À Helsinki, l’Union européenne brille … par son absence

, par Thomas Robin

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À Helsinki, l'Union européenne brille … par son absence
Vladimir Poutine et Donald Trump lors du sommet du G20 à Hambourg, en 2017. Photo : Kremlin.ru - CC BY 4.0

Tandis que la vingt-et-unième édition de la Coupe du monde de football se terminait ce dimanche en Russie par le sacre de la France, et que certains spécialistes du ballon rond parlent de domination européenne depuis 2006 ; l’Union européenne (UE) semblait totalement invisible le lendemain, à Helsinki, où Donald Trump et Vladimir Poutine se sont rencontrés ce lundi 16 juillet 2018.

Une rencontre au sommet

C’est au terme d’une semaine de confrontations européennes que Donald Trump a rencontré son homologue russe, renforcé par l’image d’une Russie accueillante et félicitée pour l’organisation de la Coupe du monde. Néanmoins, si son image a quelque peu changé dans le regard porté sur elle par les médias internationaux, le gain sur le plan diplomatique reste faible, même si cette rencontre, qui avait pour objet les relations russo-américaines et la guerre en Syrie ou en Ukraine, a abouti sur une finalité plus que favorable pour le gouvernement russe. Certains peuvent s’interroger sur les raisons du lieu d’une telle rencontre ; pourquoi Helsinki ? Comme expliqué il y a quelques jours dans le Taurillon, il s’agit du lieu naturel des rencontres entre les Américains et les Russes. Néanmoins, alors que la diplomatie Obama incorporait régulièrement la diplomatie européenne dans ses rapports avec la Russie, cette « tradition » semble désormais rompue.

Diplomatie européenne : un rôle à jouer

Au cours de cette épopée au Pays des cent mille lacs, la seule voix européenne qui aura raisonné fut celle de Sauli Niinistö, président de la République finlandaise. Alors, même si le silence est privilégié dans la culture finlandaise, l’Union européenne, carrefour de deux mondes, a son mot à dire, en raison des sujets abordés au cours de ce sommet. La volonté des « deux grands » d’anéantir l’Union européenne ne doit pas passer par une finlandisation — « expression faisant référence à l’influence que peut avoir un pays puissant sur la politique extérieure d’un plus petit pays voisin » — de la fragile diplomatie européenne. L’illustration de ce sommet démontre, en partie, la mission que doit avoir la diplomatie européenne : celle de médiatrice.

Pour revenir sur les faits de la semaine dernière, Donald Trump était à Bruxelles les 11 et 12 juillet pour le sommet de l’OTAN (Organisation du traité de l’Atlantique nord). Le chef d’État américain affirma sur les réseaux sociaux que « De nombreux pays de l’OTAN, que nous sommes censés défendre, non seulement ne tiennent pas leur engagement de 2 % (ce qui est bas), mais sont défaillants depuis des années dans leurs paiements qu’ils ne versent pas. Vont-ils rembourser les États-Unis ? » Il continua en martelant que « L’Allemagne enrichit la Russie. Elle est prisonnière de la Russie. L’Allemagne est complètement contrôlée par la Russie. » C’est d’une seule voix que l’Union a étonnement su répondre, Donald Tusk rétorquant que « L’Amérique et l’UE sont les meilleurs amis. »

Malgré ces échanges verbaux, impulsés par le Président américain et dignes d’une cour de récréation, l’Union est attachée à ses relations privilégiées avec les États-Unis. Cependant, cet étroit lien semble de plus en plus menacé, au fil des Tweets de Donald Trump. Récemment, il qualifiait les Européens « d’ennemis », au même titre que les Chinois et les Russes. Cette qualification, peu élogieuse, s’explique en raison de la guerre commerciale entamée par les États-uniens et en continuité avec les débats concernant l’OTAN. L’hostilité du Président Trump envers l’Union peut aussi s’expliquer par l’opposition politique et économique des deux continents et par l’opposition européenne à la politique américaine marginalisant ses alliés traditionnels face aux régimes autoritaires. Enfin, les dissensions entre les deux entités découlent aussi du retrait des États-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien, pénalisant grandement la reprise économique du pays, dont les entreprises européennes bénéficiaient.

L’Union européenne doit déterminer un axe diplomatique. Publiquement, la stratégie adoptée semble celle du désintérêt de ce sommet américano-russe. Physiquement, cela s’exprime par l’absence de représentants européens, puisque Donald Tusk et Jean-Claude Juncker effectuent une visite diplomatique en Asie et Federica Mogherini s’entretient avec ses homologues libyens. En réalité, l’indifférence européenne peut s’expliquer par la nécessaire protection des intérêts européens : développer les liens commerciaux de l’Union en Asie et renforcer sa coopération au Maghreb dans le cadre de la lutte contre l’immigration.

La marginalisation de l’UE et la nécessité de développer sa diplomatie

Suite audit sommet du 16 juillet, le chef de l’exécutif américain a affirmé croire le Président Poutine sur les accusations d’ingérence russe dans l’élection présidentielle de 2016. Cette déclaration a choqué Washington, puisqu’elle est contraire aux résultats des enquêtes menées par les services de renseignements américains. Tandis que la diplomatie Trump apparaît soumise aux caprices d’un businessman devenu homme d’État, Vladimir Poutine réussit à étendre l’hégémonie russe dans la diplomatie mondiale. Un nouvel axe semble néanmoins se dessiner. Même si la volonté européenne est de préserver des liens intimes avec les Américains, que le Président Trump s’acharne à détruire, l’Union semble se tourner vers ses homologues asiatiques, notamment chinois et nippons. Les raisons de ces rapprochements sont précisément économiques, face au protectionnisme des États-Unis. L’objectif européen est d’ouvrir son marché intérieur au monde et de nouer des relations stables et solides, afin de renforcer son influence diplomatique et économique.

En somme, l’Union européenne, association politico-économique sui generis cherche depuis plusieurs années à développer sa diplomatie. Par le Traité de Lisbonne (2007), fut institué le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Cette fonction permet une représentation unique et commune à tous les États. Cependant, les États membres sont libres de mener leurs affaires étrangères. Cette compétence liée aux divergences politiques, presque idéologiques, que les États entretiennent avec les instances européennes conduisent à de graves dissensions internes. La conséquence immédiate est que la diplomatie européenne apparaît peu cohérente. Dès lors, marginalisés par leur allié américain, les Européens doivent s’allier avec de nouveaux partenaires. Ainsi, l’accord de libre-échange UE—Japon qualifié d’historique illustre la volonté du Vieux continent de construire de nouveaux ponts diplomatiques, notamment en Asie, ce continent qui devient petit à petit le nouveau centre de gravité mondial.

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