“Jour historique pour l’Europe !” a annoncé avec fierté Emmanuel Macron, dans un tweet publié le 21 juillet et épinglé en haut de son profil les jours suivants. Alors que l’Union européenne a toujours été l’un des principaux chevaux de bataille du président français, il apparaît hautement regrettable qu’un secrétaire d’État aux affaires européennes n’ait toujours pas été nommé, plus de deux semaines après l’entrée en fonction de Jean Castex comme Premier ministre, le 6 juillet.
Cela est d’autant plus regrettable que le Conseil européen de ce weekend aurait pu être une occasion de donner plus de visibilité à la nomination d’un tel secrétaire d’État. Une fois de plus, le Conseil européen est une occasion pour un chef de gouvernement national de s’accaparer tous les pouvoirs décisionnels s’agissant de la politique européenne. Même s’il s’agissait d’un “sommet européen extraordinaire” et que les ministres nationaux siègent principalement au Conseil de l’UE, en nommer un aurait été un signal des plus positifs.
Pourtant, en 2017, le candidat Macron avait à renfort de meetings et de formules, rappelé sa volonté d’un engagement français fort pour l’Europe. Son élection a même été vue comme “une victoire” pour l’UE. Pour le premier gouvernement constitué sous son mandat de président, le ministère des Affaires étrangères et du Développement international change de nom, devenant le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Non seulement ce poste est confié à l’un des poids lourds du nouveau gouvernement, Jean-Yves Le Drian, mais en plus, Marielle de Sarnez est nommée ministre chargée des Affaires européennes et rattachée au ministère de M. Le Drian. Deux personnes sont donc officiellement destinées à s’occuper des questions continentales.
Une situation malheureusement inédite depuis 1978
Cette situation ne dure qu’un mois, Marielle de Sarnez est écartée après des soupçons d’emplois fictifs dans le cadre de ses anciennes fonctions de députée européenne. Sa place est prise par Nathalie Loiseau qui occupe cette fonction deux ans avant de mener la liste LREM pour les élections européennes. Du 31 mars 2019 au 6 juillet 2020, c’est Amélie de Montchalin qui prend ce poste au gouvernement, mais la nomination est différente. Elle n’est pas ministre mais secrétaire d’État. Et depuis le 6 juin, plus rien.
Pourtant, l’effectif de l’équipe composée par Jean Castex est déjà élargi : avec 30 membres, il dépasse déjà le total, ministres et secrétaires d’État, de celui du dernier gouvernement Philippe. Il s’agit même d’un record dans la Vème République concernant le nombre de ministres. Mais la place de l’Europe y est minime et aucun secrétaire d’État aux affaires européennes n’a donc été nommé après 17 jours.
Une telle vacance à ce poste est inédite depuis la nomination, le 11 septembre 1978, de Pierre Bernard-Reymond. Et cela est vraiment dommageable en termes d’image. Comment continuer à clamer haut et fort les ambitions françaises au sein de l’Union européenne alors que cette mise à l’écart de la question continentale est flagrante dans le remaniement gouvernemental ? Jean-Yves Le Drian comptait deux secrétaires d’État sous le gouvernement précédent, il en aura sans doute à nouveau prochainement, mais les dix-sept jours écoulés sont autant d’occasions perdues de réaffirmer l’importance de la question européenne dans la stratégie politique du président Macron.
Pas un bon signal envoyé
Alors certes, tous les secrétaires d’État ont été nommés très en retard, bien après que le nouveau gouvernement ait commencé à travailler sur les dossiers. Mais à l’heure où le président français et son nouveau Premier ministre semblent avoir fait fausse route en ce qui concerne la priorité affichée de faire de l’égalité femme-homme l’un des piliers du mandat, ce retard à identifier clairement une personne chargée de l’Union européenne au sein de ce gouvernement sonne aussi comme un échec. La question continentale doit être une priorité des mois à venir, non seulement parce que la reprise post-pandémie sera indissociable des plans de relance formés avec les partenaires européens, mais aussi parce que la France s’apprête à prendre la présidence du Conseil de l’Union le 1er janvier 2022.
Le pays n’a plus occupé une telle position stratégique depuis le deuxième semestre de l’année 2008. A l’époque un certain Bruno Le Maire était secrétaire d’État aux Affaires européennes... Cette présidence française du Conseil de l’UE tombe en plus au plus mauvais moment : la campagne présidentielle battra son plein dans l’Hexagone. Alors soit Emmanuel Macron fera de ces six mois une priorité absolue et impulsera une nouvelle dynamique en Europe, soit il sera prisonnier du véritable ouragan électoral et médiatique qu’est la campagne présidentielle française.
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