La sécurité énergétique sera l’une des priorités de la présidence française du Conseil de l’Union Européenne en 2008.
Les avantages comparés des énergies fossiles, de la fission nucléaire et des énergies renouvelables seront sans doute abordés, et la question d’un partenariat équilibré avec la Russie sera certainement à l’ordre du jour.
Mais pour renouveler la politique européenne de l’énergie, il peut être utile de se projeter au-delà des deux prochaines décennies, et de réfléchir aux technologies qui assureront, dans trente ou quarante ans, notre approvisionnement énergétique.
Les technologies d’aujourd’hui : les énergies fossiles, la fission nucléaire, les énergies renouvelables
Il semble aujourd’hui acquis que les énergies fossiles, c’est-à-dire le pétrole, le gaz et le charbon, ne peuvent servir de base à un développement durable : ces combustibles épuisables et nuisibles pour l’environnement devront tôt ou tard être remplacés, même si des systèmes de capture du gaz carbonique, encore au stade expérimental, pourraient en prolonger l’utilisation.
La fission nucléaire, le processus physique à l’œuvre dans nos centrales nucléaires classiques, pose des problèmes différents, car la scission de noyaux atomiques lourds aboutit à des isotopes radioactifs à très longue durée de vie : le stockage de ces matériaux représente une bombe à retardement potentielle, car la moindre fuite pourrait avoir des conséquences écologiques et humaines désastreuses.
La transition vers des sources énergétiques plus durables passera sans doute par les énergies renouvelables, c’est-à-dire l’hydraulique, l’éolien, le solaire, voire le géothermique. Celles-ci ont cependant, à leur tour, des limites. Le potentiel maximal des centrales hydroélectriques a déjà été atteint dans de nombreux pays. Les éoliennes présentent de bonnes perspectives, en particulier les éoliennes de haute mer, mais leur rendement reste limité. Si la recherche dans le domaine de l’énergie solaire est encourageante, il semble cependant que les énergies renouvelables soient vouées à se développer lentement, et leur capacité à rester limitée.
Il serait absurde de supposer que les besoins énergétiques de l’humanité n’augmenteront pas au cours du vingt et unième siècle. D’une part, les progrès constants en informatique, en robotique et en communication nous entraînent de toute évidence vers une société à haute consommation en énergie. D’autre part, l’industrialisation des pays émergents s’accompagnera inéluctablement d’une augmentation de leurs besoins énergétiques, comme c’est le cas pour la Chine actuellement.
La supraconduction, le recyclage et l’optimisation de nos machines domestiques et industrielles nous permettront sans doute des économies importantes. Mais dans l’ensemble, seule l’augmentation de notre production d’énergie pourra garantir la poursuite du progrès technologique, et surtout le partage des technologies entre tous les peuples de la planète. Par conséquent, nos sociétés industrielles seront bientôt confrontées à un double défi, en apparence paradoxal : produire beaucoup plus d’énergie, en polluant beaucoup moins.
La technologie de demain : la fusion nucléaire
Contrairement au processus de fission qui scinde des noyaux lourds, comme l’uranium, le processus de fusion réunit des noyaux légers, comme l’hydrogène. L’énergie produite est bien supérieure, et aucun déchet radioactif à longue durée de vie n’est libéré. La fusion nucléaire, lorsqu’elle sera maîtrisée, fournira donc une énergie propre et quasiment illimitée. C’est là que se trouve, de toute évidence, le futur de notre production énergétique.
Cependant, on ne fabrique pas facilement une étoile miniature à l’intérieur d’un réacteur. Pour être opérationnelle, une centrale doit protéger le matériel à fusionner dans une enceinte de confinement, ce qui représente un formidable défi d’ingénierie. La technologie est encore expérimentale, mais des progrès constants ont lieu, et d’ici quelques années, nous aurons atteint le point critique à partir duquel la fusion sera pleinement utilisable comme source d’énergie.
