Le Leu : une monnaie nationale stable dans une économie perturbée
Commençons par un aperçu du Leu, la monnaie nationale (littéralement « lion » en roumain). Au contraire de la Bulgarie et de son Lev, la Roumanie ne fait pas partie du MCE II, le Mécanisme de Taux de Change Européen II. Ce mécanisme permet de stabiliser les monnaies européennes par rapport à l’euro pour éviter un envol soudain et juguler de l’inflation. Or la Roumanie n’en fait pas partie, malgré son obligation de ratifier l’entrée dans la zone Euro éventuellement, au même titre que la Pologne et la République tchèque.
Alors que la République tchèque coche toutes les cases et est prête pour l’adoption de l’Euro, leurs gouvernements successifs ne semblent pas vouloir faire changer les choses. En ce qui concerne la Roumanie, c’est tout l’inverse. L’opinion publique est largement favorable à l’adoption de l’Euro et tous les partis mettent en avant ce point… mais le pays n’est toujours pas prêt. Alors que le pays devait intégrer le MCE II en 2012, la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé que les objectifs requis pour continuer l’intégration européenne de la Roumanie étaient loin d’être acquis, la situation n’a toujours pas changé en 2023.
En plus du MCE II, qui est un prérequis nécessaire à l’adoption de l’euro, l’Etat doit atteindre les critères de convergence pour éviter un choc sur l’économie du nouveau membre lors du passage à la monnaie commune. Ces critères de convergence sont les suivants :
– Un Indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) inférieur ou égal au seuil mis en place par la BCE. La limite maximale fixée en 2022 était de 4,9%, la Roumanie en a affiché 6,4%.
– Un déficit du budget limité à 3% du PIB (Roumanie : 7,1%) et un taux de 60% de dette par rapport au PIB (Roumanie : 48,8%). Par ailleurs, la France ne remplit pas ce critère aujourd’hui avec 114% et ne pourrait pas rejoindre l’Euro s’il le fallait.
– Le changement dans le taux par rapport à l’euro ne doit pas varier de plus ou moins 15% par an (Roumanie : -1,7%). A ce jour, c’est le seul critère que la Roumanie remplit.
– Un taux d’intérêt entre la monnaie nationale et l’Euro qui, sur le long-terme, ne doit pas dépasser 2,6% (Roumanie : 4,7%).
– Une compatibilité de la législation financière. La Roumanie ne valide pas ce point.
L’adoption de l’euro : une décision consensuelle à la mercie des politiques économiques
La Roumanie avait pourtant rempli ces quatre critères, certes sans la législation mais il « suffit » de la faire passer pour avancer. C’était alors en 2014, le Premier ministre de l’époque Victor Ponta avait annoncé que 2018 serait l’année de l’adhésion à l’Euro. Ces critères n’ont été tenu qu’une année, loin du délai de deux ans minimum nécessaire pour adopter la monnaie unique, et ils n’en remplissent qu’un en 2022.
Depuis 2007, les gouvernements successifs promettent à leur tour que l’intégration à l’Euro se fera grâce à leur mandat. Ce n’est pas spécialement un manque de volonté politique, tous les partis le mettent en avant dans leur programme, mais les résultats ne sont pas là, à tel point que la Banque Nationale Roumaine a annoncé en 2021 que ce serait au plus tôt et au mieux en 2029. Face à ce manque de résultats, les citoyens roumains sont surtout désabusés. C’est le candidat à l’Euro dont la population a le plus d’opinion favorable quant à cette adoption (75% en 2021), mais seuls 27% pensent que le pays serait prêt à intégrer la zone Euro dans les conditions actuelles. Ce désaveu des politiques publiques se reflète également auprès des 63% des Roumains qui pensent qu’adopter l’Euro malgré le fait que l’économie ne soit pas prête serait tout de même bénéfique pour le pays – une sorte d’abandon de leur propre monnaie et par celle-ci d’une part de leur souveraineté
C’est donc un pays avec une volonté de faire pleinement partie de la famille européenne par une intégration à la zone Euro qu’est la Roumanie, mais également un pays dont les décisions politiques n’arrivent pas à atteindre cet objectif pourtant originellement fixé à 2012. La population semble voir l’Euro comme un apport réellement bénéfique pour leur économie, tout en ne croyant plus aux capacités du pays d’y arriver sur le moyen terme. Une forme d’apathie peut-être, à l’image de celle dont les citoyens font preuve à l’égard de leurs politiciens. Peut-être que les succès rapides de l’adhésion de la Croatie prouveront que ce n’est pas impossible et que, eux aussi, pourront un jour recevoir leurs salaires en Euros.
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