L’organisation d’un tel débat à quelques jours des élections européennes qui se dérouleront du 6 au 9 juin partout dans l’Union européenne, qui plus est par le service public de l’audiovisuel français, est choquante et décevante. Inapproprié pour faire comprendre les enjeux sur lesquels chaque citoyen aura à se prononcer, le débat annoncé est malhonnête et indigne d’un débat public de qualité et ce, à plusieurs titres.
D’abord, ce débat entre un chef de parti, candidat à la fonction de Premier ministre et accessoirement candidat aux élections européennes, et le Premier ministre du gouvernement français, non candidat à ce scrutin, nationalise totalement le débat public. Il détourne ainsi la campagne des élections européennes de ses véritables enjeux. Car à quelques jours d’un scrutin européen, il ne s’agit pas de débattre de la politique du gouvernement français ou de la conduite des affaires intérieures, ni de l’hypothétique dissolution de l’Assemblée nationale par le Président de la République en cas de déroute électorale ni même du positionnement des forces politiques du pays dans les starting blocks pour l’élection présidentielle de 2027. Il s’agit bien de laisser les candidats qui veulent faire leur entrée au Parlement européen s’exprimer sur leurs idées et leur programme pour gouverner l’Union européenne au cours des cinq prochaines années. L’Europe mérite un vrai débat !
Ensuite, ce débat est malhonnête parce qu’il installe un duel qui n’existe pas. Les élections européennes sont un scrutin à la proportionnelle à un tour. Toutes les listes créditées de plus de 5% des suffrages auront des élus au Parlement européen. Les électeurs ont donc le choix entre une vingtaine de listes qui représentent toutes les nuances du paysage politique français. En faisant le choix de scénariser un duel entre le représentant d’un parti d’opposition et le chef du gouvernement, France Télévisions impose un match qui n’a pas lieu d’être. Ce duel trompe les électeurs et les induit en erreur sur les véritables enjeux de ces élections européennes.
Enfin et surtout, le même jour est diffusé dans plusieurs Etats membres le débat des candidats à la présidence de la Commission européenne, représentant tous les grands partis européens. Seul véritable rendez-vous européen de ces élections européennes, ce débat témoigne des positions de chaque candidat à la Commission, le gouvernement des 450 millions de citoyens de l’Union. Il offre ainsi l’opportunité d’européaniser un débat qui, en France, reste bien trop national, alors même que les enjeux auxquels nous faisons face sont définitivement européens.
Ce grand débat européen ne bénéficiera pas de la même audience. France Info le diffusera à 15h, heure choisie par les télévisions publiques de l’Union européenne de radio-télévision présidée par Delphine Ernotte. Si nous saluons la couverture par France Télévisions de la campagne des élections européennes jusqu’à présent et la diffusion de ce débat en linéaire et en ligne sur France Info, nous déplorons la place secondaire qui lui est réservée.
Faut-il rappeler que les 81 députés européens élus en France siègeront avec 639 autres députés européens élus dans les 26 autres Etats membres au Parlement européen ? Seuls, les parlementaires élus en France ne pourront donc rien. L’enjeu de ces élections européennes réside donc bien dans la composition globale du Parlement européen après le 9 juin, dans la personne qui présidera la Commission européenne en prenant la tête d’une coalition de partis représentés au sein du Parlement et dans le programme que mettra en œuvre la Commission pour les cinq années à venir.
En installant un faux match, France Télévisions trompe ses téléspectateurs et les électeurs qui auront à choisir leurs représentants au Parlement européen pour les cinq années à venir, et non le prochain Premier ministre de la France. Les Français méritent mieux qu’un tour de chauffe de l’élection présidentielle de 2027. Nous voulons un débat sincère pour les élections européennes.
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