Et la vie n’est pas facile pour les partisans du modèle russe, contraints de s’incliner face au triomphe du modèle européen sur un modèle russe essoufflé par le poids de l’ombre soviétique.
L’Europe de l’Est, entre Moscou et Bruxelles
Au jeu des deux familles, les peuples d’Europe de l’Est ont fort peu hésité dans le choix qu’ils avaient à faire entre l’Union européenne et la fédération de Russie. Les manifestations pacifiques en Ukraine sont la poursuite de la débâcle, déjà largement entamée en 2004, des valeurs autocratiques russes dans la confrontation idéologique qui l’oppose au modèle de l’Etat de droit européen. On pourrait répondre que l’on voit toujours midi à sa porte, et que l’herbe est toujours plus verte chez le voisin, de l’autre côté de la haie. En effet, si la vie est dure chez les prorusses, il paraît qu’elle s’épanouit chez les Eurosceptiques coalisés pour les élections européennes, en ces temps de crises, de malaise, et de changements profonds.
Néanmoins, les disparités politiques, économiques, et sociales sont clairement en faveur de l’Europe.
L’Europe a permis à des pays comme l’Irlande et l’Espagne, mis à mal par une pauvreté extrême, de connaître des niveaux de vie équivalents à ceux de la France, du Royaume-Uni, ou de l’Allemagne, malgré la récession. Aussi, le fonds européen d’aide aux régions a-t-il financé la construction du métro de Madrid, et à celle de son aéroport, Barajas. À l’inverse, depuis l’époque des Tsars, Saint-Pétersbourg et Moscou ont toujours dirigé les politiques économiques selon leurs intérêts, exploitant les villes et les provinces de leur territoire comme des outils entre leurs mains.
L’Ukraine dans l’Union soviétique
C’est peu dire queles Ukrainiens sont plus que las d’appartenir à la sphère d’influence russe. Les manifestants interviewés par les médias rattachent l’Europe au concept de « liberté », et la Russie, à celui de « dictature ». Il n’est pas jusqu’au clergé orthodoxe local qui ne veuille fuir la tutelle patriarcale moscovite. Il faut dire que l’Ukraine a été la première sinistrée de la collectivisation russe, imposée successivement par les Tsars et par les bolcheviques, et après plusieurs révoltes contre le pouvoir soviétique, a subi une série de famines, organisée par le petit père des peuples entre 1931 et 1933, et dont les victimes se comptent en millions.
D’autres révoltes ont surgi dans l’Histoire de l’Union soviétique, comme celle des ouvriers de Berlin-Est en 1953, ou celle des étudiants de Budapest en 1956. Si les Américains ont aidé la RDA à se libérer du joug communiste pour se rattacher à la RFA, et s’ils ont, par le biais de l’O.T.A.N, accompagné l’émancipation des Etats satellites, force est de s’étonner qu’ils ont négligé l’Ukraine.
En 1991, le désir d’indépendance était manifeste chez les Ukrainiens, mais Washington appelait l’Ukraine à rester dans l’U.R.S.S ; quelques mois plus tard, cette dernière s’effondrait, au grand désaveu de l’Administration Bush. Ceci explique que le lien entre l’Ukraine et les Etats-Unis soit beaucoup plus faible que ceux que l’Oncle Sam entretient avec les autres pays d’Europe de l’Est, comme la Pologne.
Quelles opportunités pour l’Union européenne ?
C’est donc naturellement que l’Ukraine s’est tournée vers l’Europe. Kiev est la cité la plus brillante à témoigner de la frontière politique et culturelle entre l’Europe occidentale et orientale. La langue ukrainienne a adopté l’alphabet cyrillique, et Kiev a subi la même influence orthodoxe et byzantine que Moscou. Pourtant, dès le XI° siècle, la principauté de Kiev se tourne vers l’occident latin, par le mariage d’Anne de Kiev et d’Henri 1er de France, roi des Francs, le 19 mai 1051.
Même quand l’Ukraine aura intégré l’Union européenne, elle demeurera profondément imprégnée de culture russe, et cela constituera son originalité au sein des Etats Membres.
Qui plus est, outre l’amélioration de leurs conditions de vie et la fin de la corruption, ce que revendiquent les Ukrainiens, à travers leur aspiration à la démocratie, c’est le droit de parler en ukrainien. Le modèle européen peut apporter à l’Ukraine ce qu’elle réclame, tant sur le plan politique, économique, et social, que sur le plan culturel, ce dont le modèle russe est incapable. C’est pourquoi l’Union européenne doit soutenir ardemment les partis proeuropéens dans leur lutte contre le régime de Ianoukovitch, pour montrer aux Ukrainiens qui lui font confiance qu’elle répond à leur appel. Si l’Union des 28 reste passive, ce sont les nationalistes ukrainiens, minoritaires, mais eux aussi très présents dans la contestation, qui l’emporteront, et ce sera un message fort pour tous les nationalistes et les europhobes du vieux continent.
À nous, européens, de relever ce défi avec le peuple d’Ukraine, et de finaliser la victoire de l’Europe unie contre l’oligarchie post-communiste et le nationalisme !
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