Adoption de la réglementation « Ecodesign for Sustainable Products Regulation » : quelles conséquences pour les pays membres de l’Union européenne ?

, par Daphnée Quentin

Adoption de la réglementation « Ecodesign for Sustainable Products Regulation » : quelles conséquences pour les pays membres de l'Union européenne ?
L’obligation du passeport européen numérique des produits concerne en priorité les secteurs du textile et de l’électronique. ©Flickr (Artem Beliaikin)

Dans l’ambition d’une Europe neutre en carbone d’ici 2050, telle que promise par le pacte vert, la législation européenne ne cesse d’évoluer. En juin 2024, l’adoption de la réglementation ESPR a marqué un tournant décisif pour la promotion de l’industrie circulaire.

Le pacte vert : terreau de la réglementation ESPR

Voté en 2020 le pacte vert pour l’Europe est une initiative de la commission européenne visant à soutenir et encourager l’économie durable au sein de l’Union européenne. Parmi les objectifs définis : l’ambitieuse volonté de faire de l’Europe le premier continent neutre en carbone d’ici 2050, avec une réduction des émissions de CO2 de 55% d’ici 2030 (par rapport au niveau de 1990). Pour respecter ces projections, il paraît vital d’agir dans les secteurs du transport, de l’énergie, de l’agriculture, ou encore de l’industrie, en promouvant une économie circulaire respectueuse de l’environnement.

Malgré un projet ambitieux, des critiques et limites sont dénotées dès 2023, avec le report du vote définitif de l’interdiction des moteurs thermiques en 2035,ainsi que la publication d’un rapport de la cour des comptes européenne remettant sérieusement en doute la capacité de l’Union à réduire de 55% ses émissions de CO2 d’ici 2030. Le 29 mai 2024, la publication d’une lettre ouverte soulevait les doutes de nombreux scientifiques, sociétés et centres de recherche face au recul de l’UE sur les questions environnementales et écologiques.

Réglementation ESPR : améliorer la circularité des produits

Le 18 juillet 2024, la Réglementation sur l’écoconception des produits durables (ESPR en anglais) était votée. Considérée comme la « pierre angulaire de l’approche de la Commission en faveur de produits plus durables sur le plan environnemental », elle statue sur des concepts innovants et prometteurs ciblant toutes les étapes de vie d’un objet.

Parmi ces derniers, le « passeport numérique des Produits » (PNP) marque l’imposition d’un certain niveau de transparence pour les entreprises. L’objectif : améliorer la traçabilité de l’objet depuis son origine, jusqu’à sa capacité de réparation et son impact environnemental. Par le biais d’un QR code, ces informations visent à la fois à conscientiser l’acheteur, responsabiliser les entreprises, et faciliter les contrôles des autorités publiques. De ce fait, les produits devront être conçus pour être plus durables, réparables, recyclables et économes en ressources.

Pour rappel, une récente étude menée par la Commission européenne révélait que 53% des informations fournies par les producteurs textiles étaient « vagues, trompeuses ou infondées ». L’instauration de ce passeport numérique viserait donc à réduire les tentatives de greenwashing et de publicité mensongère.

D’autres mesures ont été prises par cette réglementation : interdiction de détruire les invendus, réduction des déchets plastiques et électroniques, lutte contre l’obsolescence programmée, normes de durabilité du produit, introduction de nouveaux labels certifiés… Tout est fait pour doubler le taux de circularité de l’utilisation des matériaux au sein de l’UE, afin de respecter ses objectifs pour 2030.

Si la théorie semble satisfaire les ambitions d’une Europe neutre, quid de la pratique ?

D’un côté, il semblerait que la priorité soit donnée aux batteries, au textile, à l’électronique et à la construction concernant l’obligation du PNP. À l’inverse, certains produits d’ores et déjà pourvus de systèmes d’identification sont exemptés. Les produits alimentaires, représentant 30% des émissions de CO2 de l’UE, et les produits pharmaceutiques en sont des exemples.

D’un autre côté, se pose la question du financement de ces modifications imposées par la réglementation ESPR pour les entreprises. Pour l’instant, aucun chiffre, montant ou estimation n’a été donné, mais la réglementation publiée au journal officiel assure que « dans la mesure où le passeport numérique de produit repose sur des normes qui ne sont pas gratuites, l’analyse d’impact devrait également examiner si cette dépendance est appropriée et comment éviter des coûts disproportionnés pour les micro, petites et moyennes entreprises (PME). »

Si la réglementation ESPR a été votée, elle n’est en réalité que le début d’une longue série de législations à venir, et marque le lancement des premiers programmes, le premier devant être adopté avant le 19 avril 2025. L’application de cette législation ne devrait donc pas se faire avant 2028, soit 2 ans avant la première date clé du pacte vert…

Une chose est sûre, autant d’implication requiert un investissement financier conséquent de la part de l’UE, ce que certains pays ne semblent pas prêts à faire aujourd’hui. Alors que la banque centrale européenne annonce un baisse des taux d’intérêts à venir et montre des signaux clairs de croissance européenne, le rapport Draghi offre une perspective autre. Pour lui, l’heure est à l’endettement européen et à l’investissement massif face aux géants états-unien et chinois. Si l’on suit sa conception, les programmes d’emprunt doivent se pérenniser pour empêcher un déclin européen qu’il juge inévitable sans 800 milliards d’euros d’investissement. Pour être leader dans la transition écologique, la solution pourrait finalement se trouver dans les écrits de cet ancien président de la BCE…

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