Basket-ball : les nouvelles stars européennes

, par Jérôme Flury, Volkan Ozkanal

Basket-ball : les nouvelles stars européennes
(Source : Pixabay)

De plus en plus de joueurs phares de NBA sont issus du Vieux continent. Le Grec Giánnis Antetokoúnmpo et le Serbe Nikola Jokić sont même les deux derniers Most valuable player (MVP) de la ligue américaine. L’illustration d’un mouvement plus général et d’une évolution de près d’une trentaine d’années.

Un exploit « Majuscule » ! L’Équipe de France de basket-ball a battu les États-Unis, grandissimes favoris, lors des Jeux Olympiques de Tokyo, le 25 juillet dernier, grâce à des stars qui, pour plusieurs d’entre elles, jouent… aux États-Unis. « J’ai essayé d’être agressif, en tant que joueur NBA on connaît ces joueurs en face de nous. Il fallait montrer à l’équipe comment les attaquer », expliquait ainsi à la fin du match Evan Fournier qui vient de quitter les Boston Celtics pour rejoindre les Knicks de New York.

Ses compères Nicolas Batum, ailier des Los Angeles Clippers, et le massif Rudy Gobert, pivot des Utah Jazz, évoluent également en NBA. Depuis peu, les Français sont de plus en plus nombreux à se rendre de l’autre côté de l’Atlantique, dans le sillage d’un Tony Parker, quadruple champion NBA (2003, 2005, 2007 et 2014) avec les Spurs de San Antonio. Une tendance qui se vérifie aussi dans d’autres pays européens.

Une européanisation du championnat américain

« En deux décennies, la NBA est devenue le lieu de rassemblement de quasiment tous les joueurs majeurs du Vieux Continent », estimait le quotidien L’Équipe en mars dernier, à l’heure d’établir un classement des 25 meilleurs basketteurs européens évoluant actuellement en NBA->https://www.lequipe.fr/Basket/Article/Qui-sont-les-meilleurs-joueurs-europeens-de-nba-4-4/1230459]. Un tel palmarès aurait été impossible à établir dans les années 1970 ou même 1980, quand des parcours, si brillants aujourd’hui, restaient rares et à la marge. « Sans que personne ne s’en rende véritablement compte, on assiste à un véritable tournant en 1985. (...) De un ou deux joueurs retenus d’habitude (...), on passe soudainement à six », explique le site Basket Le Mag. Au nombre de 5 en 1986, les joueurs européens intégrés dans l’élite américaine sont devenus 70 en 2018.

Aujourd’hui, chaque année, des Européens sont « draftés », c’est-à-dire sélectionnés par des équipes de NBA. Ils étaient 10 en 2021, parmi lesquels les pivots turc Alperen Şengün et espagnol Usman Garuba, tous deux choisis par les Houston Rockets.

Dès lors, le championnat s’est progressivement internationalisé, et s’est surtout européanisé, comme l’explique Didier Le Corre, pour Basket Le Mag : « Aujourd’hui, 24,4% des joueurs de la ligue ne sont pas Américains. Un sur quatre donc. Parmi eux, les Européens sont majoritaires avec 14,2% des joueurs. La totalité des trente équipes en possède au moins un sous contrat. » Serbes, Français et Croates sont les joueurs étrangers qui ont présenté les plus gros contingents dans la Ligue américaine.

Les talents européens retenus n’y vont pas pour faire de la figuration. Cette saison, les huit meilleurs rebondeurs étaient européens. Régulièrement, ces joueurs figurent dans les matchs All-Star. Plusieurs Européens ont même durablement marqué l’histoire du championnat comme Dirk Nowitzki et Tony Parker.

Cette tendance devrait se poursuivre, au vu des belles promesses des stars actuelles, à l’instar du pivot Serbe Nikola Jokić des Denver Nuggets et du Grec, ailier fort Giánnis Antetokoúnmpo, champion NBA 2021 avec sa franchise des Milwaukee Bucks, en juillet dernier. Ces deux derniers joueurs ont même été les deux derniers « Most Valuable Player » (MVP, meilleur joueur de NBA).

Antetokoúnmpo a, outre un cursus sportif complet et impressionnant, un parcours symbolique et inspirant. L’athlète est né en 1994 à Athènes, de deux parents arrivés du Nigéria trois ans auparavant. Il doit attendre ses 18 ans pour tenter d’obtenir la nationalité grecque. « Quand je repense à là où j’étais il y a quatre ans, dans la rue, et où je suis aujourd’hui, en mesure d’assurer l’avenir de mes enfants, de mes petits-enfants et de leurs propres petits-enfants… Je ne dis pas ça pour me la péter, mais l’histoire est folle, non ? », estimait le joueur en 2017. Il joue aujourd’hui avec l’un de ses frères, Thanásis, aux Milwaukee Bucks.

