Si, après les élections, le gouvernement élu est affecté par la même instabilité au Sénat que celle qui a fait couler son prédécesseur, les racines de ce problème se trouvent dans notre système de gouvernance. Car si le processus politique en Italie s’oriente vers l’inertie, comme c’était le cas pour le gouvernement sortant de Romano Prodi, ce n’est pas forcement à cause de l’inaptitude et l’incompétence de nos dirigeants politiques. Pourquoi alors ?
Le bicaméralisme en Italie
Le vote dans la Chambre se passe à la majorité, ce qui veut dire que celui qui gagne obtient le nombre suffisant de députés pour lui conférer la gouvernance de la législature. Cependant, au Sénat, les listes électorales peuvent siéger selon le pourcentage de votes obtenu aux élections. Les partis doivent passer la barre de 8% au niveau régional (ou 3% si les membres sont issus d’une coalition si celle-ci obtient plus de 20% dans la région en question). En raison de notre bicaméralisme parfait (et redondant), on se rend vaguement compte que notre gouvernement a besoin d’avoir la majorité dans les deux chambres. Cela nous mène à la discussion sur le rôle décisif de petits et moyens partis qui vont jouer sur la stabilité du futur Exécutif.
Beaucoup de forces politiques peuvent apparaître comme exclues faute de pouvoir passer la barre de 8 %, cependant Sinistra Arcobaleno (l’extrême gauche, les verts et les pacifistes) et UDC (le centre droite) vont certainement réussir à avoir quelques places au Palazzo Madama (le Sénat).
Un élément central sera la marge de majorité de la future coalition : d’une part, la coalition Berlusconi (PDL) pourrait dépendre du soutien du Centre catholique ; d’autre part, la coalition Veltroni (PD) devrait reconsidérer ses relations avec l’extrême gauche ou même construire une coalition avec l’UDC. Si ce dernier arrive à avoir un nombre important de sièges, les négociations peuvent être très intéressantes pour le parti de Casini, car il aura le pouvoir de négocier un accord soit avec la droite, soit avec la gauche. En cas d’égalité entre les grands partis, l’UDC pourrait même passer un accord avec les deux coalitions en même temps. Cela sous-entend une large entente au sein du gouvernement. Casini – le candidat pour l’UDC – qui veut probablement devenir le médiateur de l’axe PDL – PD et être l’intermédiaire pour cette entente entre les deux partis.
Le rôle des petits partis
Le dernier élément qui ne devrait pas être sous – estimé c’est la Ligue du Nord. Alliée du PDL, elle n’y aura pas de problème de passer la barre de 8%, et pourrait même réussir d’attirer les votes protestataires contre le gaspillage et l’inefficacité « de la politique de Rome ».
Le rôle des petits partis devient crucial dans une situation si chaotique. Effrayés par l’incertitude que les petits partis peuvent apporter, les dirigeants des grands partis appellent les électeurs de voter utile, suggérant ainsi qu’il ne faut pas gaspiller leurs votes pour des partis qui ne passeront peut-être pas le seuil des 8%.
Ce système amène à un mécanisme pervers dans le rapport à l’électorat. En fait, beaucoup de partis ont suggéré de manière officieuse que les électeurs locaux votent pour des listes officiellement pas très populaires, mais qui le seraient certainement plus que les celles des partis les plus forts. Pendant une conversation avec un professeur proche du PD, celui-ci m’a expliqué que s’il vivait en Lombardie, il n’aurait pas voté le PD tout simplement parce que celui-ci n’avait aucune chance de remporter les élections dans cette région. Il voterait plutôt pour Sinistra Arcobaleno pour lui permettre de passer la barre de 8% et limiter le nombre de places du PDL. Par principe, il aurait préféré se retrouver en position de négocier avec Sinistra Arcobaleno, qui sur certains sujets est plus proche du PD que du PDL.
Bref, si les élections ne débouchent pas sur une large majorité au Sénat, la politique en Italie sera encore dépendante de la volonté de quelques sénateurs, et l’Europe sera le témoin des shows politiques embarrassants dont les Italiens sont fatigués.
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