Think Global - Act European (TGAE) : 14 think tanks européens font des propositions

Contribution au trio des présidences Espagnole, Belge et Hongroise du Conseil de l’Union européenne

, par Fabien Cazenave

Think Global - Act European (TGAE) : 14 think tanks européens font des propositions
couverture du rapport TGAE

Think Global - Act European (TGAE) : 14 think tanks européens adressent un rapport au trio des présidences Espagnole, Belge et Hongroise du Conseil de l’Union européenne. Elvire Fabry et Gaëtane Ricard-Nihoul de Notre Europe répondent aux questions du Taurillon à l’occasion de la présentation du rapport en ce jeudi 4 mars 2010.

Le Taurillon : Le premier rapport TGAE était sorti en 2008 à l’occasion de la présidence française. Quelles conclusions aviez-vous tiré de cette première expérience ?

Gaëtane Ricard-Nihoul et Elvire Fabry : Tout d’abord, il faut souligner que la démarche est née dans la perspective de la mise en œuvre du Traité de Lisbonne et de l’établissement d’un président stable pour le Conseil européen. Or, le Traité prévoyait également de maintenir les présidences tournantes (semestrielles) du Conseil des Ministres, tout en insistant sur le travail en Trio, c’est-à-dire entre trois présidences consécutives (les groupes de trois pays étant établis à l’avance par le Conseil, en fonction de critères de taille, géographiques ou « historiques »). Le projet souhaitait accompagner ce changement en se focalisant sur des recommandations à adresser au Trio, le message étant qu’effectivement le travail en Trio, complémentaire à l’action du Président stable, était la seule solution pour que l’agenda du Conseil soit le plus cohérent possible. Cette approche a été appréciée car au lieu de condamner le système du Traité de Lisbonne ou le considérer comme transitoire, les think tanks participant ont voulu au contraire montrer de quelle manière il pouvait être optimisé. La sollicitation pour ce rapport est d’ailleurs venues de think tanks basés dans les pays du Trio actuel et le projet suscite l’intérêt des pays qui vont occuper les futurs présidences de l’Union. Il ne faut pas oublier, comme le souligne le rapport, que la présidence du Conseil exercée par un Etat Membre représente une occasion unique et inégalée de mobiliser tout un peuple, des administrations, des entreprises, autour du projet européen, de le rendre plus tangible pour les citoyens. Et ce n’est pas un luxe quand on voit le soutien vacillant des citoyens pour la cause européenne.

Au-delà de cette hypothèse de départ, le bilan que nous tirons de la première expérience est très positif. Nous avons eu de nombreux retours encourageants. Nous constatons que le rapport a été lu par les décideurs, les chercheurs, les étudiants, les journalistes. Le fait d’avoir un réseau de think tanks basés dans plusieurs Etats Membres de l’Union permet aussi de décupler l’impact du rapport, notamment par l’organisation d’évènements dans ces pays, et en particulier ceux occupant la présidence bien sûr. C’est pourquoi Notre Europe a décidé d’en faire un projet récurrent tous les 18 mois. Entre chaque nouvelle édition du rapport, nous organisons également un Forum Européen des think tanks, qui réunit un maximum de think tanks européens, de décideurs, de journalistes, de représentants d’entreprises, de relais d’opinion au sens large. Cela permet d’élargir la réflexion bien au-delà du groupe TGAE, nécessairement restreint pour des raisons essentiellement pratiques.

Le Taurillon : Pourquoi 14 think-tanks européens se réunissent-ils dans un projet tel que le Think Global - Act European (TGAE) ?

Gaëtane Ricard-Nihoul et Elvire Fabry : Le secteur des think tanks est en pleine expansion en Europe mais le phénomène reste relativement récent et le secteur peu structuré. Notre Europe essaye de contribuer au renforcement de ce secteur en s’investissant dans de nombreux réseaux et partenariats. TGAE s’inscrit dans cette logique en essayant de créer des synergies entre le travail de quelques think tanks, parmi les plus éminents et ceux qui consacrent soit tout ou une partie significative de leurs travaux à la construction européenne. La devise de ce travail commun est celle de l’UE « l’unité dans la diversité ». Diversité parce que le but n’est pas d’uniformiser la pensée sur les enjeux européens. Au contraire, un des objectifs de TGAE est de montrer que les think tanks ont des analyses et idées diverses, liées à leur ancrage géographique, leur histoire, la vision des leurs experts etc. Mais TGAE accorde aussi un place importante à la réflexion collective et la 2e édition du rapport encore plus que la première. En effet, cette fois, nous avons poussé les think tanks à réaliser quelques papiers en commun, travaillé au sein d’un comité éditorial avec trois autres think tanks basés dans les pays du Trio et abouti à une quinzaine de recommandations signées par pratiquement tous les coordinateurs de chaque think tank. L’idée est aussi de démontrer que sur les enjeux importants et les priorités, il y a aussi une certaine convergence dans le monde des idées, malheureusement souvent en décalage par rapport à celui des décideurs. Nous espérons évidemment aussi que le travail collectif aura plus d’impact.

