L’Allemagne est plutôt bon élève s’agissant de l’indépendance, de la liberté et du pluralisme de ses médias. En effet, elle se classe 21ème (sur 180) au classement de Reporters sans frontières. Les enseignements tirés du tragique passé national- socialiste du pays ainsi que l’organisation fédérale du territoire assurent désormais la diffusion d’opinions diversifiées et un environnement favorable aux journalistes.
Un pluralisme médiatique consacré par la constitution
Le gouvernement garde un souvenir douloureux du monopole de la presse sévissant durant la République de Weimar et ayant conduit à installer Hitler au pouvoir. En 1933, celui-ci abolit la liberté de la presse et prend le contrôle total des médias. En 1945, il en découle le « tabou Hugenberg », une loi non écrite interdisant à tout capital industriel d’investir dans les médias. A ce propos, la France est loin du compte. La liberté d’opinion et l’indépendance de la presse sont protégées par la constitution allemande. La loi fondamentale dispose aujourd’hui en son article 5 : « [...] La liberté de la presse et la liberté d’informer par la radio, la télévision et le cinéma sont garanties. Il n’y a pas de censure. ». La presse est considérée comme le « quatrième pouvoir » d’une société démocratique, aux côtés des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Elle fait officieusement office de contre-pouvoir et est investie d’une mission de contrôle vis-à-vis de la politique, de la société, ainsi que vis-à-vis d’elle-même.
Le contrôle de concentration des médias en Allemagne
La loi fondamentale règle le partage des compétences entre l’État fédéral (Bund) et les États fédérés (Länder). Les sujets relatifs à la diffusion radiophonique ou télévisée sont de la compétence des Länder. Presque chaque Land possède sa propre autorité de régulation en matière de médias. Au sein de commissions centrales, elles veillent ensemble à l’octroi de licences, au contrôle notamment des exigences de diversité des points de vue des diffuseurs privés à échelle nationale et à la concentration des médias. Ainsi, si les systèmes de diffusion publics sont organisés de sorte à assurer la diversité des opinions, la supervision des systèmes de diffusion privés est assurée par les autorités régulatrices. L’autorité de la concurrence est également compétente en matière de contrôle des concentrations dans le secteur des médias. Ce contrôle n’intervient toutefois que dans le cadre de fusions concernant des entreprises d’un certain poids. Ces autorités sont indépendantes et leurs décisions peuvent faire l’objet d’un recours devant un tribunal.
La législation allemande vise à répondre à un seul objectif : empêcher les entreprises médiatiques d’exercer un impact prédominant sur l’opinion publique et garantir la diversité des opinions dans les médias audiovisuels. Les règles relatives à la propriété des médias audiovisuels en Allemagne sont prévues dans l’accord entre les Länder et les médias (Medienstaatsvertrag). L’article 60 de cet accord prévoit plusieurs séries de règles, parmis lesquelles :
- Aucune entreprise ne peut contrôler plus de 30% des audiences télévisuelles. Ce pourcentage est abaissé à 25% pour les entreprises ayant une position dominante sur un marché lié aux médias ou si l’évaluation globale de ses activités à la télévision ou sur les marchés médiatiques montre que l’influence sur l’opinion ainsi obtenue est équivalente à celle d’une entreprise détenant 30 % de parts d’audience à la télévision. En France, ce seuil est de 49%.
- Lorsqu’une entreprise de médias détenant une chaîne généraliste ou spécialisée, notamment une chaîne d’information, détient en moyenne annuelle avec cette chaîne une part d’audience de 10 %, elle doit, dans un délai de six mois suivant le constat et la notification par l’autorité régulatrice, accorder un temps d’antenne à des tiers indépendants.
- Obligation d’informer l’autorité de régulation en cas de modification de la structure de propriété.
Menaces de l’extrême droite
Les médias allemands entretiennent une longue tradition qui consiste à critiquer à la fois le gouvernement et l’opposition, la plupart des journaux ayant une ligne éditoriale proche d’un des camps politiques. Toutefois des menaces pèsent sur ce modèle de pluralité. Reporters sans frontières regrette notamment une hausse des violences physiques et des agressions verbales à l’égard des journalistes. Si le rôle des médias en tant que pilier de la démocratie est largement accepté au sein de la classe politique, l’extrême droite ne tolère que la diffusion de ses propres opinions.
Ainsi, le parti d’extrême droite AfD souhaite mettre fin au Medienstaatsvertrag et supprimer le service public de l’audiovisuel arguant que l’information serait erronée et détournée, accusant les médias publics de faire de “la propagande et de l’endoctrinement”.
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