Belgique : Un gouvernement ? Quel gouvernement ?

, par Jérôme Flury

 Belgique : Un gouvernement ? Quel gouvernement ?
Qui de Paul Magnette (à gauche) ou Alexander De Croo sera Premier ministre ? Photo : Oakenchips, Axel Delepinne, EU2017EE Estonian Presidency / Wikimedia Commons

Un record serait-il en passe d’être battu ? En Belgique, depuis les élections qui se sont déroulées dimanche 26 mai 2019, le pays n’est toujours pas parvenu à former un gouvernement. Ce qui revient à 491 jours de péripéties et d’imbroglio symboliques d’une difficulté désormais récurrente dans cet Etat fédéral.

La tâche s’annonce ardue pour Paul Magnette et Alexander de Croo. Non, les deux hommes ne sont pas des médecins chargés de décider de la politique sanitaire à appliquer en Belgique. Non, ce ne sont pas non plus des experts chargés de réfléchir à la manière dont leur pays pourrait limiter ses émissions de gaz à effet de serre. Cependant, ils doivent faire face à une question tout aussi complexe. “Le Roi nous confie la mission de former un gouvernement”, a indiqué Paul Magnette (PS) le 23 septembre. Avec Alexander de Croo (Open VLD), ils sont en effet co-formateurs du prochain gouvernement fédéral et devront rendre un rapport au Roi le 28 septembre 2020. Les dernières élections en la matière se sont tenues le 26 mai 2019. 490 jours après, la Belgique est toujours privée de gouvernement de plein exercice.

Cela peut sembler surprenant en Europe mais dans ce royaume fédéral, ce n’est plus une surprise. Le record en la matière reste à battre : la plus grosse crise politique remonte à 2010-2011 avec 541 jours sans gouvernement en exercice. « Même quand il n’y a pas de pilote, l’avion vole », assurait mardi 21 janvier, Bernard Gilliot, président de la Fédération des entreprises de Belgique. L’activité économique ne pâtirait pas de cette absence.

Une possibilité de réforme ?

“Les élections de 2014 ont été une parenthèse. Entre le scrutin du 25 mai et la prestation de serment du gouvernement "Michel I" le 11 octobre, il n’a fallu "que" 139 jours, soit 4 mois et 17 jours”, souligne ainsi la RTBF. Le média s’interroge toutefois : serait-il possible de former un gouvernement fédéral automatiquement en cas de vide prolongé ? En effet, si la situation n’est pas rare, elle relève tout de même de l’anormalité. Actuellement, sous la houlette de Sophie Wilmès, un gouvernement en affaires courantes, aux compétences limitées, régit le pouvoir exécutif. Et cette “instabilité qui tend à devenir structurelle” lasse un certain nombre de politiques. Les pré-formateurs du futur gouvernement, Egbert Lachaert et Conner Rousseau, se sont donc posés la question dans leur rapport d’une possibilité de réforme.

Le gouvernement belge ne se compose pas de plus de 15 ministres, pourtant il est très complexe à instaurer. Le plus souvent c’est une coalition de différents partis qui est amenée à travailler ensemble. "Nous avons beaucoup travaillé ces deux derniers jours, pour rétablir cette confiance et enfin construire un gouvernement dans ce pays, après 15 mois", expliquait Egbert Lachaert, le président de l’Open VLD, à l’issue de la remise du rapport des deux pré-formateurs. En vue : une coalition “Vivaldi” de multiples partis (MR, Open VLD, PS, sp.a, Ecolo, Groen et CD&V). Mais les discussions ont achoppé dimanche 20 septembre. Il était écrit que rien ne devait pouvoir se passer simplement dans cette histoire.

Les feuilletons nécessaires à la mise en place de tout gouvernement belge défient les scripts de séries politiques. Missions d’informations, rapports, accords, initiatives, communiqués, démissions, préformation, discussions… Au début du mois de septembre, c’est le coronavirus qui vient perturber les démarches politiques. Depuis mai 2019, “six tentatives de coalition” ont été envisagées, comme le rappelle Le Soir, “18 missionnaires royaux ou autoproclamés” s’y sont successivement essayés, sans réussite.

Un problème à prendre au sérieux ?

Et si l’accord semble désormais proche, le fait que deux hommes soient nommés formateurs donne lieu à une nouvelle question : qui sera Premier ministre ?

Au final, la Belgique, rare exemple de monarchie constitutionnelle fédérale sur le territoire européen, ne semble pas s’en sortir alors que les antagonismes politiques restent importants, élection après élection. Ce qui se produit en cette année 2020 n’est pas une exception, malgré le contexte sanitaire si particulier. Sur les dix dernières années, les Belges ont vécu trois ans sans gouvernement de plein exercice. Et le média DH se montre inquiet : “Est-ce la dernière fois qu’un gouvernement peut être formé, en l’état actuel de l’état fédéral belge ?

Les difficultés à constituer un gouvernement en Belgique ne relèvent pas uniquement du type du régime en place, cependant, elles peuvent desservir la gestion de l’Etat et écorner une fois de plus l’image du fédéralisme en Europe. Le système politique a pourtant des avantages et la Belgique s’y est tournée après de multiples réformes constitutionnelles. Et elle n’a pas prévu de changer de mode de fonctionnement : tout ce qu’elle souhaite, c’est un gouvernement.

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