Séminaire de Paris 2009 des Jeunes Européens France (2/3)

, par Maël Donoso

Séminaire de Paris 2009 des Jeunes Européens France (2/3)

La deuxième conférence du Séminaire de Paris consacrée aux élections européennes avait pour thème : « 1979-2009 – Bilan et avenir des compétences du Parlement européen. »

Olivier Abessolo, président des Jeunes Européens Universités de Paris et modérateur du débat, a relevé que le Parlement européen a paradoxalement peu de pouvoir d’initiative, alors même que cette institution est unique, et que la population de l’Union la place au rang de deuxième démocratie du monde. Il a demandé aux intervenants comment ce paradoxe pouvait être expliqué, et leur a proposé d’évoquer quelques pistes pour l’avenir du Parlement européen.

Le rôle et le futur du Parlement européen

Nicolas Fouqué, membre du Bureau du Parlement européen pour la France situé à Paris, a d’abord rappelé que plus de 70% des législations françaises viennent de l’Europe, alors même que l’Union ne bénéficie que d’un budget limité. Il a évoqué l’augmentation progressive du pouvoir du Parlement depuis 1979, et relevé que la codécision est maintenant égale entre cette institution et le Conseil de l’Union. Concernant l’abstention au moment des élections, qui a augmenté en parallèle avec les pouvoirs du Parlement, il a évoqué un déficit de communication auquel on peut apporter des solutions, dont le fameux plan D (Démocratie, Dialogue, Débat). Il a affirmé que des pratiques politiques et des attentes de la part des citoyens sont déjà en place, même en l’absence de fondements institutionnels : par exemple, les Européens attendent des principaux partis qu’ils présentent des candidats à la Commission.

Samuele Pii, président des Jeunes Européens Fédéralistes, a commencé par affirmer que, s’il parlait « avec son cœur », il ne pouvait que se révolter contre un Parlement qui ne représente pas assez les Européens. Il a relevé que si le traité de Lisbonne est adopté, 90% des sujets européens seront traités en codécision, et que dans une logique démocratique, le lieu qui parvient le mieux aux compromis sera le meilleur lieu pour trouver des solutions. Il a évoqué un scénario de futur à éviter, dans lequel le Parlement deviendrait un simple instrument technique de compromis au service des États, et un scénario souhaitable où cette institution se mettrait réellement au service des citoyens, et saurait profiter de son rayonnement international.

Pour Samuele Pii, cette deuxième vision existe mais aucun leadership fort n’est présent pour la défendre. « Quand je pense, a-t-il déclaré, aux cent mille personnes réunies à Berlin pour écouter Barack Obama, qui a dit simplement une chose : l’Europe est forte lorsqu’elle est unie… » Il a relevé ce paradoxe des Européens, qui ne croient en l’unité européenne que lorsqu’elle est annoncée par un politique américain. Pour défendre cette unité, il a mis en avant la nécessité de candidats clairement définis à la présidence de la Commission. Les bases juridiques ne sont selon lui pas un pré-requis pour agir : « Quand il y a une volonté politique, on trouve les bases juridiques nécessaires. » Il a finalement évoqué la possibilité d’une Constituante qui permettrait de dépasser la logique des traités, et annoncé : « C’est une question de patience, mais la patience est la première vertu révolutionnaire ! »

Les enjeux politiques de la prochaine législature

Catherine Lalumière, ancienne vice-présidente du Parlement européen, a commencé par évoquer son expérience au Parlement. « Ce qui est passionnant, a-t-elle déclaré, c’est la diversité des gens qu’on rencontre. » Elle a rappelé qu’au-delà des vingt-sept États membres, des représentants de tous les pays de la périphérie européenne, des observateurs du monde entier et des centaines de lobbyistes se pressent dans les coulisses de cette institution. Elle a comparé cette effervescence à la relative monotonie de l’Assemblée nationale en France, et déclaré avec humour : « À l’Assemblée nationale, on a quand même, au bout de quelques mois, l’impression d’être un peu au ras des pâquerettes… »

Elle a estimé qu’idéalement, le Parlement devrait être formé par des députés de très haut niveau, car en 2009 et au-delà, ceux-ci devront se prononcer sur des sujets nouveaux pour eux, et d’une gravité également nouvelle. Pour rendre l’Europe plus proche des citoyens, il ne faudrait pas seulement selon elle insister sur les réformes institutionnelles, mais plutôt sur les contenus politiques : « La majorité qui va sortir des urnes le 7 juin va avoir une grande influence sur l’avenir de l’Europe. » Si le clivage entre la gauche et la droite n’est pas très lisible au Parlement, elle a déclaré qu’on pouvait tout de même définir un clivage entre progressistes et conservateurs.

