Dessin de Pierrot
Consensus est un bien grand mot, mais il résume finalement une réalité médiatique, et que les politiques le veuillent ou non, tous les candidats, des grandes villes comme des grandes circonscriptions européennes, auront à en parler. Ceux du Front National car c’est un de leurs sujets phares, ceux de l’UMP parce qu’ils s’y sont déjà trop aventuré ces 4 dernières années pour l’abandonner à l’un ou l’autre de leurs adversaires politiques, ceux du Parti Socialiste parce qu’ils ont le souci, comme trop souvent, de ne pas passer pour le parti du laissez-faire en matière de sécurité.
Le mot est lâché. Sécurité. En France comme dans la plupart des pays européens, parler des « Roms » revient finalement à parler de sécurité, de délinquance, de réseaux et de mendicité. Vous comme moi, vous avez dû, un jour ou l’autre parler des Roms avec des amis. Vous avez dû, toujours co mme moi, faire des raccourcis, des amalgames. Ou, encore et toujours comme moi, dénoncer les raccourcis et les amalgames des autres. Mais de qui parlons-nous ?
La première des précautions serait de prévenir le lecteur dès à présent : la communauté Rom n’en est pas une. Ou plutôt, il faut faire une différentiation essentielle entre deux termes homonymes qui ne représentent absolument pas les mêmes personnes. Les Roms désignent en effet à la fois la communauté des Roms bulgares et roumains (celle qui est visée par les politiques actuels) et de toutes les communautés reconnaissant et même revendiquant une culture et des coutumes liées, historiquement, au Nord du sous-continent Indien. Du fait d’une pluralité de noms, d’ethnies, de langues, de coutumes et des mœurs, peu de gens, si on excepte les spécialistes de la question, seront habilités à vous faire un topo détaillé sur les Roms lorsqu’on parle d’eux comme de cette deuxième catégorie de population, à l’héritage nord-indien. L’idée ici n’est donc que de briser quelques lieux communs dommageables à la compréhension collective de l’existence de cette (fausse) communauté forte de 10 à 12 millions de personnes en Europe (dont environ 8 millions sur le territoire de l’Union européenne [1]).
Le terme de « Rom » est un terme général adopté par l’Union Romani Internationale (URI) en 1971 pour désigner l’origine géographique de ces différentes communautés exilées au fil des siècles. On peut donc parler de « Rom-URI » pour les désigner, et de Roms roumains et bulgares pour ceux venant spécifiquement de ces deux régions.
Premier constat, premier amalgame : les Roms sont majoritairement sédentaires en Europe et ce depuis des siècles, et ils ne sont donc pas à confondre avec le terme générique de « gens du voyage ». La France est d’ailleurs le seul état européen à faire cette distinction Roms/Gens du voyage, parce que nous avons comme particularité d’avoir une communauté très importante de gens du voyage, estimée à 350 000 personnes [2] tandis que les Roms d’origine bulgare ou roumaine, ne seraient que 15 000 à 20 000 sur le territoire national [3].
Les Roms sont constitués de nombreuses communautés, parfois rivales, et possédant même des modes de vie qui varient. Pour faire un raccourci (puisque décidemment, il semble impossible de faire autrement…), on pourrait rapidement classer les populations roms de cette manière : les Gitans viennent en majorité d’Espagne, les Manouches sont des Roms vivant sur les territoires plus anglo-saxons (Angleterre, Irlande, Allemagne….) les Sinti sont un autre sous-groupe important d’Europe centrale. Enfin, et c’est sans doute le plus important, il y a ces « Roms bulgares et roumains », et c’est ceux-ci qui sont le plus souvent visés par les ministres ou les parlementaires. Et puis, il existe une infinité d’autres groupes, dont nous n’entendons jamais les noms et qui pourtant sont autant de raison de ne jamais faire de généralités. Par ailleurs, et c’est important de le préciser, le terme de « Tzigane » renvoi en fait à la définition de « Rom-URI » (et non à celle des Roms bulgares et roumains) et est particulièrement péjoratif. Il est donc théoriquement à prohiber.
On entend souvent, dans la presse notamment, le « problème d’intégration » des populations roms. A tort ou à raison, chacun peut se faire une idée. Il est cependant notable de préciser que les Roms ont pour la plupart adopté la religion de leur pays d’accueil (Catholicisme, Islam, Orthodoxie, etc…). Lorsqu’on entend nos politiques nous sermonner sur notre culture aux racines judéo-chrétienne, laquelle n’est pas remise en question ici, ça n’est pas l’objet de l’article, il faut garder ce point à l’esprit. Sans compter que les Roms sont connus pour leur piété. Leur manque de « volontarisme » à rallier les valeurs de la République n’était pas, jusqu’en 2010 et le discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy, un problème majeur dans notre société. Si la question a le mérite d’être posé, il est difficile de passer à côté de son instrumentalisation. Ainsi par exemple, on oublie souvent qu’avec le « Porajmos », la « dévoration » comme appellent les Roms leur extermination partielle par les nazis (entre 50 000 et 80 000 personnes), a conduit des Roms à rejoindre la résistance française.
