Tous demandent sa libération immédiate, ainsi que celle des 470 autres prisonniers politiques, comme lui. Deux semaines après son arrestation sur le tarmac de l’aéroport de Minsk, le cas du journaliste et opposant bélarusse Roman Protasevitch continue de mobiliser l’attention des eurodéputés. Quelques heures avant un débat sur le sujet ce 8 juin, une manifestation de l’opposition démocratique bélarusse se tenait encore devant le Parlement européen, à laquelle se sont rendus plusieurs élus dont Fabienne Keller (Renew) et Raphaël Glucksmann (S&D). Portée par le groupe social démocrate, une résolution condamnant les derniers agissements du président Loukachenko et appelant l’UE à soutenir l’opposition bélarusse a été largement débattue en plénière, avant d’être adoptée https://www.europarl.europa.eu/news... 626 voix contre 16 (et 36 abstentions). Elle appelle à la libération immédiate des prisonniers politiques, à un durcissement des sanctions prévues par le Conseil, y compris envers certains secteurs économiques, ainsi qu’à une suspension du pays des prochains événements sportifs internationaux.
"Au cours de l’année écoulée, le Bélarus, qui passait auparavant inaperçu, est devenu le problème paneuropéen numéro 1". Prenant la parole pour le groupe Renew, le député lituanien Petras AUŠTREVIČIUS, est revenu sur la dérive du régime d’Alexandre Loukachenko qui s’est intensifiée depuis l’élection présidentielle contestée du 9 août 2020. La répression violente des manifestations pacifiques des forces d’opposition démocratiques avaient conduit l’Union européenne à adopter des premières sanctions ciblées sur une partie de l’administration bélarusse. Mais au sein de l’hémicycle strasbourgeois, le détournement d’un avion civil européen le 23 mai représente un tournant dans l’attitude du dictateur. C’est en ce sens qu’est intervenu le Portugais Paulo Rangel (PPE), pour qui “le détournement d’un avion civil n’est pas seulement une nouvelle provocation de Loukachenko”, mais aussi un “acte de terrorisme d’État”, opinion partagée au sein du Parlement, allant jusqu’à le qualifier “d’attaque la plus sérieuse sur l’aviation civile dans l’histoire récente depuis les attentats du 11 septembre”. À travers les prises de paroles, une chose paraît claire pour les élus : le président Loukachenko doit répondre de ses actes devant la justice internationale, où comme le dit Andrzej HALICKI (Pologne/PPE), "il n’y a qu’un seul endroit où Loukachenko doit être, c’est la Cour pénale internationale de La Haye et j’espère que ce jour viendra le plus vite possible".
Sanctionner le régime, pas les citoyens : une équation délicate
Si tous les parlementaires se sont accordés pour sanctionner Loukachenko, les débats ont montré qu’ils restent divisés quant à la meilleure manière de le faire. Invité à parler au nom de la Commission et du Conseil, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a fait le point sur les mesures en cours d’adoption au niveau européen. Suite à la demande formulée par les chefs d’État et de gouvernement des 27 pays européens lors du Conseil européen du 24-25 mai, les ministres des Affaires étrangères de l’UE doivent pour la première fois adopter des sanctions économiques ciblées. “Jusqu’à présent, nos sanctions étaient généralement prises sur une base personnelle, touchant des individus et des entités, mais pas l’ensemble de l’économie d’un pays”, rappelle le diplomate. L’élargissement des sanctions individuelles aux responsables du détournement de l’avion devrait être adopté dans les prochains jours par procédure écrite, tandis que les sanctions économiques ciblées “sur des secteurs clés de l’économie bélarusse” devraient être présentées au prochain conseil Affaires étrangères.
Cette décision a été saluée par certains députés, qui ont mis en avant la nécessité d’avoir “de nouvelles sanctions crédibles”, comme Fabio Massimo CASTALDO (Italie, NI) et de montrer au régime bélarusse que “ses actions ont des conséquences” pour Pedro MARQUES, (Portugal, S&D) au nom de la “sécurité européenne” et “du respect des droits de l’Homme”. Le groupe PPE a toutefois insisté sur l’intérêt de ces sanctions ciblées comme moyen de “couper tous les vivres de Loukachenko” (Siegfried MUREŞAN, Roumanie) tout en les conditionnant “à la libération des prisonniers politiques et à la fin de la répression” (Miriam LEXMANN, Slovaquie).
Porteur de la résolution débattue en plénière, le groupe S&D est certes en faveur de ces sanctions, listant dans un communiqué de presse les secteurs économiques à cibler : “les industries du pétrole, de la potasse, de l’acier et de la transformation du bois”. Néanmoins, les députés du groupe ont appelé à soutenir plus clairement l’opposition démocratique bélarusse. “Il y a encore un fragment d’espoir dans le cœur du peuple bélarusse et il ne peut pas mourir”, a plaidé Robert BIEDROŃ, député polonais et président de la délégation pour les relations avec le Bélarus au Parlement européen. D’autres, comme Helmut SCHOLZ (Allemagne, GUE), se sont montrés plus critiques et s’inquiètent que les sanctions “affectent l’ensemble de la population, au risque de ne pas changer la situation”. Andrius KUBILIUS (Lituanie, PPE) considère pour sa part que les sanctions “ne sont pas suffisantes” et a appelé à la tenue immédiate d’une conférence internationale sur le Bélarus, rejoignant sur ce point les Social-Démocrates. Plus à droite, Witold Jan WASZCZYKOWSKI à déclaré que “des sanctions ciblées et une photo de Protasevitch dans un aéroport ne suffisent pas” et que l’Union européenne devait se montrer ferme, y compris devant l’influence russe (Pologne, ECR).
Face aux interférences russes, pour une solution géopolitique
L’ingérence russe au Bélarus est en effet la question la plus épineuse du dossier. Alexander YORDANOV (Bulgarie/PPE) a estimé que “la politique de Loukachenko fait partie de la stratégie du Kremlin de réinstaller l’influence russe dans l’ancien bloc soviétique”. “Comment pouvons-nous sanctionner le régime de Loukachenko sans nuire au peuple bélarusse et sans rapprocher Loukachenko de la Russie ?”, s’est interrogé Márton GYÖNGYÖSI (Hongrie, NI). Certains députés européens ont mis en garde sur le fait que les sanctions économiques ne feraient que renforcer les liens entre Moscou et Minsk. Pour Markéta GREGOROVÁ (République tchèque, Verts/ALE), “Loukachenko survivra sans l’argent européen, puisqu’il dépend déjà de la Russie”.
Par conséquent, certains députés ont exhorté l’UE à se trouver des alliés sur la scène internationale. A l’image de Hilde VAUTMANS (Belgique/Renew), pour qui “Lukachenko ne sera mis à genoux que si nous l’isolons et le faisons passer pour un paria international”. L’arrivée prochaine sur le sol européen du président américain Joe Biden est perçue comme une opportunité de faire “front commun”, notamment dans le cadre de sa rencontre avec son homologue russe prévue pour le 16 juin.
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