Cohésion
Accaparant un tiers du budget de l’Union, le Fonds de cohésion représente une part importante – parfois controversée – de la cagnotte européenne. Il vise à réduire les inégalités entre les régions riches et pauvres en misant sur l’emploi, la croissance et la promotion de la transition écologique. La 18ème édition de la semaine européenne des régions et des villes, organisée à Bruxelles en octobre dernier, nous a permis d’en savoir un peu plus sur la manière dont l’argent est investi.
Les visioconférences avec des entrepreneurs, des agriculteurs, des chefs de projet et d’autres personnes engagées dans des projets cofondés par l’UE via le cadre financier pluriannuel (qui inclut le Royaume-Uni) dans les 28 États membres et dans leurs pays voisins ont été l’occasion de se pencher sur les diverses affectations des aides financières octroyées. De plus grands débats au format « hybride » (les intervenants et les journalistes sur place ; le public sur Zoom) ont aussi permis aux spectateurs de mieux comprendre le rôle de la politique de cohésion au sein de l’Union européenne aujourd’hui.
« Nous ne devons pas voir ces fonds comme des dépenses, mais comme des investissements », a souligné la commissaire à la cohésion et aux réformes Elisa Ferreira dans une interview au New Federalist. L’Union ne dispose que de compétences restreintes en matière de politique sanitaire, ce qui limite quelque peu l’harmonisation des diverses mesures nationales. Toutefois, en permettant de rediriger les fonds vers les régions qui étaient les plus touchées par le confinement et qui manquaient d’équipement médical durant la pandémie, la politique de cohésion européenne a démontré toute son adaptabilité et sa flexibilité, notamment grâce à l’initiative d’investissement en réaction au coronavirus et à l’initiative REACT-EU.
Communication
Cet événement a également donné à l’UE l’occasion d’attirer l’attention sur son succès en la matière et de s’offrir une couverture médiatique positive, plus que nécessaire. Si la réduction progressive des inégalités entre États membres avec le temps est indéniablement un exploit, ce sont pourtant les affaires d’abus et de fraude (représentant moins d’un pour cent des dépenses totales de la politique de cohésion) qui accaparent l’attention médiatique. En invitant la presse à l’événement et en lançant un programme destiné aux jeunes journalistes, l’UE veut encourager la profession à couvrir et à mieux comprendre les affaires européennes – une condition sine qua non pour lutter contre l’euroscepticisme qui est loin d’être atteinte aujourd’hui.
Au Royaume-Uni, des régions comme les Cornouailles et les Galles de l’Ouest ont bénéficié du Fonds de cohésion dans la même proportion que certaines régions roumaines et bulgares. Toutefois, la presse locale a passé sous silence les millions de livres accordés par l’UE à un nouveau campus universitaire gallois, alors même que certains conseils municipaux avaient imploré le gouvernement britannique de leur garantir des fonds de remplacement en cas de perte de ces aides européennes au lendemain du vote massif en faveur du Brexit. Bien que tous les cas ne soient pas aussi extrêmes que celui du Royaume-Uni, cet exemple illustre le déficit de communication qui existe et prouve qu’une réflexion plus approfondie est nécessaire pour le combler.
Conditionnalité
La conditionnalité au respect de l’état de droit a brillé par son absence lors de la dernière édition de la semaine des régions et des villes. Voilà qui est décevant : une discussion ouverte sur l’un des plus grands débats qui entourent la politique de cohésion aujourd’hui aurait conféré à l’événement davantage de transparence vis-à-vis des épreuves passées et un ton un peu moins autosatisfaisant. Au vu des revers démocratiques auxquels nous assistons dans de nombreuses démocraties de la troisième vague, diverses propositions ont été formulées – par la Commission en 2018 et, plus récemment, par la présidence allemande du Conseil de l’UE – pour corréler l’attribution de fonds de cohésion au respect de l’état de droit et de la démocratie au sein de l’UE et ainsi empêcher les régimes répressifs de bénéficier de financements européens. Aborder ce sujet lors de l’événement aurait permis de ne pas le transformer en secret de Polichinelle…
….et autosatisfaction
Si les inégalités entre pays diminuent et si d’importants progrès ont été réalisés en faveur des régions dont les conditions de vie étaient en deçà de la moyenne européenne, les inégalités internes continuent d’augmenter dans de nombreuses démocraties de longue date : les régions postindustrielles stagnent plus que les autres et les régions urbaines, plus riches, génèrent toujours plus de profit grâce à un secteur tertiaire florissant. Il est primordial que l’Union européenne ne se repose pas sur ses lauriers et n’attribue plus de nouveaux financements que sur l’unique base des conditions de vie actuelles, mais également sur potentiel que revêt une région. Elle pourrait, pour ce faire, recourir à des indicateurs d’innovation en plus du PIB par habitant.
L’UE doit également éviter toute autosatisfaction excessive en matière d’image : elle considère parfois à tort le Fonds de cohésion comme un symbole de générosité. Il s’agit bel et bien de solidarité, mais celle-ci profite également aux pays les plus développés. Ces derniers s’assurent que les États plus pauvres tiennent le rythme pour garantir le maintien de la demande sur leurs marchés extérieurs. Cela leur permet également de disposer de nombreux sites à la main-d’œuvre moins chère et d’infrastructures solides vers lesquelles délocaliser leurs entreprises. Au bout du compte, d’un point de vue purement financier, il est clairement dans l’intérêt des régions aisées d’être des contributeurs nets au Fonds de cohésion aujourd’hui. Cela leur garantira plus de profit demain. Une telle perspective devrait être exprimée en toute transparence, à la semaine européenne des régions et des villes comme ailleurs.
Enfin, la politique de cohésion devrait être beaucoup plus adaptée à la crise à long terme que nous vivons. Le Fonds de cohésion du prochain cadre financier pluriannuel devra, quant à lui, impérativement être en adéquation avec le Green New Deal. Le Fonds pour une transition juste est un excellent début, mais l’argent restant devrait être alloué en veillant à ne pas annihiler les résultats de cette initiative.
En bref…
La semaine européenne des régions et des villes est un excellent événement pour en apprendre davantage sur l’une des politiques les plus fructueuses de l’Union européenne. Elle a également permis à l’UE de faire l’objet d’une couverture médiatique plus importante et plus qualitative. S’il est tout à fait logique de saluer les accomplissements et les nombreux projets (et, par extension, citoyens) que l’Union a soutenus, l’événement deviendrait cependant plus informatif encore en prenant davantage l’allure d’un forum de discussions que de simples festivités et en proposant des débats transparents sur les défis à venir de la politique de cohésion. Espérons que la semaine européenne des régions et des villes 2021 évoluera dans cette direction – et croisons les doigts pour que cette formule hybride alliant présentiel et visioconférences ne soit plus nécessaire.
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