Au Monténégro, l’autoroute de la discorde

, par Timothé Behm

Au Monténégro, l'autoroute de la discorde

Avril 2021, sur les hauteurs de la ville de Mateševo. Les marteau-piqueurs s’affairent à creuser la roche pour y installer une autoroute reliant l’Adriatique à la Serbie en passant par le Monténégro. Ce projet controversé illustre la délicate position de Podgorica, prise entre des aspirations européennes et des créanciers chinois.

Une République en quête de repères

La jeune république parlementaire du Monténégro est en difficulté. Face à la crise que traverse le petit État des Balkans, l’Europe est appelée à l’aide. La nouvelle coalition, composée en majorité de proeuropéens et de proserbes se tourne vers l’Union afin de relancer son économie, mais aussi de l’aider dans ses relations avec Pékin. Largement dépendante de l’économie touristique, la république des Balkans est au bord de la récession depuis le début de la pandémie. La diminution du commerce mondial impacte son développement conduisant le taux d’endettement à atteindre 104.8% du PIB. La politique d’austérité, ains que la campagne anti-corruption initiées ne semblent pas inverser la tendance. À ce ralentissement vient s’ajouter les échéances de prêts, atteignant un montant total d’un milliard de dollars, contracté par la précédente administration, auprès d’acteurs chinois. Ce crédit a pour but de financer les travaux d’une autoroute qui cristallise toutes les inquiétudes. Héritage du gouvernement Đukanović, le projet autoroutier doit traverser le pays de sa façade maritime à la frontière serbe. Ce dernier poursuivant le tracé jusqu’à sa capitale, une véritable ligne droite doit voir le jour. Les quarante kilomètres d’autoroute traversant le territoire parfois abrupt du Monténégro permettraient un accès depuis la façade adriatique aux territoires des Balkans. Le projet de tronçon, initié en 2014, ne doit sa réalisation qu’à l’aide d’un généreux établissement bancaire chinois, la China Exim Bank. Or, les échéances de recouvrement du prêt afin de financer les travaux, également réalisés par une société établie à Pékin, doivent prendre effet au mois de juillet et s’étendent sur les quatorze prochaines années. Podgorica, en difficulté, ne semble pas en capacité de pouvoir répondre à ses engagements auprès de la République populaire de Chine, qui multiplie les investissements dans la région.

La Chine aux portes de l’Europe

La Chine semble la grande bénéficiaire de cet accord vicié. Délaissés par l’Europe, de nouveaux acteurs affairent dans la région. La Russie et plus récemment la Chine, tentent de s’imposer dans les ex-Républiques yougoslaves. L’investissement de Pékin au financement ainsi qu’à la construction d’infrastructures n’est pas désintéressé. Ce mécanisme est qualifié de Debt-trap diplomacy, traduisez : la construction d’infrastructures au prix d’un fort endettement qui, en cas de non-remboursement, permet à Pékin de rester propriétaire des terrains et constructions. En effet, les fonds accordés, disproportionnées pour un pays de six cent mille habitants, permettent à la Chine de détenir près du tiers de la dette du Monténégro. Une situation que le créancier pourrait user à son avantage dans des tractations futurs. L’investissement dans les Balkans n’est pas anodin et s’inscrit dans la politique des nouvelles « Routes de la Soie » promues par l’Empire du Milieu. En facilitant l’accès de marchés potentiels, il se garantit des débouchées pour son industrie florissante tout en sécurisant une porte d’entrée vers l’Occident. En cas de défaut de paiement, Pékin devient alors propriétaire d’infrastructures dans un pays qui fait acte de candidature au sein de l’Union Européenne.

Une opportunité pour l’Europe

Les instances de l’Union ne se sont pas prononcées à l’appel lancé par le ministre des Finances du Monténégro Milojko Spajic. Bruxelles ne semble pas disposer de protocoles clairs afin de répondre à ce genre de situation. Beaucoup s’interrogent sur la démarche à adopter. La position du Monténégro, toujours candidat à l’entrée dans l’Union Européenne ne facilite pas la résolution de l’équation. Répondre à cette demande d’aide économique pourrait paraitre injuste auprès d’autres acteurs. D’autant que l’Union a préalablement alerté sur les dangers d’un tel emprunt. Pourtant, l’opportunité est grande sur ce dossier. En intervenant, l’Europe pourrait réaffirmer son rôle dans la région des Balkans, largement diminué depuis le début de la pandémie. Un soutient coordonné permettrait de limiter les actions bilatérales et renforcerait le soutient à des projets ambitieux.

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