Le « Greek Freak », monstre grec, est à 26 ans, « le seul joueur à avoir remporté à la fois le titre de MVP, celui de MVP des finales, le MIP (joueur ayant le plus progressé sur une saison) et le titre de meilleur défenseur de l’année en carrière. Sans compter ses cinq sélections au « All Star Game » entre 2017 et 2021. Il n’est pourtant pas le seul « monstre » européen à sévir actuellement. Impossible de ne pas évoquer le prodige de la Slovénie, Luka Dončić. Ce dernier réalise des Jeux Olympiques absolument colossaux : avec 48 points et 11 rebonds, il a écœuré l’Argentine à lui tout seul, avant de récidiver contre l’Espagne, championne du monde en titre avec 12 points, 14 rebonds et 9 passes décisives et d’obtenir une victoire précieuse (95-87).

Un phénomène qui trouve ses racines dans les années 1980

Pour autant, si la NBA s’ouvre de plus en plus au monde extérieur, ce processus est loin d’être nouveau. Depuis de nombreuses saisons, grâce à l’apport de joueurs légendaires, les Européens ont réussi à s’implanter progressivement aux États-Unis. Si l’ailier Allemand Detlef Schrempf a fait toute sa carrière en NBA (Dallas Mavericks, Indiana Pacers, Seattle Sonics et Portland Trail Blazers) durant un peu plus de 15 ans (entre 1985 et 2001) et a été un des précurseurs, l’Europe de l’Est a joué un rôle fondamental dans ce développement. Parmi une ribambelle de joueurs de talents se trouvait un Soviétique au toucher de balle exceptionnel.

Il s’agit d’un gaucher solide et véloce qui a marqué l’histoire du basket européen. Cette merveille sur ressorts n’est autre que la légende Šarūnas Marčiulionis, médaille d’or aux JO de Séoul en 1988 avec l’Union soviétique. Le futur arrière Lituanien, après l’indépendance obtenue par son pays en 1991 à la suite de la chute de l’URSS, à une époque où l’ex-Union soviétique ne donnait ses autorisations de départ qu’au compte-goutte à ses légendes les plus méritantes, est un des premiers joueurs du continent européen à franchir le Rubicon.

Il effectue cinq saisons aux Golden State Warriors entre 1989 et 1994, Seattle, Sacramento et Denver Nuggets pour une carrière américaine qui dure huit ans au total. Par la suite, un de ses « nouveaux » compatriotes, l’illustre pivot aux doigts de fée, Arvydas Sabonis débarque à un âge que d’aucuns disaient avancé. En effet, Sabonis (dont le fils Domantas évolue actuellement avec les Indiana Pacers) se lance dans la grande aventure après avoir décroché un titre de champion d’Europe en 1995 avec le Real Madrid de l’entraîneur serbe multi-titré Željko Obradović. Il prend alors la direction des Portland Trail Blazers, à l’âge de 30 ans (ce qui aurait été rédhibitoire pour n’importe quel autre joueur).

Il faut évoquer d’autres précurseurs venus tout droit des Balkans et attirés par les sirènes sonnantes et trébuchantes de la Ligue américaine. Parmi ceux-ci, plusieurs noms figurent au panthéon du basket européen et mondial. Citons, tout d’abord, le « Mozart » et génial Dražen Petrović. Né à Šibenik, alors yougoslave et aujourd’hui croate, Petrović est l’un des premiers à tenter l’aventure outre-Atlantique, après avoir tout remporté sur son passage en Europe avec le Cibona Zagreb et le Real Madrid. Un parcours à la Luka Dončić tant sa précocité, son talent, sa culture de la gagne mais aussi sa capacité à varier son jeu et à rendre fous ses adversaires permettent au Croate de se montrer sous son meilleur jour aux Etats-Unis.

Après deux saisons à Portland et deux autres aux New Jersey Nets entre 1989 et 1993, le prodige croate meurt dans un accident de voiture en Allemagne en juin 1993. La Croatie n’est cependant pas en reste dans l’envoi de joueurs en NBA, puisque deux de ses plus illustres représentants posent leurs guêtres aux Etats-Unis cette même année.

Dino Rađa, un pivot de 2m11, reste aux Boston Celtics durant quatre saisons (entre 1993 et 1997). L’ailier fort Toni Kukoč, est aux Chicago Bulls d’un certain Michael Jordan entre 1993 et 2000. À la clé, une triple couronne avec sa « Majesté » Jordan aux commandes. Les Européens commencent à se faire une place au soleil au niveau du palmarès. Ces progrès se constatent aussi sur le plan physique, afin de lutter contre des adversaires qui ne leur font aucun cadeau. Sur ou en dehors du terrain, même pour un Kukoč « souffre-douleur » de Jordan à son arrivée à Chicago.

