Accord sur le Brexit : un nouveau bras de fer attendu à Londres ce samedi

, par Juuso Järviniemi, traduit par Thibault Dutoit

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Accord sur le Brexit : un nouveau bras de fer attendu à Londres ce samedi
Boris Johnson a réussi à conclure un accord avec l’UE. Arno Mikkor

Après un imbroglio de dernière minute et contre toute attente, le Premier ministre britannique est parvenu à renégocier l’accord sur le Brexit obtenu par Theresa May. Si Jean-Claude Juncker annonce d’ores et déjà que « le Brexit aura lieu », rien n’indique que Boris Johnson parviendra à convaincre le Parlement britannique.

Samedi, seuls quelques votes suffiront à décider si l’accord est adopté ou si Boris Johnson sera contraint de demander un nouveau report. Au même moment, près d’un million d’Européens convaincus descendront dans les rues de Londres pour réclamer une nouvelle extension et un nouveau référendum.

Que contient le nouvel accord ?

Les négociations avaient été déclarées closes depuis longtemps, mais Boris Johnson semblait déterminé à modifier l’accord obtenu par Theresa May, contre lequel il avait voté l’hiver dernier. Comme toujours, la problématique de l’Irlande du Nord constituait la principale pierre d’achoppement. Le Premier ministre s’était toujours montré en profond désaccord avec le « backstop » (le filet de sécurité mis en place en cas d’absence d’accord sur la question irlandaise) : il est désormais parvenu à le remplacer.

Cependant, à l’instar de l’accord de Theresa May, la solution proposée par Boris Johnson sépare aussi l’Irlande du Nord du reste du Royaume-Uni. Les négociateurs britanniques ont donné leur aval aux contrôles douaniers entre ces deux territoires afin d’éviter la mise en place de postes de contrôle à la controversée frontière nord-irlandaise.

En matière de réglementation, l’Irlande du Nord demeurera alignée sur l’Union européenne. Le nouvel accord comprend une période de transition, jusqu’à la fin de l’année 2020, lors de laquelle « rien ne changera », selon les mots du Premier ministre d’Irlande, Leo Varadkar. Après cela, si aucune solution n’a été trouvée, les mesures de l’accord visant à éviter la mise en place d’une « frontière dure » entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande entreront en vigueur pour quatre ans : un « backstop » déguisé, en quelque sorte.

Enfin, aux alentours de 2025, l’Assemblée d’Irlande du Nord sera consultée pour savoir si la nation souhaite continuer de s’aligner sur les réglementations européennes. L’Assemblée peut approuver une extension de quatre ans, voire de huit ans avec le soutien des unionistes probritanniques et des nationalistes pro-irlandais. Une telle extension nous conduirait en 2030. Ni plus ni moins.

Le Parti unioniste démocrate (DUP), dont le soutien a été crucial au gouvernement conservateur ces deux dernières années, a déclaré qu’il ne voterait pas en faveur de l’accord. Le parti estime que les arrangements commerciaux négociés éloigneraient de manière trop importante l’Irlande du Nord du reste du Royaume-Uni.

Parallèlement, le Parti travailliste (Labour Party) prévoit également de rejeter l’accord samedi. Le principal porte-parole en charge du Brexit, Keir Starmer, a indiqué sur Twitter que la déclaration politique accompagnant l’accord, qui n’a pas de valeur juridique contraignante, mais qui prépare la future relation entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, fait état d’une relation économique bien trop distante entre les deux parties.

Certains observateurs ont également souligné le fait que l’obligation pour le Royaume-Uni de maintenir une « concurrence égale » avec l’UE, et ainsi de refuser de revoir ses normes commerciales à la baisse, est désormais absente de l’accord, mais trouve plutôt refuge dans la déclaration politique non contraignante. Toutefois, l’Union européenne exigera probablement du Royaume-Uni qu’il s’y engage avant de conclure avec le pays un quelconque nouvel accord commercial.

À la télé ce samedi

Cette semaine, le Parlement britannique tiendra séance un samedi pour la première fois depuis la guerre des Malouines en 1982. La loi passée le mois dernier oblige Boris Johnson à réclamer un report du Brexit d’ici samedi soir si les parlementaires n’approuvent pas le nouvel accord entre temps. Ce samedi sera donc l’occasion pour les députés de voter en faveur de l’accord négocié par Boris Johnson et d’éviter ainsi une nouvelle prolongation. Si l’accord obtient le soutien du Parlement, une ratification officielle devrait néanmoins avoir lieu ultérieurement.

Compte tenu de l’opposition du Parti travailliste et des unionistes nord-irlandais, Boris Johnson peinera à gagner l’aval des députés. Mis à part son propre parti et les vingt et un députés conservateurs qu’il a mis à la porte depuis son entrée en fonction, le Premier ministre devra convaincre plus d’une dizaine de députés travaillistes pour rassembler une majorité.

Au même moment, le mouvement « People’s Vote » (vote du peuple) organisera une marche de grande ampleur à Londres. Comme au mois de mars, plus d’un million de citoyens sont attendus ce samedi. Pour couronner le tout, une manifestation du mouvement écologiste « Extinction Rebellion » (XR) est prévue le même jour dans les rues de la capitale.

Report or not report ?

Le mouvement « People’s Vote » réclame un nouveau référendum. Peu importe que ce dernier porte sur le nouvel accord ou sur autre chose, aucune consultation populaire ne pourra cependant avoir lieu sans un nouveau report du Brexit. Lors du Conseil européen du 18 octobre, Jean-Claude Juncker a d’ores et déjà annoncé qu’il n’existait désormais « plus aucun argument valable pour justifier un nouveau report » et que le Brexit « devait avoir lieu maintenant ». Toutefois, les conclusions du Conseil européen ne contiennent aucun commentaire relatif à un report du Brexit. En conférence de presse, Donald Tusk a également expliqué qu’il « consulterait les États membres pour connaître leur réaction » si le Royaume-Uni venait à demander une nouvelle extension. En d’autres termes, la porte n’est pas encore tout à fait fermée.

Jusqu’à présent, l’Union européenne s’est montrée encline à accorder au Royaume-Uni un nouveau report pour permettre au pays d’organiser des élections ou un deuxième référendum. En théorie, le Parlement britannique pourrait ce samedi officialiser une nouvelle consultation, mais une telle option semble peu probable. À moins que Boris Johnson ne parvienne enfin à remporter un vote au Parlement – après avoir encaissé une longue série de défaites depuis son arrivée au 10 Downing Street –, le Parlement britannique pourrait bien voter une fois encore contre l’accord.

Si le Royaume-Uni n’a pas encore organisé d’élections anticipées, c’est exclusivement grâce à la détermination des partis d’opposition à assurer un report du Brexit avant que le Parlement ne ferme pour cause de campagne électorale. Certains États européens commencent, certes, à perdre patience, mais il est évident que de nouvelles élections sont en vue et, avec elles, un nouveau gouvernement majoritaire capable, on l’espère, de mettre un terme à l’impasse actuelle.

Après avoir négocié un nouvel accord sur le Brexit à la dernière minute, les dirigeants européens pourraient bien une fois encore être appelés à sauver le Royaume-Uni d’un « hard Brexit » si Boris Johnson échoue ce samedi. « Une fois encore » ou « juste une dernière fois » ? Telle est la question.

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