Le Taurillon : Quelles sont les grandes propositions qui ressortent de ce TGAE ?

Logo TGAE

Gaëtane Ricard-Nihoul et Elvire Fabry : Il faut peut-être justement commencer par les points sur lesquels il y a malheureusement un décalage entre les recommandations des think tanks et ce qui se profile comme la réalité la plus plausible. Commençons par le débat à venir sur les futures perspectives financières de l’Union : tous les think tanks s’accordent à dire qu’on ne peut se contenter d’un débat sur les dépenses sans aborder la question des ressources d’une part et qu’il faut que les Etats Membres sortent de la logique du « contributeur-net » d’autre part. Le même décalage semble exister sur la question de la représentation extérieure de l’Union : les think tanks sont d’accord pour dire qu’il faut privilégier une représentation unique dans les instances internationales, et au minimum pour l’Eurogroupe dans les institutions économico-financières. Sur ces deux points, la réticence des Etats Membres est assez nette. Les think tanks ont aussi mis l’accent sur la priorité à donner à la question de la gouvernance économique, à la nécessité de bien penser la stratégie EU 2020 (successeur de la Stratégie de Lisbonne) en tenant compte des conséquences de la crise bien sûr mais aussi de la nécessité absolue de créer les meilleurs synergies possibles entre les politiques économiques, sociales et environnementales d’une part et de rendre les outils d’intervention plus contraignants d’autre part. Les think tanks mettent aussi en avant l’opportunité que représente la création du Service d’action extérieure commun pour donner plus de cohérence et de visibilité à la politique étrangère de l’Union, qui ne doit pas être gâchée par les querelles administratives et institutionnelles.

Le Taurillon : Comment s’opère la répartition des sujets entre tous les think-tanks ?

Gaëtane Ricard-Nihoul et Elvire Fabry : Notre Europe, avec le comité éditorial, a d’abord proposé une ébauche de structure pour le rapport en identifiant les sujets qui lui paraissait incontournables au regard de l’agenda du Trio des présidences du Conseil de l’UE. Cet ébauche a été discutée avec le groupe des coordinateurs représentant les 14 structures. Ensuite, chaque think tank fait entre 3 et 5 propositions d’articles rentrant dans les catégories proposées dans cette structure. Le comité éditorial sélectionne les papiers en fonction de l’équilibre général. Mais en réalité, l’équilibre se fait presque naturellement car les think tanks n’ont pas tous les mêmes centres d’intérêt ou des chercheurs compétents pour intervenir sur tous les sujets. Nous préférons garder cette formule plutôt « bottom up », quitte à aboutir à un léger déséquilibre dans le rapport, car le choix des sujets et les ressources consacrées par les think tanks à telle ou telle thématique sont en eux-mêmes un indicateur de priorités.

Illustration : logo du TGAE

Le Taurillon tient à remercier Stéphanie Baz de Notre Europe pour son aide dans la réalisation de cette interview.

Vos commentaires
  • Le 4 mars 2010 à 11:08, par Krokodilo En réponse à : Think Global - Act European (TGAE) : 14 think tanks européens font des propositions

    En visitant le site Notre Europe, on comprend pourquoi les auteurs préfèrent les « think tanks » aux groupes de réflexion... L’Europe monolingue anglophone n’est pas mon Europe, et ne le sera jamais. Comme toujours, le grand secret de l’UE demeure tu par les médias nationaux, pour ne pas favoriser le sentiment noniste ; y a-t-il une seule coopération européenne qui ne se fasse en anglais ? Non. Même le juridique commence à flancher (cf. Allemagne récemment, article sur Marianne en ligne). Le prix de la construction européenne, c’est le déclin du français et de l’allemand. En politique, toute vérité n’est pas bonne à dire.

