Présidentielle 2007 et Europe

Un Grand Jury Européen resté sur sa faim

Des candidats passés au crible, ça rend toujours quelque chose.

, par Pierre Catalan

Un Grand Jury Européen resté sur sa faim

Le Grand Jury Européen qui s’est tenu samedi matin a dégagé des lignes de débat pour la présidentielle, mais l’absence des candidats et la difficulté pour leurs représentants de s’engager en leurs noms a rendu l’exercice difficile...

La matinée a commencé par deux discours introductifs de Pierre Simon, président de la Chambre de Commerce et de l’Industrie de Paris, et Jacques Barrot, vice-président de la Commission qui ont parfaitement défini ce à quoi a servi ensuite, et va servir maintenant, le Grand Jury Européen des étudiants.

Pierre Simon a rappelé que la construction européenne a eu deux grandes significations ; celle d’apporter la Paix entre les Européens, et celle d’apporter prospérité, et cohésion dans un continent désormais réconcilié et réuni. Il a a rappelé que l’Europe déçoit les Français, parce qu’elle ressemble de moins en moins à la France, et parce qu’elle est de plus en plus le témoin d’un monde qui tourne plus vite que nous. Il a rappelé que le courage face à ce constat c’est la pédagogie, c’est l’exigence intellectuelle. Qu’aujourd’hui des étudiants pensent à interpeller les candidats pour leur faire prendre conscience de ces enjeux, c’est très salutaire.

Puis Jacques Barrot a complété, en souhaitant que cette matinée tire vers le haut une campagne décevante sur le sujet Européen. En rappelant qu’il était fort dangereux que désormais il y ait une jeunesse qui pense directement de façon globale, et une autre qui n’espère que du niveau national, en oubliant la force de l’Europe. Il y a certes des erreurs de l’Europe, des chantiers à compléter, il y a des consensus difficiles à digérer. Mais il y a surtout un horizon, et celui-ci n’admettra aucune faiblesse, ni aucune démagogie, c’est ce que sera l’Europe dans 50 ans. Celle que nous aurons construit. La Communauté n’est qu’une étape vers une gouvernance mondiale, qui devra soigner un monde difficile, en remédiant à la pauvreté dans le monde, en régulant la mondialisation. En gagnant des guerres mais surtout en conquérant des paix.

La suite fut moins poétique, moins ethousiasmante. Ce fut Gilles Savary, Denis Badré et Michel Barnier, respectivement pour Ségolène Royal, François Bayrou et Nicolas Sarkozy, qui étaient venus avec le mandat de leur candidat de parler et s’engager en leur nom.

Du premier l’on apprend des choses. On apprend l’engagement de Mme Royal d’engager un chantier de pédagogie de l’Europe par les responsables politiques Français. On remarque qu’il reconnaît humblement le double langage destructeur des politiques Français jusqu’à aujourd’hui sur le sujet Européen. Mais on entend que ce qui doit nous amener à désormais véritablement rompre avec ces anciennes façons de gérer les sujets Européens, c’est que l’opinion publique est entrée dans ce débat, et qu’elle compte y rester. Ségolène Royal, que veut-elle pour l’Europe, et pour le débat européen en France ? Elle veut donner du sens à la construction de notre Communauté ; en lançant un nouveau cycle Européen, sur l’environnement, en clarifiant le projet Européen par des preuves, des programmes concrets. Pour atteindre ces objectifs, il nous faut un bon traité, rassemblant tous les points de consensus du TCE, la partie I, mais aussi les 54 bases nouvelles de la partie III.

Du second, l’on comprend que l’Europe motive l’engagement de François Bayrou. Un diagnostic simple : la France a la dérive attend de l’aide de l’Europe, et l’Europe à l’arrêt attend un coup de manivelle de la France. L’idée de l’UDF c’est de réussir à sortir de cette double crise par le haut, par un sursaut du peuple Français, mais des peuples Européens en général. Par l’élaboration d’un nouveau traité ratifié par referendum, permettant de repartir de l’avant. Quitte à adopter un système d’Europe par cercles concentriques, pour créer une capacité d’entraînement. Un centre politique, une ceinture euro, une ceinture économique, une ceinture de partenariats privilégiés... Mais attention ! cercle concentrique, ça ne veut pas nécessairement dire que ce sera la France qui sera au centre !

