Europarlement

Vers une recomposition politique au Parlement européen ?

Un point de vue britannique...

, par Traduit par Emmanuel Vallens, Jon Worth

Vers une recomposition politique au Parlement européen ?

L’une des caractéristiques essentielles d’une vraie communauté politique européenne, d’une vraie fédération, serait le développement d’une vraie vie politique européenne, avec des partis se présentant aux élections européennes sur des programmes identiques dans toute l’Union.

Bientôt, de vrais partis politiques européens ?

Jusqu’ici, des partis politiques en devenir se sont développé au niveau européen, en se formant à partir des principaux groupes politiques du Parlement européen.

Toutefois, ce sont surtout les partis politiques nationaux qui ont mené campagne pendant les dernières élections européennes, en 2004. C’est sans doute surprenant mais les Britanniques ont semblé s’en accommoder sans trop de difficultés, jusqu’à récemment.

Le « Labour » (Parti travailliste) est membre du « Parti Socialiste Européen » (PSE) [1] et du Groupe parlementaire socialiste [2] au Parlement européen. Récemment, notamment à l’occasion de la directive sur le temps de travail, les relations entre les députés travaillistes et le groupe socialiste se sont révélées plus fortes qu’avec Tony Blair [3].

Les « Libéraux-Démocrates » (Libdems) sont les principaux acteurs du développement de l’ « Alliance des libéraux et démocrates européens » (ALDE) [4] et le député européen Libdem Graham Watson préside le Groupe parlementaire ALDE [5] du Parlement européen.

La question a toujours été un peu plus complexe pour les « Conservateurs ».

Les Atermoiements des Conservateurs britanniques

En effet, le parti conservateur britannique n’a jamais souhaité adhérer au « Parti Populaire Européen » (PPE) [6] et a rejoint des partis moins intégrationnistes comme les « Démocrates Européens » (DE) [7]. Le PPE et DE coopèrent au sein du groupe parlementaire PPE-DE [8] au Parlement européen.

L’idée était de permettre aux Conservateurs de ne pas avoir à voter avec le reste du groupe PPE-DE si leur parti avait pris des engagements contraires à la position du groupe, tout en s’assurant de leur soutien pour les nominations du PPE-DE aux postes d’influence du Parlement. Les Conservateurs en ont également profité, puisque Giles Chichester préside actuellement la Commission « Industrie, Recherche et Energie ».

Mais tout cela est encore indéterminé. David Cameron, le nouveau chef des Conservateurs, s’était engagé avant son élection à retirer les Conservateurs du groupe PPE-DE du Parlement européen, dans l’idée de créer un nouveau groupe politique avec des partis amis.

Vu du Royaume-Uni, cela pourrait avoir un sens : récemment encore, le parti avait choisi comme mot d’ordre national « En Europe, mais pas gouverné par l’Europe » [9] et il s’était opposé à toute avancée de l’intégration européenne, particulièrement depuis 1997.

’’In Europe, but not run by Europe’’ ?

Pourtant, les projets de M. Cameron se sont heurtés à une difficulté : quels seraient donc les partis qui accepteraient de coopérer avec lui ?

Le parti « Démocratique civique » tchèque (ODS) [10] et le parti politique polonais « Droit et Justice » (PiS) [11] ont certes été évoqués comme alliés, mais on est loin des 19 députés de 5 Etats membres différents nécessaires à la formation d’un nouveau groupe politique.

Ainsi, plus de six mois après la promesse de M. Cameron, les « Tories » sont encore membres du PPE-DE [12]. C’est pourquoi les militants conservateurs ont alors récemment commencé à prendre en main la question.

L’eurosceptique Groupe de Bruges, qui réunit certains adhérents au parti, est à l’œuvre derrière la campagne ’’Adieu PPE’’, en faveur de la sortie du groupe PPE-DE. La position inverse, pour rester dans le groupe, est défendue sur le Blog de campagne du PPE-DE, dont le site indique - information intéressante - que plus de la moitié des députés conservateurs sont opposés au retrait du groupe.

Qu’en conclure ?

Une fois encore, l’intégration européenne est un sujet qui divise la classe politique britannique et - une fois encore - c’est un sujet qui semble plus problématique pour le centre-droit que pour le centre-gauche.

Deuxième conclusion : il sera difficile de développer de vrais partis politiques européens sans l’engagement plein et entier des partis de Grande-Bretagne, le troisième plus gros Etat membre de l’UE. Troisième conclusion : la Grande-Bretagne n’est pas en mesure d’influence les principaux partis du centre droit, ce qui laisse la voie libre aux Merkel, Chirac, etc.

Enfin, si la question risque de causer du tort aux relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, on peut dire que le plus grand tort a déjà été causé par le gouvernement travailliste qui n’a jamais pris par les cornes l’euroscepticisme de la population britannique et n’est pour l’instant pas parvenu à honorer sa promesse de « mettre la Grande-Bretagne au cœur de l’Europe », permettant ainsi au soutien à l’UE de plonger dans de nouvelles profondeurs, selon les sondages Eurobaromètre.