Le deutérium et le tritium, les isotopes d’hydrogène utilisés dans les réacteurs, peuvent être extraits à partir de l’eau. Il n’y a donc pas besoin de se procurer un matériau fossile en grandes quantités comme le pétrole, ou un élément rare comme l’uranium. Une puissance industrielle qui maîtriserait la fusion ne serait jamais dépendante d’une puissance tierce pour son approvisionnement en combustible : il lui suffirait de disposer des compétences scientifiques et technologiques pour construire et entretenir ses réacteurs. Aucune autre source d’énergie ne représente une indépendance aussi grande par rapport aux ressources naturelles.
L’Europe peut jouer un rôle clé dans le développement de la fusion
Le développement de la fusion devrait être l’une des priorités technologiques de l’Union Européenne, pour trois raisons :
– L’Europe dispose de compétences exceptionnelles en matière de physique des particules, comme le prouve sa participation majoritaire au programme ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor). Elle est sans doute la mieux placée, à l’échelle mondiale, pour diriger les recherches sur la fusion.
– L’Europe est aujourd’hui le leader mondial en matière d’environnement, et elle représente, avec les États-Unis, la principale puissance scientifique et technologique de la planète. Elle peut renforcer cette position en s’engageant dans de grands projets de recherche, et en jouant un rôle de pionnier.
– L’Europe doit trouver un moyen d’assurer son indépendance énergétique, en s’affranchissant des contraintes liées aux ressources. La fusion représente une chance inespérée de développer une source d’énergie propre, durable et à très haute capacité, qui assurerait notre avenir industriel pour les prochaines décennies.
Ajoutons enfin que l’Europe politique, que nous défendons, s’est construite autour de projets fédérateurs, et qu’elle ne peut se poursuivre que par des programmes ambitieux. La technologie de fusion apporte une réponse claire, réaliste et adaptée aux enjeux énergétiques et environnementaux auxquels nous sommes confrontés. Son développement doit donc être pleinement soutenu, encouragé par une volonté politique forte, et ses avancées doivent être partagées et débattues dans la société civile.
Ce serait une belle image et un grand projet, tant physique que politique : unifier des nations en fusionnant des atomes.
1. Le 6 juillet 2008 à 14:00, par Benoît En réponse à : Unifier des nations, fusionner des atomes
Le nucléaire ne peut pas constituer une alternative durable aux énergies fossiles. C’est certes dans l’immédiat moins polluant en terme de rejets de GES, mais à moyen terme se poseront la question du stockage des déchets, la question du démantèlement des anciennes centrales obsolètes avec une remise en état impossible, la question de mise aux normes très coûteuse de vieilles centrales qui peuvent encore l’être et enfin le respect de la souveraineté des Etats voisins de l’UE qui ne veulent pas de nucléaire sur leur sol et donc encore moins subir les conséquences d’un accident nucléaire à quelques km de leur frontière. Donc le nucléaire ne doit pas représenter l’avenir de l’UE. Par contre, il faut continuer les investissements sur les énergies renouvelables et faire de l’UE le fer de lance de ces énergies dans le monde.
2. Le 7 juillet 2008 à 11:36, par Maël Donoso En réponse à : Ne confondons pas les deux types de nucléaire
Ce que tu dis est exact pour la fission nucléaire. Cela ne concerne évidemment pas la fusion nucléaire, qui est l’objet de cet article, et dont les propriétés sont exactement inverses : pas de déchets radioactifs et donc aucun problème de stockage, des ressources accessibles de manière illimitée, et des centrales basées sur une technologie entièrement différente, ce qui élimine la possibilité d’accidents nucléaires classiques. De fait, l’énergie de fusion qui est décrite dans cet article représente une solution à tous les problèmes que tu as soulevés, très justement, au sujet de l’énergie de fission.
3. Le 5 janvier 2012 à 14:40, par vitale En réponse à : Unifier des nations, fusionner des atomes
05 janvier 2012 Je pense que les hommes gagneront la bataille de la fission nucléaire en transformant celle-ci en fusion nucléaire lorsque leur esprit sera en adéquation avec ce nouveau principe. Notre solution d’avenir passe aussi par la fusion de nos âmes en une énergie commune.
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