Serbie : Une arrestation pour l’Union ?

, par Jean-Baptiste Kastel

Serbie : Une arrestation pour l'Union ?

Le Président serbe, Boris Tadić, a confirmé le 26 mai 2011 l’arrestation de Ratko Mladić. A l’instar de Radovan Karadžić, l’ancien chef militaire des Serbes de Bosnie se cachait sous un faux nom, Milorad Komadić. Inculpé depuis 1995 de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité par le tribunal pénal en ex-Yougoslavie (TPIY) de La Haye, Ratko Mladić était activement recherché par les autorités serbes. L’Union européenne faisait de son arrestation l’une des clés pour la poursuite du processus d’intégration de la Serbie.

L’Union européenne insiste régulièrement auprès de Belgrade pour une "coopération pleine et entière" avec le TPIY en la matière. La Commission, chargée d’évaluer la candidature serbe, doit émettre en octobre une recommandation de lui octroyer ou non le statut de pays candidat à l’UE.

Sur les 161 personnes inculpées par le TPIY depuis sa création en 1993, un seul est toujours en fuite. Goran Hadžić, ancien Président de la République serbe auto-proclamée de Krajina, qui s’étendait sur environ un tiers du territoire de la Croatie durant la guerre (1991-1995), est accusé de crimes de guerre et contre l’humanité.

La voie de l’apaisement

Cette coopération avec le TPIY est nécessaire pour la Serbie et la réalisation de ses ambitions. Depuis l’élection de Boris Tadić (27 juin 2004), les politiques europeistes bouleversent la réalité politique dans le pays. C’est avec le slogan « Da osvojimo Evropu Zajedno ! » (Partons à la conquête de l’Europe) que le Président serbe fut réélu en 2008. En mars 2010, le Parlement serbe reconnaît pour la première fois depuis la fin de la guerre le massacre de Srebrenica. La même année, les Présidents serbe et croate (Ivo Josipović) se rendent ensemble à Vukovar. Ces symboles marquent le début de la réconciliation de la région.

Si le pays souhaite voir son entrée dans l’Union, il doit assurer une pleine coopération avec le tribunal. La Serbie, ainsi que la majorité des pays issus de l’ex-Yougoslavie, possèdent de nombreuses conditions additionnelles pour espérer obtenir le statut de candidat à l’Union. Certaines sont largement acceptées par les États de la région ainsi que par la population. Les protocoles visant à la réforme des systèmes judiciaires, de l’organisation administrative et de la politique d’apeasement avec les pays voisins sont souhaités par les différents protagonistes.

Les relations TPIY/Serbie : Une coopération destructrice

Ratko Mladić représentait un obstacle pour l’adhésion de la Serbie à l’Union. Son arrestation intervient dans un contexte tendu, les actions du TPIY sont décriées par une majorité de Serbes. En effet, 51% des Serbes se disent opposés à l’extradition de Ratko Mladić à La Haye, alors que 53% d’entre eux considèrent le TPIY comme « partial ». Tels sont les résultats d’un sondage, que Rasim Ljajić, ministre serbe du Travail et des Affaires sociales et chargé de la coopération avec le TPIY, considère comme liés à la crise socio-économique que traverse le pays.

Boris Tadic, le président Serbe

La coopération avec le tribunal pénal international en ex-Yougoslavie amène à de nombreuses contestations. La condamnation d’Ante Gotovina, Général croate, le 15 avril 2011 par le tribunal attise la véhémence de la population croate envers l’Union. A ce jour, si la Croatie devait effectuer un référendum pour l’adhésion à l’Union, il serait négatif.

La région reste soumise à un diptyque insolvable dans le court terme. La recherche et la condamnation des criminels de guerre, qui apparaissent comme des héros nationaux dans leurs pays, s’opposent à la finalité d’entrée rapide dans l’Union.

La population critique fortement à ce type d’action, comme le soulignent les manifestations en soutien aux personnes incriminées. Ce ressentiment s’appuie notamment sur le cas de Slobodan Milošević. L’arrestation et l’incarcération de l’ancien Président serbe (1992-2000) en 2001 laissent planer des doutes concernant l’efficacité du TPIY. Sa mort mystérieuse provenue le 11 mars 2006 attise l’hostilité de la population envers le TPIY.

A travers cette arrestation les autorités serbes ont montré « la volonté sans ambiguïté d’arrêter les fugitifs pour le bien de ses citoyens et pour la réconciliation dans les Balkans » (Boris Tadić). Cette action montre l’ambition d’accéder au statut de candidat à l’Union. Cependant il reste une autre embûche à l’adhésion de la Serbie : la question de la reconnaissance du Kosovo.

L’indépendance de l’ancienne province serbe, proclamée en février 2008, est contestée par Belgrade. Or, elle a été reconnue par 22 des 27 États membres de l’UE et la majorité des États souhaitent un réchauffement des relations entre Belgrade et Priština.

Photos : "Srebrenica massacre" par Maud Benardeau, certains droits réservés ; "Boris Tadić na predstavljanju knjige "Istorija Demokratske stranke"" par DEMOKRATSKA STRANKA, certains droits réservés.

Vos commentaires
  • Le 29 mai 2011 à 10:46, par Marie THUREAU En réponse à : Serbie : Une arrestation pour l’Union ?

    Il me semble que la Serbie est encore loin de remplir les conditions nécessaires pour faire partie d’une UE qui vacille sur se bases démocratiques : montée des partis d’extrême-droite, problèmes de liberté de la presse dans un certain nombre d’états membres (voir le classement de RSF), propos xénophobes de certains dirigeants (cf. Berlusconi concernant l’élection que son parti pourrait perdre à Milan et distribution de tracts par ses partisans déguisés en Tziganes), proposition d’un texte révisionniste visant à amnistier et à dédommager les « victimes » de la répression d’après-guerre contre les collabos à l’agenda parlementaire belge ( excellent pamphlet sur ce sujet à lire sur le blog du chroniqueur belge Marcel Sel), marches au flambeau du Jobbik pour intimider les Rroms et constitution ultra-nationaliste en Hongrie, remise en cause de Schengen... La liste des problèmes que rencontre aujourd’hui la démocratie européenne est longue ! Il me semble que désormais, la tâche principale est de rendre à l’UE ses valeurs fondamentales ! Faire entrer de nouveaux pays dans ce contexte, c’est le meilleur moyen de bloquer une construction déjà bien trop lente, ce qui arrangerait un grand nombre de dirigeants européens soucieux de ne pas perdre une once de pouvoir au profit d’une UE qu’ils prétendent défendre !

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