  • Le 4 mars 2010 à 11:34, par Fabien Cazenave En réponse à : Think Global - Act European (TGAE) : 14 think tanks européens font des propositions

    Autant sur le problème de la communication en anglais, je peux vous rejoindre car les 14 think-tanks essayent de communiquer dans la langue qui sera lue par le plus grand nombre de dirigeants principalement. Aujourd’hui, il y a un vrai problème sur cette question linguistique et aucune personnalité politique ne veut proposer une vraie voie européenne sur la question (anglais partout, traduction simultanée pour tout, espéranto, etc).

    Ne reprochons donc pas à Notre Europe et les autres think-tanks de choisir la voie qui sera la plus communicante aujourd’hui pour la présentation du rapport. Vous remarquerez que l’interview est en français... :-p

    Ce n’est pas un secret gardé par les institutions européennes : en Erasmus, la plupart des étudiants utilisent l’anglais pour communiquer entre eux, pas parce que c’est réfléchi et concerté par les instances européennes.

    C’est un vrai problème pour autant que personne ne doit ignorer pour autant. Nous sommes bien d’accord.

     ;-)

  • Le 4 mars 2010 à 16:29, par Krokodilo En réponse à : Think Global - Act European (TGAE) : 14 think tanks européens font des propositions

    Je n’ai d’ailleurs pas parlé de votre entretien, mais du site Notre Europe. D’accord avec votre commentaire, sauf avec l’absence de secret, car il y a bel et bien un consensus des médias nationaux écrits et télés pour s’autocensurer sur la question de la communication en Europe et de son anglicisation accélérée. Un consensus également pour formater l’opinion publique : combien de fois TF1 ou France 2 nous ont-ils montré les petits écoliers Suédois ou Norvégiens si forts en anglais ? Et à peine montre-t-on un petit Asiatique qu’il étudie l’anglais ! Cette manipulation finit même par être plaisante à suivre tant elle est grossière - mais efficace.

    Un article ici ou là sur le recul du français, oui, mais pas sur la question globale structurelle de la communication, ni sur le destin anglophone de l’UE. Même ceux qui évoquent la question, comme vous, les Euros du village, Jean Quatremer, Marianne, Libé je crois, évoquent essentiellement le Parlement européen ou la traduction des rapports, alors que de nombreux domaines techniques font l’objet de coopération entre Etats - tous ont des sites Internet pour leur communication, mais il s’agit avant tout de relations humaines entre locuteurs de langues différentes, un peu comme les rencontres de jeunes européens. N’oublions pas aussi la communication extérieure de l’Union… Si ce n’était pas injuste envers les parlementaires, j’appellerais ça la vraie Europe ; or, comment penser qu’on pourra utiliser plusieurs langues de travail tandis que la « vraie Europe » fonctionne(ra) exclusivement en anglais ? Ca n’a pas de sens. Les gens sont pragmatiques : l’UE sous leurs yeux parlant anglais, ils poussent leurs enfants à faire de même, les élites s’autoreproduisent en collant leurs gosses dans les sections européennes, en réclamant des cours d’histoire en anglais (politiquement appelé langue étrangère) ou en laissant Sciences-Po et autres imposer l’anglais unique à l’entrée, et leurs masters anglophones exclusifs. Au passage, ces grandes écoles, en gratifiant depuis peu l’anglais d’un fort coefficient, et lui seul, aggravent une ségrégation sociale qu’elles prétendent vouloir atténuer !

    D’ailleurs l’école primaire et secondaire elle-même l’impose bien souvent. Vous savez tout ça, certes, mais quel grand média écrit ou télévisé en a fait l’analyse ? Je joue simplement les Cassandre au petit-pied à mes moments perdus ; « Plus Cassandre voit l’avenir avec précision, moins on l’écoute. En transe, elle annonce des événements terribles dans un délire qui la fait passer pour folle. De ce fait, chacun la fuit. » (Wikipedia) Pas de transe pour le moment, mais j’ai peut-être oublié de dire que le prochain domaine visé était le maritime et les activités portuaires de l’Europe ? A lire les rapports, on sent que ça les démange de l’officialiser… Ah ! s’il n’y avait pas les Frenchies !

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