Du troisième, on est placé devant deux alternatives face à un monde qui ne nous pose que des défis. Être solitaires ou bien être solidaires ? Pour être solidaires, il nous faut mutualiser les ressources, les politiques, les dépenses... Et mutualiser, c’est sacrifier. Ce n’est qu’à cette condition que dans 20 ans, alors que les USA, l’Inde, la Chine ou la Russie règleront le monde, l’Europe pourra être un acteur de sagesse et de promotion de ce qui fait l’humanité. Barnier rappelle que dans le projet qu’il faut construire d’ici 2010, il nous faudra d’avantage de démocratie, davantage de connections entre Bruxelles et la France, pour éviter la couardise des responsables politiques. Il faudra reconnaître enfin qu’industrie, économie, monnaie et politique sont indissociables pour réussir. Pour travailler à 27, il faut réformer rapidement les institutions par un traité de consensus simplifié ratifié par voie parlementaire, pour ensuite travailler à un vrai projet de relance pour l’horizon 2009-2010, accepté directement par tous.

Il n’en reste pas moins que, mis sur le grill, on a eu l’impression que ces trois Européens convaincus, tenant des propos presque fédéralistes, sont mal à l’aise de certaines positions de leur candidat. Gilles Savary est très évasif sur la méconnaissance manifeste de Ségolène Royal sur le contenu des Accords de Cotonou pour le co-développement. Il a du mal à défendre la vision très Franco-Française et très « PS » d’une harmonisation des droits sociaux par le haut, notamment via un SMIC Européen. Denis Badré a des problèmes à reconnaître la faiblesse de François Bayrou qui refuse la création d’une armée commune malgré l’ardent besoin que l’on en a. Il lui est difficile de justifier l’archaïsme de la vision de la PAC de son candidat, qui est un frein direct à la négociation viable d’un bon budget Européen. Face à la demande d’explication sur l’incohérence d’un directoire des 6 Grands et sur cette inqualifiable sortie de l’esprit Communautaire de Nicolas Sarkozy, Michel Barnier ne peut que tenter le bluff (« Nicolas Sarkozy n’a jamais prononcé ces mots ! Sauf peut-être sur des sujets ne concernant que son domaine particulier de ministre de l’intérieur... »). Il a aussi des difficultés à justifier le patriotisme économique emprunt de démagogie du candidat Sarkozy sur Alstom, Suez ou Airbus. Qu’il partage d’ailleurs, pour être tout à fait juste, avec l’ensemble de la classe politique Française...

Au final, il y aura eu comme un combat d’idées. Une mise sur le grill salutaire qui aura eu le mérite de mettre en lumière des faiblesses, à défaut de les résoudre. Mais c’est notre regret, et c’est leur faute : Ségolène Royal a préféré se rendre au Congrès de l’Unef à Lille, François Bayrou a annulé son engagement pour se rendre à la Réunion, et Nicolas Sarkozy a eu un programme trop serré avec sa visite aux Antilles.

Un jour d’anniversaire des 50 ans du traité de Rome, un tel abandon d’un événement de pédagogie Européenne, ça nous a fait mal.

Mais rassurez-vous, Gilles Savary s’engage : désormais, les responsables politiques Français feront de la pédagogie sur le sujet Européen !

Illustration : photographie prise samedi-matin à la fin du Grand Jury européen. Vous avez ici les étudiants de ce jury ainsi que Michel Barnier et Gilles Savary (accroupis) et Guillaume Durand (à droite).

Vos commentaires
  • Le 28 mars 2007 à 18:22, par Ronan En réponse à : Un Grand Jury Européen resté sur sa faim

    A propos des présidentielles, on pourra jeter un petit coup d’oeil au dernier numéro au bimestriel « Diplomatie magazine » (n°25,de mars-avril 2007), consacré aux sujets européens (notamment à la sécurité énergétique) ainsi qu’à l’élection présidentielle française.

    Avec (pp. 56-71) ’’Cinq questions européennes’’ aux candidats Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal, François Bayrou, Jean-Marie Le Pen, Olivier Besancenot, Marie-Georges Buffet, Philippe de Villiers et Dominique Voynet (j’espère que je n’oublies personne).

    Avec - pour ces huit candidats - cinq mêmes questions, à savoir : (1) Quelle est votre vision politique de l’Europe ? (fédéralisme, union d’Etats-nation, ...), (2) Quelles sont - selon vous - les frontières « naturelles » de l’Union européenne ? (3) Quel regard portez vous sur les récentes (depuis 2000) vagues d’élargissements ? (4) Quel est votre position sur le TCE près de deux ans après son rejet par les français ? (5) Quelle place souhaitez-vous pour la France dans le processus européen ?

    Salut à toute l’équipe.

    Ronan

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