Barroso : de Président de la Commission à lobbyiste pour Goldman Sachs

, par Antoine Potor

 Barroso : de Président de la Commission à lobbyiste pour Goldman Sachs

La Commission a le vent en poupe, mais il souffle dans le mauvais sens. Lundi 11 mars, les députés européens réunis en plénière à Strasbourg ont étudié le cas de la nomination de Martin Selmayr au poste de Secrétaire général de la Commission européenne et saisi la Commission du contrôle budgétaire (COCUBU) afin qu’elle rende un rapport à ce sujet. C’est dans ce contexte que, dans un communiqué paru le 15 mars, la médiatrice européenne Emily O’Reilly a demandé à ce que le cas de l’activité professionnelle de José Barroso – le prédécesseur de Jean-Claude Juncker à la tête de la Commission – chez Goldman Sachs soit réétudié.

José Manuel Durão Barroso a occupé le 13ème étage du Berlaymont pendant dix ans, de 2004 à 2014, dix années durant lesquelles il a eu à gérer la crise économique et financière qui a traversé l’Europe de toutes parts, crise à laquelle on le sait, la banque Goldman Sachs n’est pas étrangère. Dans une interview donnée à RFI et France 24 en octobre 2014, il estimait « avoir tenu bon et en même temps avoir lancé l’architecture de la nouvelle gouvernance européenne » et ce « dans les années les plus difficiles depuis le début de l’intégration européenne », se considérant désormais comme un « homme libre » prenant alors l’engagement de ne pas faire de lobbying auprès de la Commission.

Recrutement chez Goldman Sachs : le malaise

Intention de lobbying ou pas, c’est dès le mois de juillet 2016 que Goldman Sachs annonce que l’ancien président de la Commission européenne rejoint la banque d’affaires en tant que Conseiller et Président non exécutif des activités internationales. Alors que l’Union européenne commençait difficilement à sortir de la crise économique et que le Brexit se faisait déjà pesant, l’ancien Président de la Commission européenne a jugé utile et opportun de rejoindre une banque, qui plus est Goldman Sachs. A-t-il eu ne serait-ce que quelques scrupules ?

Plus déstabilisant et déconcertant encore, la réaction de la nouvelle Commission de Jean-Claude Juncker qui a mis un certain temps avant de demander à son prédécesseur de « fournir des clarifications sur ses nouvelles responsabilités et les termes de son contrat de travail », préférant ainsi invoquer les 18 mois de retrait imposés aux anciens Commissaires par le Code de bonne conduite (qui vient d’être réformé). Pourtant, au regard de l’article 245 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne – qui dispose que les commissaires doivent respecter après la fin de leur fonction « les devoirs d’honnêteté et de délicatesse quant à l’acceptation de certaines fonctions ou de certains avantages » - le nouvel emploi du portugais paraissait difficilement défendable et c’était d’ailleurs le point de vue de nombreux fonctionnaires européens qui avaient alors remis une pétition à Jean-Claude Juncker.

Ce malaise a finalement abouti à l’ouverture d’une première enquête en février 2017, renouvelée au mois de juillet de la même année, demandant alors à l’actuelle Commission de répondre à neuf questions sur « la façon dont [celle-ci] traite les activités professionnelles après la cessation de fonction de commissaire ».

Visite privée ou lobbying ?

Plutôt que de retomber, la polémique s’est ravivée lorsque l’on a appris qu’une rencontre avait eu lieu entre José Barroso et l’actuel septième Vice-Président de la Commission, Jyrki Katainen (qui avait été un bref commissaire de la Commission du portugais). Cette rencontre aurait pu passer inaperçue si la banque d’affaires ne l’avait pas inscrite comme réunion, ce qui a constitué pour Emily O’Reilly une « rencontre à des fins de lobbying ». Ça n’a pas pour autant empêcher José Barroso de se défendre dans un tweet, indiquant : « Je n’ai pas fait de lobbying auprès de l’UE et je n’en ferai pas ».

La Commission a-t-elle un problème avec la transparence ?

La Commission est une donneuse de leçon, c’est une attitude qui peut se révéler utile face à des gouvernements tels que ceux de Hongrie ou de Pologne, pays dans lesquels l’Etat de droit est remis en cause, mais ne ferait-elle pas mieux de balayer devant sa porte avant de s’indigner ? En effet, la demande de la Médiatrice Européenne, couplée à la nomination très floue de Martin Selmayr, obligent à se demander si l’Union européenne, ou en tout cas la Commission, n’a pas un problème avec la transparence et ce n’est pas le renouvellement de son « Code de bonne conduite » qui va permettre de régler ce problème.

Cette question est d’autant plus fondamentale à l’approche des élections européennes de 2019, l’occasion pour l’Union de se montrer plus proche de ses citoyens, d’être moins « technocratique », en somme de répondre aux deux grandes critiques qui lui sont faites aujourd’hui. Pourtant, elle semble à l’heure actuelle prendre un chemin inverse avec ces deux affaires ; il apparait que dans un contexte où le principe du Spitzenkandidaten est remis en cause par les chefs d’Etat et de gouvernement, ceux-ci pourraient demander des garanties au Berlaymont pour y laisser en 2019, un Président plus transparent concernant les agissements de son administration, ce qui aujourd’hui fait malheureusement défaut. Avec la Commission plus politique de Jean-Claude Juncker, n’a-t-on pas hérité d’une Commission opaque ?

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