Bref : toujours pas de solution en vue pour les relations tendues et difficiles entre la Grande-Bretagne et l’UE.

(Document traduit de l’anglais par Emmanuel Vallens, membre du bureau national des « Jeunes Européens - France »)

- Illustration :

Photographie de l’hémicycle du Parlement européen à Strasbourg.

(Sources : Encyclopédie en ligne wikipédia ).

Notes

[3Cliquez ici pour lire l’article de la BBC sur le sujet.

[9i. e : ’’In Europe, but not run by Europe’’.

[12Pour un point de vue journalistique sur cette affaire :

Lire le blog de David Rennie, correspondant à Bruxelles du « Daily Telegraph ».

Vos commentaires
  • Le 24 juillet 2006 à 16:56, par Ronan Blaise En réponse à : Vers une recomposition politique au Parlement européen ?

    Voilà un article qui vient confirmer ce que l’on commencer à pressentir depuis déjà un petit moment : le groupe parlementaire PPE est manifestement, aujourd’hui, au bord de la crise de nerfs (si ce n’est de l’explosion...).

    On a déjà très bien pu le constater à l’occasion de son Congrès de Rome, les 30 et 31 mars derniers : réunion alors organisée (sous l’égide de son président, l’ancien premier ministre belge Wilfried Martens) pour ’’fêter’’ son trentième anniversaire.

    En effet, le PPE, anciennement parti chrétien-démocrate européen aujourd’hui déserté par les seuls vrais chrétiens-démocrates qu’il regroupait encore... (Et qui, depuis lors, sont partis former leur propre groupe parlementaire ’’centriste’’ ALDE...), n’est désormais plus qu’une vague alliance ’’informe’’ des conservateurs d’Europe.

    Qui plus est, cette alliance conservatrice est aujourd’hui déchirée sur les questions européennes les plus fondamentales : au-delà du classique antagonisme Nord-Sud, le PPE se heurte - aujourd’hui - aux conflits entre ’’jeune’’ et ’’vieille’’ Europe, entre tenants et opposants au TCE, entre défenseurs de l’économie de marché et protectionnistes, etc.

    Sans parler des tirades parfois (limite) nationalistes de certains de ses Eurodéputés polonais (’’Libéraux’’ de la « Plateforme civique »), sans parler des tirades populistes de certains de ses Eurodéputés italiens (’’Berlusconistes’’ de « Forza Italia ») et sans parler -donc- des tirades eurosceptiques (voire antieuropéennes) de certains de ses Eurodéputés britanniques (’’Tories’’ de David Cameron en tête).

    Bref : difficile de retrouver là la ’’marque de fabrique’’ originelle (chrétienne-démocrate et ’’eurofédéraliste’’) qui caractérisait si bien, au départ, cette formation politique transnationale, aujourd’hui devenue ’’eurotièdasse’’, sans ambition européenne véritable et, en fait, bien amorphe...

    Bref, pauvre PPE, devenu ’’fourre-tout’’ sans cohérence : à peine trentenaire et déjà usé...

  • Le 24 juillet 2006 à 20:10, par Jon Worth En réponse à : Vers une recomposition politique au Parlement européen ?

    Ronan - je suis tout a fait d’accord avec ton analyse du PPE. Mais quoi faut-il faire face a ces vraies problèmes des parties politiques ? En plus, concernant la groupe PPE-DE au Parlement Europeen, il y aussi une grande manque de « leadership » de la part de Hans Gert Poettering - cela n’aide pas du tout la situation.

    Il faut pas oublier que le PSE a aussi des graves problemes avec son parti-member SMER en Slovakie pour l’instant... Suivez le lien pour plus sur ce theme sur mon blog.

  • Le 24 juillet 2006 à 22:35, par Ronan Blaise En réponse à : Vers une recomposition politique au Parlement européen ?

    A propos du PSE, je suis tout à fait d’accord avec toi : celui-ci est effectivement -lui aussi- soumis à des forces centrifuges et contradictoires qui nuisent à sa cohésion et manquent également de le faire imploser.

    Enfin, pour ce qui est de l’affaire ’’Smer’’, juste signaler que l’un d’entre nous (Fabien, pour ne pas le nommer...) avait déjà écrit un papier fort intéressant sur le sujet, document à lire ici.

  • Le 24 juillet 2006 à 22:55, par Jon Worth En réponse à : Vers une recomposition politique au Parlement européen ?

    Je viens de trouver un excellent analyse des tensions pour David Cameron sur la site web de Channel 4, chaine britannique de television.

  • Le 5 août 2006 à 09:39, par Valery En réponse à : Vers une recomposition politique au Parlement européen ?

    Cet article est également paru et commenté sur Agoravox.

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