Ursula von der Leyen, vêtue aux couleurs du drapeau ukrainien, a prononcé mercredi matin son discours annuel sur l’état de l’Union européenne face au parterre des députés européens. C’est la troisième fois qu’elle se prête à l’exercice depuis le début de son mandat, en décembre 2019. La première fois, en revanche, que le Parlement débat de l’état de l’Union « alors que la guerre fait rage sur le sol européen. »
« L’heure est la détermination, pas à l’apaisement »
De l’exergue du discours à son point final, la guerre en Ukraine a structuré toute la prise de parole d’Ursula von der Leyen. À plusieurs reprises, elle s’est adressée à Olena Zelenska, la femme du président ukrainien, assise au premier rang de l’hémicycle, et a rendu hommage aux Ukrainiens, « de vrais héros européens ».
Après avoir rappelé l’aide apportée par l’Union européenne à l’Ukraine depuis le début de la guerre - 16 milliards d’euros d’aides financières, humanitaires et militaires selon le Kiel Institute for the World Economy -, la présidente de la Commission a assuré la pérennité de ce soutien et des sanctions européennes contre les oligarques russes. "Je veux que ce soit clair, a-t-elle lancé. Les sanctions ne sont pas près d’être levées. L’heure est à la détermination, pas à l’apaisement".
"La reconstruction de l’Ukraine nécessitera d’immenses ressources", a-t-elle souligné. La cheffe de l’exécutif a promis une enveloppe de 100 millions d’euros pour "réhabiliter les écoles endommagées" et dit sa volonté à intégrer l’Ukraine au marché unique. Comme la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein, l’Ukraine pourrait bénéficier des droits de libre circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux dans l’UE.
"Il n’est pas juste de réaliser des bénéfices extraordinaires grâce à la guerre et sur le dos des consommateurs"
Ursula von der Leyen a ensuite reconnu le rôle des lanceurs d’alerte. "Nous aurions dû écouter ceux qui connaissent Poutine", a-t-elle déclaré avant de citer la journaliste russe Anna Politkovskaya, assassinée en 2006, l’Ukraine, la Moldavie, la Géorgie, l’opposition en Biélorussie et les voix européennes venues de Pologne, des pays baltes, d’Europe centrale et de l’Est. "Cela fait des années qu’ils nous disent que Poutine ne s’arrêtera pas là", a poursuivi Ursula von der Leyen en reconnaissant leurs efforts pour "mettre un terme à leur dépendance à l’égard de la Russie".
Pour inscrire l’Europe dans cette même dynamique, plusieurs dispositifs ont été mis en place depuis le début de la guerre en février dernier, comme le stockage commun de l’énergie et la diversification des sources d’approvisionnement. L’UE s’est en effet tournée vers des pays comme l’Algérie, la Norvège ou les États-Unis pour tisser de nouveaux contrats. "Mais malheureusement, cela ne suffira pas" a ponctué Ursula von der Leyen.
Outre une obligation des Etats membres à la sobriété, la Commission européenne a l’intention d’instaurer un plafonnement des super-profits des entreprises qui produisent de l’électricité à partir des énergies renouvelables et du nucléaire. "Il n’est pas juste de réaliser des bénéfices extraordinaires grâce à la guerre et sur le dos des consommateurs", a commenté la présidente de la Commission. Selon l’exécutif, cette mesure devrait rapporter 140 milliards d’euros. Les entreprises pétrolières, gazières et charbonnières devraient aussi payer une "contribution de crise", sans que cela ne soit vraiment développé dans ce discours. Ursula von der Leyen a aussi annoncé que le marché de l’électricité en Europe allait être réformé, notamment en découplant les prix de l’électricité de ceux du gaz afin que le prix de celui-ci impacte moins la facture des Européens.
Dans son discours, elle a aussi affiché la volonté de la Commission d’investir dans l’hydrogène décarboné en créant une banque de l’hydrogène capable d’investir 3 milliards d’euros, et de procéder à des réserves stratégiques de lithium et de terres rares, indispensables au déploiement des énergies renouvelables.