Notons, enfin, la présence d’autres joueurs de l’ex-Yougoslavie tel le pivot Serbe Vlade Divac, qui passe 15 saisons entre 1989 et 2004 au sein de trois franchises (les Lakers, les Charlotte Hornets et les Sacramento Kings). Ou celle de son compatriote Pedrag « Peja » Stojaković, tireur d’élite à trois points au sein de la franchise des Sacramento Kings. Au début des années 2000, la présence d’un quatuor aide grandement à stabiliser et même à augmenter dans les grandes largeurs l’afflux de joueurs européens vers les États-Unis : un Russe, un Français, un Allemand et un Espagnol.

Kirilenko, Parker, Nowitzki et Gasol comme modèles

Ces quatre joueurs à la longévité exceptionnelle ont marqué les esprits sur les deux rives de l’océan Atlantique. Andreï Kirilenko (Utah Jazz), Tony Parker (Spurs de San Antonio), Dirk Nowitzki (Dallas Mavericks) et Pau Gasol, qui a joué un peu partout aux Etats-Unis (Memphis, Grizzlies, Los Angeles Lakers avec le regretté Kobe Bryant, les Bulls de Chicago, San Antonio ou Milwaukee) deviennent les symboles de la présence, de la stabilité et de la réussite du contingent européen en NBA. Piliers de leurs sélections respectives, ces quatre joueurs ont contribué, de par leurs cultures de la gagne, à pérenniser l’apport de leurs compatriotes en s’érigeant comme modèles. Tony Parker inspire encore aujourd’hui de nombreux joueurs français tels le meneur Killian Hayes, présent aux Detroit Pistons, l’ailier Timothé Luwawu-Cabarrot, actuellement avec la sélection nationale aux JO de Tokyo, aux Nets de Brooklyn ou encore Théo Maledon, meneur aux Oklahoma City Thunder.

Des joueurs à grande renommée européenne n’ont toutefois jamais rencontré le succès souhaité en Amérique, comme le meneur serbe Aleksandar Đorđević, qui jouera à peine une saison à Portland en 1996, son compatriote Predrag Danilović à Miami et Dallas entre 1995 et 1997, le « shooteur » Turc İbrahim Kutluay aux SuperSonics de Seattle en 2004 ou le « Roi » Antoine Rigaudeau à Dallas en 2003.

Malgré ces quelques « couacs », l’apport des pionniers « Soviético-Lituaniens » puis des « Yougoslavo-Croates » ont grandement permis aux Européens et aux Russes de mener la ligue américaine vers de nouveaux horizons. Aujourd’hui, qu’ils soient Italien (Danilo Galinaro aux Hawks d’Atlanta), Serbe (Bogdan Bogdanović à Atlanta également), Croate (Bojan Bogdanovic à Utah), Letton (Kristaps Porziņģis à Dallas) ou Français (Rudy Gobert a été élu meilleur défenseur lors de la saison 2020/2021), tous ces joueurs ont eu la piste balisée grâce à leurs glorieux aînés du Vieux continent.

Une concurrence accrue face à la sélection américaine

Dorénavant, les États-Unis redoutent même de connaître la défaite lors des grandes compétitions internationales. Aux Championnats du monde en 2006, au Japon, la bande à LeBron James a été éliminée par la Grèce en demi-finale à la surprise générale et lors des JO de 2004 à Athènes où ils ont été éliminés face à l’Argentine. Dès lors, les États-Unis se sont questionnés sur le niveau des sélections américaines engagées et un rééquilibrage avec celles des Européens.

Le champion du monde actuel est l’Espagne, et non les Etats-Unis, qui avaient chuté face à la France en 2019, et viennent à nouveau de s’incliner en 2021. Une scène du film Rush Hour 3 où l’un des acteurs lâche effrontément « vous ne pouvez même plus battre les Européens au basketball », a été largement reprise après cette nouvelle défaite, le 25 juillet sur les réseaux sociaux, preuve de la pression qui pèse sur la sélection nationale. Celle-ci a obtenu sa revanche face aux Bleus, en finale du tournoi olympique, ce 7 août, sur un score serré, 87-82.

Les États-Unis restent bien sûr le maître et la référence, avec 15 titres olympiques chez les hommes et huit chez les femmes. Mais la France a décroché une nouvelle médaille, comme d’autres sélections européennes avant elle (Croatie, Espagne, Italie, Lituanie, Serbie depuis les années 1990). « Le basket européen a rattrapé celui des Etats-Unis », estimait, avant ces Jeux, Tony Parker. Trois joueurs (Heurtel, Yabusele, Fall) de l’ASVEL, club de Villeurbanne dirigé aujourd’hui par l’ancien joueur, font partie de la sélection française aux Jeux.

Le basket est donc un nouvel enjeu dans la mondialisation mais également de la politique, de la culture et de l’économie, générant des revenus, attirant des sponsors et ouvrant un vaste champ de possibles. Il ne faut pas être étonné qu’un certain Barack Obama, ancien Président des Etats-Unis et amateur de basket devant l’éternel, soit devenu récemment ambassadeur de la NBA Afrique. La NBA et son président visent désormais un panaché d’internationalisations entre tous les continents.

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