Chute de Bachar al-Assad, quel avenir pour la Syrie ?

, par Quentin Fady

Chute de Bachar al-Assad, quel avenir pour la Syrie ?
Raphaël Glucksmann lors de sa prise de parole au Parlement européen le 17 décembre © European Union 2024 - Source : EP

Bachar al-Assad a fui la Syrie dans la nuit du 7 au 8 décembre 2024 suite aux attaques éclair des rebelles, notamment ceux de HTC. Une phase de transition s’ouvre, mais quelle sera la suite et quel rôle assurera l’Union européenne ?

La Syrie a changé de visage dans la nuit du 7 au 8 décembre 2024. Le groupe de rebelles HTC (Hayat Tahrir al-Cham ou Organisation de libération du Levant) a annoncé être entré dans la capitale syrienne, Damas. Le président du pays, Bachar al-Assad, a quant à lui fui le pays pour rejoindre la Russie, sonnant le glas pour une famille au pouvoir depuis 1971. Il est connu pour sa répression brutale et sanguinaire des manifestations qui avaient commencé lors du printemps arabe en 2011. Il est encore aujourd’hui accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité par l’ONU, notamment pour avoir bombardé et utilisé des armes chimiques à l’encontre de son peuple.

En seulement 11 jours, les rebelles ont mené une offensive éclair en prenant plusieurs villes. Le 1er décembre, ils prennent le contrôle d’Alep, le 5 décembre Hama, quatrième ville du pays. Le 7 décembre, Homs, troisième ville du pays, prenant alors la main sur la province de Deraa. Et dans la nuit du 7 au 8 décembre, ils entrent dans Damas. Plusieurs autres groupes rebelles ont accompagné HTC, notamment l’Armée nationale syrienne, une coalition de groupes rebelles soutenue par la Turquie. Aujourd’hui, le nouveau Premier ministre de la Transition est Mohammad al-Bachir, un djiadiste “repenti” qui gouvernait déjà à Idleb, une ville dirigée par les rebelles. Face à cette situation inédite, le Parlement européen a organisé un débat sur le sujet le mardi 17 décembre 2024.

Quel avenir pour la Syrie et les Syriens ?

Chaque eurodéputé, ou presque, a salué la chute de l’ancien dirigeant syrien. Toutefois, la prise du pouvoir par les groupes de rebelles ne semble pas rassurer les députés. Martin Schirdewan du groupe GUE/ NGL (gauche radicale) affirmait : « l’avenir de la Syrie reste incertain. Le nouveau leader, al-Dschaulani, est un islamiste recherché avec une récompense de 10 millions de dollars. Sa milice, HTS, est classée organisation terroriste par l’ONU ». Geadis Geadi (ECR, droite radicale), bien que leurs positions politiques s’opposent, soutenait la même chose : « Le gouvernement de transition actuel du HTS est inscrit depuis 2014 sur la liste des organisations terroristes du département d’État américain. ».

Mis à part ce point-là, les réactions sur la situation divergent, notamment au regard de l’aide à apporter à une transition démocratique. Mounir Satouri des Verts/ ALE est allé dans ce sens : « Il faut donner toutes ses chances à la transition démocratique et rétablir les relations diplomatiques dès que possible ». Marco Tarquinio du groupe S&D (centre-gauche) pense que l’UE a un rôle à jouer dans cette transition : « le chemin vers la pacification, la sécurité et la démocratie en Syrie reste encore escarpé. C’est pourquoi l’UE doit s’engager politiquement et diplomatiquement. »

Le renvoi des migrants, la priorité de l’extrême-droite

En ce qui concerne l’extrême-droite, elle fait du renvoi des migrants sa priorité. Jordan Bardella, président du PfE, n’a ainsi surpris personne en déclarant : « La suspension du traitement des demandes d’asile, la liberté accordée aux États concernant le retour des ressortissants syriens et le renforcement des frontières extérieures de l’Europe sont des leviers d’action parfaitement vitaux ». Milan Uhrík du groupe ENS allait aussi dans ce sens : « Tout comme l’Union européenne a aidé ces migrants à entrer sur son territoire, elle devrait les aider à retourner chez eux. […] Laissons-les rentrer chez eux, je pense que ce serait une bonne action ».

Toutefois, sur ce sujet, tout le monde n’était pas du même avis, à l’image de György Hölvényi du groupe PfE qui avait une opinion différente de celle de son président. Il s’était rendu lui-même en Syrie : « Le retour des Syriens dans leur patrie est essentiel pour tous. Mais le pays est en ruines et sa direction est – disons-le – plus qu’ incertaine. […] Dès que les conditions seront réunies, un dialogue devra être engagé avec les acteurs régionaux pour la reconstruction. Sinon, il n’y aura pas de retour possible. ».

Le respect des minorités fut aussi un point important. Certains mettaient l’accent sur la situation des Kurdes de Syrie qui représentent 10% de la population, comme Li Andersson de GUE/ NGL qui défendait que les Kurdes devraient faire partie du futur du pays : « Lorsqu’il sera question de l’avenir de la Syrie, les Kurdes doivent être impliqués en tant que partie prenante ». D’autres ont préféré mettre en lumière la situation des chrétiens d’Orient, comme Alexandre Varaut du groupe PfE (extrême droite) qui a exprimé ses peurs : « Les minorités religieuses, et particulièrement les chrétiens, pourraient être victimes d’un véritable nettoyage sous l’œil ».

« Les réactions à la chute de Bachar sont graves »

Après avoir assisté aux débats, Raphaël Glucksmann, député S&D, nous a confié son dégoût quant aux propos de l’extrême droite : « Les réactions à la chute de Bachar sont graves. On assiste à des liesses populaires, à l’ouverture d’abattoirs humains et on parle de renvoyer les migrants chez eux, de la peur que suscite HTS. Le régime de Bachar c’est 500 000 morts et 12 millions de réfugiés. ».

Nul doute que cet assaut éclair par HTC n’a pas uniquement surpris l’ancien dictateur syrien, comme nous le confirment les réactions éparses du Parlement. Nous l’avons vu avec le PfE qui se contredit ou avec la réaction de Glucksmann.. Désormais, l’Europe va devoir se retrousser les manches pour apporter de l’aide à ce pays.

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