Les Canaries et Ceuta, seules face à la crise migratoire
En un an, plus de 30 000 migrants d’Afrique de l’Ouest sont arrivés aux Canaries dont la majorité du Mali et du Sénégal puis du Maroc et de Mauritanie - soit une augmentation de 126% par rapport à 2023. Cette année, 74% des migrants illégaux arrivés en Espagne sont entrés par les îles Canaries, et les arrivées n’ont jamais été aussi nombreuses sur les territoires insulaires.
A ce jour, la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA) a dépassé la mesure du possible ; on compte 6000 arrivées pour 2000 places disponibles dans les centres d’accueil aux Canaries. Annulée le mardi 2 septembre, la rencontre entre les deux parties qui devait avoir lieu deux jours plus tard aurait pu donner de la visibilité et avoir une réflexion d’ensemble sur les actions et stratégies à mettre en place. La collaboration entre la communauté autonome des Canaries et Ceuta est indispensable afin de résoudre cette urgence.
La juriste Noemi Alarcon du “Consejo Migraciones Abogacía Europa” a expliqué que le contrôle de l’immigration aux frontières est de la responsabilité de l’Etat ce qui change pour les mineurs. En effet, selon la loi espagnole, la protection des mineurs relève des services de la communauté autonome.
Afin de respecter les droits fondamentaux de l’enfant, le 3 septembre, le président Fernando Clavijo a déclaré que l’urgence actuelle “n’est pas une façon d’accueillir” les mineurs non accompagnés avec des conditions inadaptées. Les jeunes ne peuvent pas être mis à la rue et doivent être scolarisés, apprendre l’espagnol et les fondamentaux afin de devenir citoyens. Du fait du peu de moyens mis à leur disposition, le président s’interroge sur la pleine garantie des droits fondamentaux des mineurs non accompagnés.
Le gouvernement espagnol pressé par l’Union européenne
Selon le Président de la communauté autonome des Canaries, les îles "ne peuvent pas supporter seules toute la pression migratoire du sud de l’Europe.”
Sur le plan financier, le Conseil des Ministres a décidé d’attribuer 15 millions d’euros aux Canaries, alors que l’île a reçu plus de 70% des migrants en 2024, dont 5 200 mineurs. - Une goutte d’eau comparé aux 160 millions d’euros dépensés jusqu’à maintenant dans cette crise pour la prise en charge des mineurs non accompagnés en 2024.
L’agence de garde-frontières de l’Union européenne et de garde-côtes Frontex a expressément demandé au gouvernement espagnol de s’engager et de solliciter des moyens financiers pour qu’elle puisse agir sur les zones impactées par l’arrivée massive de migrants.
Son directeur Hans Leijtens a formellement informé le Parlement européen qu’il est impossible d’opérer directement dans leur pays d’origine : “Nous dépendons de la demande d’aide de la part des Etats membres. S’il n’y en a pas, nous ne pouvons pas soutenir les Forces et Corps de sécurité espagnols. J’espère que l’Espagne va nous demander que nous, Frontex, l’aidions.”
Le président des Canaries et du PP ont sollicité le soutien de Frontex, qui ne peut agir que si le Gouvernement espagnol en fait la demande. Pourtant, aucune autorisation des Etats africains, ni de demande expressément de la part de l’Espagne n’ont été jusqu’à maintenant formulées. “Nous ne nous sommes pas fait comprendre ; ce dont nous avons besoin est la solidarité de l’ensemble de l’Etat” a déclaré Rosa Davila, présidente de la Mairie de Ténériffe.
Le président Fernando Clavijo de la communauté autonome des Canaries a adressé un communiqué à Ursula Von Der Leyen pour lui faire part personnellement des problèmes liés à la crise migratoire et l’inviter à venir constater la situation sur place. Afin d’obtenir un soutien direct de l’UE, il a demandé à intervenir devant le Parlement européen pour sensibiliser les élus à la pression vécue actuellement par la population dans le sud de l’Europe.
“Je crois que celui qui vient, rien de plus et rien de moins que le vice-président de l’UE, qu’il puisse débattre avec nous, qu’ils puisse échanger avec les bénévoles, avec les ONG, c’est une nouvelle très positive parce que l’Europe vient souvent aussi avec des solutions” au regard de sa venue mercredi 18 septembre, a indiqué Fernando Clavijo. Dans cette optique, il espère que le gouvernement réponde et puisse réagir face à cette situation.
Dans un communiqué, le président de Ceuta adresse une demande d’aide au gouvernement et aux communautés autonomes. La déléguée du gouvernement de la ville autonome, Cristina Pérez a admis que Ceuta vit actuellement une situation de pression migratoire catastrophique. 500 tentatives d’entrée par jour venant du Maroc et d’Algérie déstabilisent le territoire.
Chaque jour, environ 450 mineurs non accompagnés sont admis au sein des hôpitaux, notamment des jeunes marocains avec des douleurs aux oreilles, à la gorge et des blessures en tout genre, mais également des traumatismes et des hypothermies.
Ceuta a le taux de corps médical le plus bas d’Espagne. La ville autonome fait face à une crise sanitaire inévitable, soit 4,26 médecins pour 1 000 résidents. Ceuta est à bout de souffle.
L’Association professionnelle de Justice et de la Guardia Civil (JUCIL) a exprimé publiquement le manque d’effectifs et l’absence de législation adaptée. Suite à cette situation, la JUCIL a demandé à ce que le Ministre de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska se rende au Maroc : “Nous sollicitons aussi l’Union européenne pour qu’elle fasse pression sur le Maroc afin de collaborer efficacement au contrôle des migrations illégales. La vie de nos agents est en jeu.”
Ceuta s’associe aux Canaries pour demander plus d’argent pour la prise en charge des migrants, soit 150 millions d’euros pour rémunérer les ONG qui s’occupent des primo-arrivants à leur arrivée en barque et pirogue.
La situation est actuellement insoutenable et ne devrait pas aller pour le mieux dans les semaines à venir. Des dispositions sont à envisager en urgence, notamment la modification de la Loi Immigration refusée par Junts, Vox et le PP le 23 juillet dernier. La modification permettrait de déplacer vers d’autres communautés autonomes de la Péninsule Ibérique les mineurs non accompagnés.
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