Un Schengen à échelle réduite ? Oui, non, peut-être ?

, par Alessio Pisanò, Traduit par Damien Zalio

Un Schengen à échelle réduite ? Oui, non, peut-être ?
Bansky, sans titre, 2005 ; mur israélo-palestinien.

L’annonce de la commissaire Malmström le 4 mai dernier sur d’éventuelles modifications au traité de Schengen a entraîné des réactions variées au sein de l’UE. Certains ont salué la position de la Commission comme un pas en avant, une amélioration du traité, d’autres ont accusé l’UE d’avoir cédé à la pression franco-italienne au sujet de la vague migratoire.

Lors de son discours, la commissaire Malmström, responsable européenne des Affaires intérieures, a annoncé la possibilité de rétablir des contrôles restreints aux frontières nationales, dans « des circonstances extraordinaires » et sur décision commune de l’UE.

Ces contrôles pourraient être autorisés uniquement en cas de « menace sérieuse à l’ordre public ». A priori, aucun lien avec l’arrivée récente de quelque 25 000 migrants économiques tunisiens, événement trop anecdotique pour déclencher un tel mécanisme.

La commissaire Malmström a souligné l’importance d’apporter une réponse du type « plus d’Europe, pas moins ». Puis elle a insisté sur le fait qu’à l’instar de l’euro, Schengen a constitué « une réussite exceptionnelle » dans le cadre d’une construction effective de l’Union européenne.

Mésentente franco-italienne sur l’application de Schengen

Le débat sur une révision des règles de Schengen est né de la méfiance franco-italienne à l’égard de la vague de migrants provenant d’Afrique du Nord, migrants qui ont besoin d’être protégés après le soulèvement arabe.

M. Berlusconi et M. Sarkozy ont demandé à l’UE d’adopter une politique de réforme visant à modifier les règles de libre circulation dans l’espace Schengen. Dans une lettre officielle rédigée en marge d’un sommet d’égal à égal à Rome, les présidents français et italien ont réclamé une intervention de l’UE.

Face à cette situation d’urgence migratoire, le gouvernement italien, connu pour sa politique anti-immigration, a délivré des permis de séjour aux demandeurs d’asile pour éviter les embouteillages à ses frontières sud et leur permettre de rejoindre des proches en France. Le blocage, à la frontière française, de trains transportant des migrants africains a servi de prétexte pour invoquer des modifications au traité de Schengen.

La Commission propose un compromis, aussitôt dénoncé comme acte de faiblesse

S’exprimant au nom de la Commission, Cecilia Malmström s’est montrée à la hauteur de leurs attentes, en ouvrant la voie à un compromis. « On peut effectuer des modifications, dès lors que des conditions spécifiques sont réunies  ». Sans surprise, cette annonce n’a pas été épargnée par les critiques.

Au Parlement européen, socialistes et libéraux ont objecté que ces mesures permettraient aux Etats membres de réagir par automatisme concernant la question de l’immigration. Ils déplorent la tentative exagérée de certains gouvernements de faire de l’Europe une forteresse peu encline à aider les immigrants. Selon eux, prendre la sécurité intérieure comme prétexte pour modifier Schengen révèle les intentions réelles de ces Etats, et notamment celle d’affaiblir l’UE elle-même.

D’autres, comme les populaires et les Verts, ont accueilli la position de la CE en tant que suite logique des événements. Ils pointent du doigt les règles trop strictes dont souffrent les pays européens, lesquelles pourraient miner la confiance de ses habitants. En effet, la commissaire Malmström a clairement insisté sur le fait que ces éventuels contrôles aux frontières nationales de l’UE ne pourraient être introduits que sur décision de l’UE et en dernier recours.

Risque d’un démantèlement de Schengen ?

Néanmoins, l’affaire suscite encore des inquiétudes. Il est indéniable que, sous couvert de sécurité intérieure, la plupart des gouvernements essaie de durcir les règles et de prendre le contrôle complet de leurs politiques intérieure et étrangère, laissant l’UE en marge. En l’occurrence, l’Italie et la France sont certainement à la recherche d’un consensus politique facile.

En n’assumant pas leurs responsabilités, ces deux pays sont en train de remettre Schengen en cause dans son ensemble. Mais les requêtes des Etats membres ont besoin des réponses de l’UE. Car les ignorer pourrait entacher davantage la réputation de l’UE et alimenter l’euroscepticisme à l’intérieur de leurs frontières.

Nombre d’entre eux sont choqués de la neutralité de la CE, mais c’est au moins une réponse. Condamner les contrôles intérieurs sans jamais prendre en considération les cas particuliers reviendrait à commettre la même erreur que fermer les frontières elles-mêmes. Le rôle que l’UE est amenée à jouer n’est pas facile. La commissaire Malmström s’oriente habilement vers une politique UE commune en tenant compte des préoccupations des Etats du Sud.

Ce faisant, elle a parlé d’« amélioration » de Schengen et non pas simplement de « modifications ». Mais elle devrait plus que tout veiller à garder un équilibre entre les intérêts du traité et ceux des Etats membres, sans être poussée à prendre des décisions irresponsables. Jusqu’à présent, elle y arrive.

Bansky, sans titre, 2005 ; mur israélo-palestinien.

Vos commentaires
  • Le 11 juin 2011 à 06:59, par Martina Latina En réponse à : Un Schengen à échelle réduite ? Oui, non, peut-être ?

    Pour les questions posées par les frontières européennes ou par l’harmonisation des systèmes éducatifs qui se partagent leur espace, il faudrait d’abord se souvenir, en défiant le passéisme folklorique et ridicule comme l’obscurantisme collectif, du sens que revêt précisément le logo - plus juste et juvénile que rigolo - du TAURILLON.

    Cet animal énergique symbolise en réalité les luttes qui construisirent l’Europe depuis trois millénaires contre les murs de l’ignorance, de l’illettrisme et de la guerre, par les durables outils de contact (sur)naturels que représentent les techniques nautiques et l’art alphabétique, sans compter son précieux fardeau, mythique autant que prophétique, provenant du même Proche-Orient : princesse enlevée par le dieu suprême du panthéon hellénique, mais plutôt émigrée que violentée, la figure prometteuse d’EUROPE, au coeur même de son tremblant déracinement bien souvent dépeint par les plasticiens et les poètes occidentaux par-delà les flots ou la nuit, prit et donna racine en future terre grecque à la première civilisation européenne par la naissance de son fils Minos et de l’ère minoenne en Crète, au deuxième millénaire avant notre ère.

    Or cet étrange voyage ne doit pas se figer dans un arrêt sur image ni sombrer dans l’oubli : car il permet à l’Europe un retour aux sources non seulement dans son hospitalité et sa mobilité natales, mais aussi dans sa lumière fondamentale, puisque le nom d’Europe, compris comme « Crépuscule du soir » en sa langue sémitique originelle, inversa son sens chez les Grecs, qui l’adoptèrent probablement au début du premier millénaire avant Jésus-Christ - en même temps précisément que les techniques de navigation et l’alphabet importés de Phénicie (c’est-à-dire de la patrie d’Europe devenue par la suite le Liban et le rivage de Syrie !). Cette dénomination d’Eur-Ope signifia donc finalement « Vaste-Vue » : devant nos propres yeux d’Euro-citoyens, quelle espérance et quel programme s’y inscrivent, sans cesse actuels, par nature démocratiques autant que pacifiques, toujours à réaliser par « l’union dans la diversité » ou face à l’inhumaine adversité, en tout cas par la concertation respectueuse, harmonieuse, ingénieuse, n’est-ce pas ?

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