Le « Soldat de bronze » cristallisait depuis plusieurs mois les tensions entre Moscou et Tallin. La minorité russophone d’Estonie représente environ un tiers de la population du pays. Cette statue symbolise :
– pour les Russes, la victoire de la coalition anti-Hitler sur le nazisme ;
– pour les Estoniens de souche, elle marque le début de cinquante années d’occupation soviétique.
En déplaçant la statue controversée, le gouvernement estonien voulait éviter « les affrontements qui ont eu lieu devant la statue le 9 mai 2006 entre les jeunes activistes russes et des militants nationalistes estoniens ». Il n’y a pas réussi. Paradoxalement, un sondage montre que 80% des Estoniens approuvent l’action du gouvernement : pour eux, le déplacement de ce « Soldat de bronze » n’est que la confirmation de son indépendance, recouverte en 1991 et scellée par l’adhésion à l’Union européenne et à l’OTAN en 2004.
L’exemple polonais
Cette défiance vis-à-vis de la Russie est par exemple partagée par un pays comme la Pologne. Celle-ci avait déjà noué les relations diplomatiques avec la CEE (Communauté Économique Européenne) en 1988, un an avant la chute du régime communiste dans ce pays. Après des négociations de la « table ronde » et des élections libres, la Pologne avait signé l’accord de commerce et de coopération économique. En 1998, les négociations d’adhésion à l’Union européenne ont commencé, pour aboutir le 1 mai 2004. Dans une ambiance d’euphorie, la Pologne a supporté la révolution orange en Ukraine ce qui a poussé la Russie a porter un embargo sur sa viande. Aujourd’hui, les résultats de ce processus se ressentent dans les relations diplomatiques de l’Union européenne avec le président Poutine : le veto polonais bloque le lancement des négociations sur un accord de partenariat UE-Russie. La Lituanie qui a appuyé la démarche polonaise voit sa raffinerie de Mazeikiu (la seule qui desserve les trois pays baltes) qui n’est plus approvisionnée en pétrole russe depuis juillet 2006... quand elle a été achetée par le groupe pétrolier polonais PKN Orlen.
Les populations de l’Est ont besoin de gestes forts de l’Union européenne
Ces actions des pays de l’Est ont le même but : s’émanciper du poids de la Russie. Au-delà des raisons économiques, l’adhésion à l’Union européenne signifie l’approbation internationale de leur souveraineté. C’est pourquoi, aujourd’hui, la population de ces pays est largement pro-européenne. En même temps, il faut être conscient qu’ils n’ont pas adhéré « les mains vides ». Les pays fondateurs de l’Union européenne sont aussi les bénéficiaires de cette élargissement. D’une part, parce que les pays de l’Est offrent un plus grand marché de consommateurs. D’autre part, parce que la frontière à l’Est de l’Union européenne est, depuis l’adhésion de ces pays, mieux protégée, et par conséquent, plus stable. En plus, leur grande expérience des contacts avec la Russie pourrait être utile pour élaborer la politique commune vis-à-vis de Moscou.
Cela explique pourquoi l’Union européenne doit supporter des initiatives « locales » de ses membres. Elle a pourtant laissé se dérouler le sommet de Krakow en mai 2007 [1] concernant la sécurité énergétique dans la région sans se prononcer. Cependant, selon la Pologne et les pays baltes qui sont dépendant du pétrole et du gaz russe, la question de la sécurité énergétique doit être l’un des leitmotivs de la politique européenne. C’est pourquoi la Lituanie a fait confiance aux Polonais en leur vendant sa raffinerie de Maizeikiu. C’est aussi pourquoi la Pologne demande des garanties de solidarité et de sécurité énergétique...
Une Europe politique permetrait porter une diplomatie plus appaisée que celle qui se déroule au niveau national. L’attachement à l’Europe marque bien la volonté de vivre la démocratie des pays de l’Est. Si l’Union européenne veut y renforcer ses valeurs, elle devra soutenir leur efforts de s’émanciper de la Russie.
Cela serait un geste important dans la conscience collective de ces peuples pour lesquels une Europe politique signifie en réalité une plus grande protection de leur souveraineté.
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