A l’échelle de l’Union européenne, la question des Roms est plus dure encore à analyser. Il y a peu d’endroits sur la planète où il n’y a pas de populations roms (il y a en a, par exemple, en Australie !), mais on les retrouve en grande majorité en Europe. La variété des communautés, et des réactions nationales qu’elles supposent et entraînent, constituent de véritables obstacles à l’élaboration d’une stratégie européenne. C’est le constat de nombreux rapports. Une chose pourtant, est certaine : les Etats-nations de l’Union ont vécu des siècles aux côtés des populations manouches, gitanes, Sinti et autres dans une relative paix sociale. C’est une question culturelle primordiale qui est soulevée par le traitement réservé à la communauté rom en Europe. Devons-nous faire-fi des particularismes culturels non-nationaux ? La notion de peuple est-elle obligatoirement liée à celle de territoire ? Les réponses de l’UE sont pour l’instant limitées, et se contentent de traiter en priorité les violations les plus flagrantes des Droits de l’Homme. Nous qui sommes si enclin à projeter sur la scène internationale notre image de pays des Lumières, nous serions tout aussi favorables à la reconduction de populations vers leurs pays d’origines, où, faut-il le rappeler, ils sont traités comme de véritables parias ?
La question est vaste, elle est difficile à poser et il est plus ardu encore d’y répondre. En tentant de le faire, même le plus « droit de l’hommiste » peut vite passer pour un xénophobe en puissance, et les plus sceptiques peuvent soudainement regretter des discours trop violents. La question pourtant, n’est pas tant dans le problème posé que l’urgence soudaine d’y répondre. Les échéances politiques à venir (élections européennes et municipales) sont l’hypothèse la plus probable. Mais c’est bien sur cette idée d’urgence qu’il faut s’interroger. La question est posée.
1. Le 24 octobre 2013 à 14:13, par Comrad En réponse à : Roms à ranger ?
Merci pour ces intéréssantes précisions sur l’origine historique des « Roms ». Mais on y retrouve malheureusement un parfum de franco-centrisme un peu trop présent. Il manque à cet article une analyse de la situation des Roms en Roumanie/Bulgarie (et HONGRIE) pour percevoir l’étendue réelle de la situation. Donc il règne dans ces trois pays une attitude de rejet profond et viscéral vis à vis des Roms. Pourquoi ? Depuis quand ? Si on ne se penche pas sur cet aspect de la perception des Roms par les peuples qui partagent depuis des siècles un territoire avec eux, on ne pourra pas faire avancer le débat. L’attitude vis à vis des Roms en Roumanie est trés tendue et les Roms eux mêmes sont extrémement aggressifs, même dans la mendicité. Une chose pourtant, est certaine : les Etats-nations de l’Union ont vécu des siècles aux côtés des populations manouches, gitanes, Sinti et autres dans une relative paix sociale. Les fonds débloqués par l’UE pour faciliter l’intégration des Roms n’ont pas été utilisés comme ils auraient du l’être( et c’est un euphémisme..) mais la raison de cet état de fait est une absence de volonté des deux cotés de faire évoluer la situation. Il n’est donc pas étonnant de voir de nombreux Roms fuir la Roumanie, la Bulgarie etc.. car leur statut en France est de toute façon bien meilleur que celui qu’ils obtiennent en Europe de l’est. Renvoyer les Roms en Roumanie et en Bulgarie c’est renvoyer des gens dans un enfer d’ostracisme et de rejet. Les accueillir en France suppose de mettre entre parenthèse le modèle d’assimilation républicain.
L’europe n’est elle pas devant un choix différent de savoir s’il faut intégrer ou non une minorité ostracisée depuis des siècles, mais plutôt de faire en sorte que les Roumains et les Bulgares s’approchent du niveau de vie médian des peuples Européens et contribuent de manière positive à la richesse de l’Europe ?
2. Le 24 octobre 2013 à 20:12, par Raphael Gaillard En réponse à : Roms à ranger ?
Merci pour les remarques, non moins intéressantes ! J’avoue que pour le franco-centrisme, il est assumé, l’article se voulait un rebond des sorties politiques du début du mois. Mais je suis bien d’accord, un approfondissement du sujet, notamment sur la situation en Roumanie/Bulgarie, serait des plus appréciables et appréciées.
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