Vers une coalition CDU-CSU et SPD
Après avoir remporté les élections législatives anticipées de février avec 28,5% de voix pour son parti chrétien démocrate allié à l’Union chrétienne-sociale en Bavière (CDU-CSU), Friedrich Merz s’apprête à prendre la tête du prochain gouvernement allemand. Faute de majorité absolue de la CDU pour former à elle seule un gouvernement majoritaire, Merz a engagé des négociations avec les sociaux-démocrates (SPD) du chancelier sortant Olaf Scholz, parti qui est arrivé troisième aux élections avec 16,4% des suffrages, permettant ensemble de franchir le seuil des 316 sièges nécessaires pour gouverner.
Un accord de coalition a été présenté le 9 avril par Friedrich Merz, permettant la formation du nouveau gouvernement. Fruit de plus d’un mois de négociations à huis clos entre 192 émissaires, ce document de 146 pages intitulé “Verantwortung für Deutschland” (“responsabilité pour l’Allemagne”), fixe les futures grandes orientations. Combinant les priorités et revendications des deux partis, il servira de feuille de route pour les quatre prochaines années à venir.
Économie, politique migratoire et défense : les priorités du futur gouvernement
L’accord de coalition met l’accent sur un redémarrage complet de l’économie. Le futur gouvernement prévoit notamment une baisse de l’impôt sur les sociétés, afin de stimuler l’investissement. Concrètement, un amortissement annuel de 30% sera appliqué aux investissements en équipements réalisés en 2025, 2026 et 2027. Par ailleurs, des primes pour les heures supplémentaires réalisées, exonérées d’impôt, seront instaurées. Ces dispositifs viendront s’ajouter au vaste plan d’investissement massif de 500 milliards d’euros sur dix ans, consacré aux infrastructures.
Ce programme a été rendu possible par la suspension du « frein à l’endettement ». Cette règle inscrite dans la Constitution allemande limitait auparavant le déficit budgétaire annuel à 0,35% du PIB. En mars, la CDU, la CSU et les sociaux-démocrates, avec le soutien des Verts, se sont entendus sur une réforme de la Constitution sur les règles de la dette, autorisant la création d’un fonds spécial permettant d’engager jusqu’à 500 milliards d’euros de dépenses supplémentaires, notamment pour les infrastructures et la transition climatique.
L’assouplissement du frein à l’endettement permet également d’augmenter significativement le budget de la défense. Le contrat de coalition prévoit la création d’un Conseil fédéral de la sécurité ainsi qu’une cellule de crise nationale. Il annonce aussi une nouvelle loi destinée à organiser la planification des achats de la Bundeswehr, l’armée allemande. Le contrat de coalition réaffirme par ailleurs l’engagement de l’Allemagne à soutenir l’Ukraine.
L’alliance est également parvenue à un compromis sur l’immigration. Les contrôles seront maintenus à toutes les frontières allemandes tant qu’un système efficace de protection des frontières extérieures de l’Union européenne ne sera pas mis en place. L’Allemagne a durci sa politique migratoire en rétablissant des contrôles aux frontières avec l’ensemble de ses voisins le 16 septembre, une mesure déjà en place depuis octobre 2023 pour celles avec la Suisse, l’Autriche, la Pologne et la République tchèque. Par ailleurs, les réfugiés bénéficiant d’un statut de protection limitée ne seront plus autorisés à faire venir des membres de leur famille en Allemagne dans le cadre du processus de regroupement familial, et ce pendant deux ans. La réforme prévoit également de supprimer la naturalisation accélérée après trois ans pour les immigrés bien intégrés, instaurée par l’ancienne coalition « feu tricolore » (SPD, les Verts et les libéraux du FDP). La période d’attente pour une naturalisation “classique” demeure de cinq ans. Le droit d’asile, en revanche, est inchangé. Malgré cela, Lars Klingbeil, le chef du SPD, souligne que “l’Allemagne reste un pays d’immigration”.
La répartition des ministères finalisée
Un accord a également été trouvé sur la répartition des 17 ministères entre les partis. Le SPD en occupera sept, parmi lesquels figurent ceux des Finances, de la Défense et de la Justice. La CDU, de son côté, obtiendra six portefeuilles, dont les Affaires étrangères, l’Économie et l’Énergie, ainsi que la Santé.Par ailleurs, la CDU se voit attribuer deux postes à la Chancellerie : outre celui de chancelier pour Friedrich Merz, un chef de la Chancellerie, ayant rang de ministre fédéral, sera nommé. Un nouveau ministère du Numérique et de la Modernisation, également confié à la CDU, sera créé. Enfin, la CSU recevra trois ministères, dont celui de l’Intérieur.
Le contrat de coalition doit désormais être approuvé par les différentes composantes de la future majorité. La CSU a donné son feu vert dès le lendemain de la présentation de l’accord. La CDU, de son côté, a approuvé le contrat lors d’une conférence le 28 avril dernier. Quant aux 358 000 membres du SPD, ils étaient appelés à se prononcer par vote en ligne jusqu’au 29 avril à 23h59. En cas d’approbation par l’ensemble des partis, le contrat de coalition devrait être officiellement signé le 5 mai prochain, ouvrant la voie à l’élection de Friedrich Merz comme chancelier par le Bundestag le 6 mai.
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