sur un Traité de grande ampleur consacré aux politiques de l’UE, à ce que je pourrais nommer : "l’Europe concrète". Ne serait-ce pas servir sur un plateau d’argent des arguments aux antis européens, aux souverainistes et aux extrémistes qui n’attendent que cela et qui pourraient user de nouveau des manœuvres les plus basses et des plus grands populisme et démagogie ?

Certes soumettre à référendum un "Traité simplifié" signifie être en mesure de le remporter. L’une des clés est dans la connaissance et la compréhension de ce que fait l’UE ; elle est aussi dans la place que le Gouvernement souhaite accorder (ou non) au Parlement français en allant vers un système tel qu’il peut exister en Finlande ou en Suède ; elle est enfin dans la capacité à l’UE de répondre aux attentes des européens.

Ayant présenté avec une place équivalente les positions en faveur et en défaveur d’un référendum en France sur un « Traité simplifié », mon opinion personnelle, je tiens à souligner le caractère personnel, est qu’il est nécessaire d’avoir un référendum car nous priverions les citoyens de pouvoir s’exprimer directement sur ce texte ce qui ne ferait qu’alimenter les ressentiments et nous ferait prendre un risque sur de futurs référendums.

Néanmoins, la limite de l’exercice que je viens de faire est son caractère trop "franco-français". Il faut absolument penser à l’échelle de l’ensemble des 27 Etats membres de l’UE afin que les ratifications se fassent au même moment selon le choix de chaque Gouvernement quant au mode de ratification. Il s’agit d’avoir un débat sur le texte et sur la question du fonctionnement de l’UE et non sur le contexte, encore moins sur la personne qui pose la question.

Avoir un grand débat pan européen : voilà ce qu’il est indispensable d’avoir.

Quel que soit le choix du mode de ratification, il appartient auparavant à la société civile à commencer par le ME à se mobiliser sur le contenu d’un " Traité simplifié" et à être le cas échéant le "poil à gratter" car force est de constater que depuis 2 ans, seules les associations qui ont voté et soutenu le TCE travaillent et réfléchissent sur l’avenir de l’UE et la relance de la construction européenne.

A titre d’exemple sur les politiques de l’UE, la proposition d’un "Nouvel Acte Unique" de Confrontations-Europe constitue une contribue utile.

Illustration : logo de Fenêtre sur l’Europe, notre partenaire chez qui cette tribune a été publiée en premier. Merci encore à ce très bon site.

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