Au Parlement britannique, l’année 2020 commence comme 2019 s’était terminée : avec le Brexit. Le sujet qui n’en finit plus d’occuper la vie politique britannique (et l’occupera pendant encore longtemps) a toutefois connu une nette accélération avec l’approbation sans encombre des textes présentés par Boris Johnson qui peut maintenant compter sur une large majorité aux Communes. Reprise cette semaine donc avec l’adoption de l’accord de transition par les Communes. Un texte objet d’amendements dont 3 portant respectivement sur le regroupement familial des réfugiés, un autre sur l’adhésion au programme Erasmus+ d’échanges étudiants et le maintien de la réglementation européenne protégeant les travailleurs après le Brexit.
Sans surprise, ces amendements, proposés par l’opposition, ont tous 3 été largement rejetés par la Chambre des communes fortement dominée par les conservateurs britanniques. Boris Johnson n’entendant pas être bridé de quelque manière que ce soit par le Parlement sur le Brexit.
- un amendement modifiant l’article 2 de l’accord de retrait obligeant le Gouvernement à négocier un accord global avec l’UE protégeant les droits des travailleurs. Cet amendement a été rejeté par 344 voix « contre » et 255 « pour » ;
- un amendement modifiant l’article 10 obligeant le Gouvernement à négocier la poursuite d’une adhésion pleine et entière au programme Erasmus+ pour l’éducation et la jeunesse. Cet amendement a été rejeté par 344 voix « contre » et 254 « pour » ;
- un amendement modifiant l’article 29 obligeant le Gouvernement à rechercher un alignement réglementaire proche avec le marché unique européen dans les domaines réglementaires clés.
Le rejet de ces amendements a suscité des réactions d’indignation, de tristesse mais surtout de colère. Mais qu’en est-il vraiment ?
Erasmus et le Brexit
Comme souvent avec le Brexit depuis 2016, c’est l’incertitude qui domine. Dans les faits, rien ne change vraiment. Jusqu’au 31 janvier 2020, le Royaume-Uni reste membre à part entière de l’UE et donc des programmes liés dont Erasmus. Passé cette date, l’adoption de l’accord de retrait par la Chambre des Communes, le Royaume-Uni va sortir de l’UE et les relations avec l’UE régies par l’accord de transition négocié avec les Européens. Cet accord de transition ouvre une période de transition qui permet aux Britanniques et Européens de négocier leur relation post-Brexit. Le Royaume-Uni continue de participer au programme Erasmus+ et les échanges étudiants peuvent se poursuivre.
L’amendement, présenté par Layla Moran, députée libérale-démocrate, visait à contraindre le Gouvernement britannique de maintenir sa participation au programme Erasmus+ dans tout accord futur avec l’UE.
Elle a d’ailleurs déclaré : « Rappelons-nous ce qu’Erasmus nous a apporté. Il a permis à nos jeunes d’aller étudier dans des universités européennes, d’apprendre de nouvelles langues, de rencontrer de nouvelles personnes, d’avoir des liens ailleurs et de bâtir une compréhension mutuelle ce qui, de mon point de vue, est une grande partie de l’identité britannique » .
C’est cette obligation qui a été rejetée. Le Royaume-Uni ne quitte donc pas Erasmus+. Le Gouvernement britannique a d’ailleurs indiquée qu’il souhaitait à poursuivre le programme.
James Duddridge, secrétaire d’État en charge du Brexit, a justifié le rejet des amendements mentionnés ainsi : « ferait du Royaume-Uni, un « rule-taker » à perpétuité »
Ce qui change, c’est que le programme Erasmus+ reste dans les négociations au lieu d’en sortir. La participation future du Royaume-Uni à Erasmus sera négociée avec les Européens comme l’ensemble des autres sujets.
Erasmus, élément de négociation
Ainsi, inclus parmi les nombreux sujets de négociation d’un futur accord entre le Royaume-Uni et l’UE, le programme Erasmus devient un élément que Boris Johnson pourrait utiliser pour obtenir plus des Européens. La chose ne serait pas nouvelle puisque c’est exactement ce qu’il vient de faire avec le backstop et la frontière nord-irlandaise. Mais contre quoi ?
Pour avoir une idée de la contrepartie souhaitée par le Premier ministre britannique, il suffit de se plonger dans son historique politique. En tant qu’élu conservateur, Boris Johnson a toujours défendu avec force une chose : la City et son influence financière. Mise à mal avec le Brexit, celle-ci entend pourtant garder une place de choix dans le système financier européen et mondial. Une place qui implique… De garder un accès au marché unique ce qui n’est possible qu’avec le fameux « passeport financier » qui permet aux institutions financières de continuer à travailler depuis Londres sans contrainte ou presque.
On peut donc raisonnablement penser que Boris Johnson entend jouer le destin des jeunes britanniques contre le destin de la City. Réponse définitive dans les prochains mois.
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