“Redécouvrons l’esprit de Maastricht”
Autre combat que la Commission devra mener de front, celui de la relance économique. Au sujet du programme NextGenerationEU, Ursula von der Leyen a invité les députés à “[s’en tenir] à notre plan”, précisant que 700 milliards d’euros d’aides allaient encore être versées aux États membres. Lancé il y a deux ans, ce plan d’investissement avait été pensé pour accélérer la transition écologique et l’emploi - la Présidente de la Commission n’a pas caché sa satisfaction de constater que le programme correspondait toujours aux besoins de l’Union européenne.
Mais cette solution sera insuffisante, c’est pourquoi la cheffe de l’exécutif européen a exprimé le souhait de s’attaquer à un vaste chantier de refondation de la gouvernance économique de l’Union européenne. En clair, l’objectif est de réviser les règles budgétaires fixées par le traité de Maastricht, et notamment de faciliter l’endettement pour les États : “La stabilité et la croissance vont forcément de pair", a-t-elle plaidé. Ces mesures devraient être détaillées le mois prochain.
“C’est le moment d’investir dans le pouvoir des démocraties”
En rendant hommage au défunt Président du Parlement européen David Sassoli, décédé en janvier dernier, la Présidente de la Commission européenne a consacré la fin de son discours au renouveau démocratique qu’elle souhaitait insuffler à l’Union européenne.
Dans cette nouvelle Union qu’elle souhaite élargir - “votre avenir est au sein de notre Union” a-t-elle adressé aux habitants de l’Ukraine, de la Moldavie et de la Géorgie - Ursula von der Leyen a annoncé vouloir augmenter la participation citoyenne au processus décisionnel. Les panels de citoyens mis en place à l’occasion de la Conférence sur l’Avenir de l’Europe deviendront une “composante permanente” de la politique européenne. Une partie des propositions issues de la Conférence ont par ailleurs déjà été transmises à la présidente du Parlement ainsi qu’au premier ministre tchèque (qui préside le Conseil de l’Union européenne jusqu’à la fin de l’année), a-t-elle révélé.
“Je crois qu’il est temps de consacrer la solidarité entre les générations dans nos traités”
Enfin, invoquant une nécessité d’assurer un avenir aux futures générations, la cheffe de l’exécutif européen a évoqué la possibilité de réformer les traités européens. “Nous devons améliorer notre manière de décider et notre manière de faire” a-t-elle clamé, ouvrant la voie à une révision du processus décisionnel au sein des institutions européennes et, peut-être, la fin de la règle d’unanimité au sein du Conseil européen.
Ursula von der Leyen apportait ainsi une réponse à la demande insistante du Parlement, qui avait adopté en juin une résolution appelant le Conseil européen à déclencher une procédure de révision des traités de l’UE. Elle plaidait ainsi pour la constitution d’une Convention composée de députés européens, de commissaires, de parlementaires des États membres et des dirigeants de l’Union européenne.
Reste que la République tchèque et la Suède, qui détiennent respectivement la présidence du Conseil au deuxième semestre 2022 et au premier semestre 2023, avaient publié au mois de mai une tribune afin de se prononcer contre une révision des traités… Le débat ne fait donc que commencer.
1. Le 17 septembre 2022 à 13:52, par giraud En réponse à : À mi-mandat, Ursula von der Leyen ouvre la voie à de nouveaux chantiers européens
Bon résumé.
Vous auriez pu insister sur le fait que la Commission s’engage officiellement dans les deux initiatives institutionnelles majeures de cette fin 2022 - dans la perspective de l’échéance européenne de 2024 : la Convention de révision et la Communauté Politique Européenne :
https://www.lesamisdutraitedelisbonne.com/post/construire-l-union-et-l-europe-dans-les-guerres
Suivre les commentaires : |