Parmi les dossiers importants que la prochaine législature aura à traiter, Catherine Lalumière a d’abord évoqué les chantiers déjà ouverts, par exemple les services sociaux d’intérêt général qui doivent faire l’objet d’un texte très difficile à mettre en place, et dont la rédaction s’étale depuis des mois. « C’est un dossier explosif, a-t-elle prévenu. Là, vous pouvez faire défiler des millions de personnes dans la rue. Bolkenstein, ce ne sera rien à côté. » Elle a ensuite évoqué les chantiers relatifs à la crise. Il est crucial selon elle que l’Union arrive à trouver des réponses, car de cela dépendra une grande part de sa crédibilité.

La politique économique, qui inclut les questions fiscales, reste l’apanage des États. Pour Catherine Lalumière, une coordination des politiques économiques nationales s’est mise en place après la crise, ce qui constitue un progrès, mais pas encore le fondement d’une politique commune. Un problème majeur est que les citoyens attendent de l’Union qu’elle relance la croissance et investisse dans les nouvelles technologies, alors que le budget communautaire s’élève à 1% seulement du PIB des États. Avec des ressources aussi modestes, il est difficile d’agir efficacement sur les problèmes économiques.

La nécessité d’une Europe forte et unie

La politique étrangère commune, lancée par le traité de Maastricht, a progressé lentement. « Aujourd’hui, a déclaré Catherine Lalumière, il faut à l’évidence que l’Union passe la vitesse supérieure. » Selon elle, le sommet du 13 juillet dernier consacré à l’Union pour la Méditerranée s’est traduit par peu de résultats significatifs. Elle a affirmé que les Européens doivent s’engager davantage, au niveau politique, dans la résolution du conflit israélo-palestinien. Quant à la Turquie, elle a estimé que ce pays détenait les clés de notre sécurité, et que ce dossier n’était pas traité d’une manière adéquate.

D’une manière générale, Catherine Lalumière a regretté la lenteur avec laquelle avance la politique de défense et de sécurité commune, et cité à ce sujet un exemple particulièrement frappant. Lors du conflit dans les Balkans, l’Union ne disposait pas des avions transporteurs lourds nécessaires à une intervention, et a dû louer des Antonov ukrainiens. Par la suite, un programme stratégique a donc été lancé pour se doter de transporteurs lourds européens. Ce programme n’a toujours pas été mené à son terme, et les Européens continuent aujourd’hui à louer des Antonov lors de leurs interventions dans d’autres régions du monde.

Catherine Lalumière a estimé que si l’Europe ne trouve pas de réponse à ces dossiers, elle sera marginalisée, ce qui s’avérera dangereux pour notre sécurité, mais plus encore pour notre liberté. Elle a évoqué Spinelli, qui a vu dans l’Europe l’instrument idéal pour construire cette liberté. Puis elle a cité François Mitterrand et son dernier discours adressé au Parlement, avec cette phrase devenue célèbre : « Le nationalisme, c’est la guerre. » « Si on laisse la bride sur le cou aux nationalistes, a-t-elle estimé, c’est toute une culture, toute une manière de vivre, et des valeurs qui vont disparaître. » Elle a regretté l’aveuglement des responsables politiques, le manque de volonté des médias, et le silence autour des enjeux européens. « Lorsque je vois cela, a-t-elle conclu, je me dis que ce sont des lâches... ou des idiots... » Le discours de Catherine Lalumière a été suivi par un tonnerre d’applaudissements de la salle.

Au terme de cette deuxième conférence, il est apparu que les partisans de l’Europe politique ont le devoir, non seulement de se battre pour les questions institutionnelles, mais de mener des réflexions et des actions concrètes sur les grands dossiers nécessaires à la survie et au développement de l’Europe. Comment les responsables politiques de la nouvelle génération ont-ils l’intention d’aborder ces sujets ? Cette question a fait l’objet de la troisième conférence du Séminaire de Paris.

Illustration : photographie de Nicolas Fouqué et Catherine Lalumière lors de la conférence, à la Fondation pour l’Innovation Politique. Auteur : Karim-Pierre Maalej.

Cette conférence s’inscrivait dans le Séminaire de Paris financé dans le cadre du projet Europe@myDesk avec le soutien de la Commission européenne. Cette communication n’engage que son auteur et la Commission n’est pas responsable de l’usage qui pourrait être fait des informations qui y sont contenues.

Vos commentaires
  • Le 5 mai 2009 à 06:36, par Martina Latina En réponse à : Séminaire de Paris 2009 des Jeunes Européens France (2/3)

    Merci pour ce deuxième compte rendu. Il est temps en effet que le Parlement Européen PROGRESSE, même avec son aile CONSERVATRICE, que le PIB de chaque pays membre contribue davantage à cette progression, que l’UPM voie sa réalisation pour favoriser l’entente sur le pourtour méditerranéen, enfin que la DEFENSE EUROPEENNE prenne corps et donne un visage à la paix,

    donc que les citoyens européens prennent leurs responsabilités en s’informant, puis en votant le mois prochain.

Vos commentaires
modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?

Pour afficher votre trombine avec votre message, enregistrez-la d’abord sur gravatar.com (gratuit et indolore) et n’oubliez pas d’indiquer votre adresse e-mail ici.

Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom