« Commençons à travailler » : La nouvelle Commission européenne a été investie

, par Caroline Laforgue

« Commençons à travailler » : La nouvelle Commission européenne a été investie
Ursula von der Leyen au Parlement européen à Strasbourg. Source : Flickr

Mardi 29 novembre 2019, le Parlement européen a approuvé la nouvelle Commission européenne qui sera l’organe exécutif de l’Union européenne pour les 5 années à venir. La Commission sera présidée par Ursula von der Leyen, ancienne ministre de la Défense allemande et première femme à occuper cette fonction. Elle succède au Luxembourgeois Jean-Claude Juncker.

Un Parlement qui fait prendre son travail au sérieux

C’est la fin de mois de négociations entre les différentes institutions européennes, les États membres et les groupes politiques au Parlement. Pour certains, la nouvelle Commission incarne le renouvellement politique de l’Union européenne. Pour d’autres, au contraire, c’est le résultat de « tactiques politiciennes » et de cette tradition qui consiste à placer au poste de commissaire des personnes qui sont soient peu compétentes, soient potentiellement liées à des affaires de corruption, pour en être « débarrassées » au national.

Et le Parlement européen, voix de la démocratie directe dans l’Union européenne, tient le sort de la Commission entre ses mains : il a le droit de voter en bloc pour ou contre son entrée en fonction, ainsi que de rejeter les candidats qu’il juge inadéquats.

La Commission von der Leyen n’y a pas échappé. En 2019, plusieurs commissaires se sont trouvés pris entre les griffes des députés européens.

C’était le cas de la Française Sylvie Goulard (ALDE), dont l’engagement bien rémunéré pour le think tank américain Institut Berggruen, ainsi que des enquêtes pour emploi fictif d’assistants parlementaires, au même Parlement européen où elle a été députée, posaient des soucis au Parlement. Ce qui a conduit à son rejet et à la nomination de Thierry Breton comme commissaire en charge du marché intérieur par la France.

Les candidatures hongroises et roumaines pour soupçons de corruption ou conflits d’intérêt ont également été rejetées, et ne sont pas même passées en audition, leurs dossiers ayant été rejetés avant.

Un vote risqué

Malgré la validation de toutes les candidatures avant le vote du collège dans son entièreté, la nouvelle Commission n’a pas fait l’unanimité parmi les députés. Moult personnages proposés leur posaient encore des problèmes !

C’est notamment le cas de Mariya Gabriel (PPE, Bulgarie), chargée de « la recherche et la jeunesse », et Dubravka Šuica (PPE, Croatie), chargée de « la démocratie et la démographie », qui avaient toutes deux du mal à expliquer l’origine de leur fortune.

Thierry Breton s’est retrouvé dans une situation similaire pour d’autres raisons. En effet, avoir été PDG de l’entreprise de services numériques Atos pendant dix ans crée potentiellement nombre de conflits d’intérêt puisque Atos comptait des entreprises de presque tous les secteurs possibles parmi ses clients. Des clients avec qui il sera en contact, une fois en charge du marché intérieur à la Commission.

La Commission a finalement trouvé l’appui de la plupart des députés européens des trois grands groupes du parlement que sont le PPE, la S&D et la ALDE. À eux trois, ils forment la majorité nécessaire pour nommer la collège. Plus de cents députés des trois grands groupes n’ont pas soutenu la Commission, qui cependant était défendue par le parti Droit et justice polonais (PiS, groupe Conservateurs CRE) et le Mouvement Cinq étoiles italien, tous deux des partis nationaux. Les Verts se sont, eux, abstenus lors du vote final, et les groupes I&D (Identité et démocratie, extrême-droite) et GUE/NGL (extrême-gauche) ont voté contre.

La Commission a reçu au total 407 votes en sa faveur - plus que la précédente donc. Et beaucoup plus que sa présidente seule, dont la nomination en juillet s’est faite avec un écart de 9 voix seulement.

Ses défis pour l’Europe

La Commission a débuté son travail le 1er décembre, plus de cinq mois après les élections. Un très grand nombre de défis pour l’Europe l’attend : réforme des institutions, changement climatique, disparités sociales, crise migratoire, élargissement des frontières, guerres commerciales, montée des populismes, Brexit, et bien d’autres encore.

Pour Ursula von der Leyen, tout cela semble être source de motivation pour entrer rapidement en action. « Commençons à travailler », avait-elle déclaré déjà pendant son premier discours devant le Parlement. Les années 2020 et 2021 seront déjà l’occasion d’un premier bilan.

Qui sont les commissaires européens ?

Ursula von der Leyen présidera pour 5 ans un organe composé de 26 commissaires, 33 directeurs généraux et à peu près 32 000 employés. Qui fait quoi ?

Des commissaires indépendants

Les commissaires respectifs sont nommés par les États membres et représentent donc les couleurs politiques du gouvernement national. Mais représentant également les couleurs du Parlement européen issus des élections. Néanmoins, à Bruxelles, ils ne sont censés représenter ni des intérêts partisans ni des intérêts nationaux, mais justement être investis pour veiller à l’intérêt général de l’Union européenne.

Avec Ursula von der Leyen à sa tête, les Européens s’habituent à un nom et un visage jusqu’ici peu connu hors d’Allemagne.

… et organisés

La Commission d’Ursula von der Leyen a été restructurée, continuant des réformes déjà entreprises lors du mandat précédent. Les commissaires travaillant sur des secteurs voisins seront regroupés dans des clusters, guidés par les huit vice-présidents de la Commission.

Les postes les plus importants seront ceux de vice-présidents exécutifs. Ils représentent les priorités politiques de la nouvelle Commission pour les cinq prochaines années : Un « Green Deal européen », une « économie aux services des personnes » et « une Europe préparée à l’ère numérique ».

Le Néerlandais Frans Timmermans, Spitzenkandidat des sociaux-démocrates (S&D) pour les élections européennes s’occupera de réaliser le « Green Deal ». Le plan prévoit de réduire les émissions en CO2 et autres gaz à effet de serre pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

La Danoise Margrethe Vestager, Spitzenkandidatin des libéraux (ALDE), et connue au sein de la Commission précédente déjà pour son engagement pour des marchés ouverts contre les monopoles des GAFA, sera en charge de la concurrence dans la réalisation de la stratégie du numérique.

Le Letton Valdis Dombrovskis (PPE), déjà présent dans le collège précédent, sera de nouveau responsable des services financiers. Un enjeu vital même onze ans après la crise financière mondiale.

Parmi les vice-présidents, deux autres postes importants pour l’action extérieure de l’Union sont à mentionner. D’un côté l’Espagnol Josep Borrell (S&D), le successeur de Federica Mogherini, comme Haut représentant de l’UE aux les relations extérieures. Et d’un autre le Grec Margaritis Schinas (PPE) responsable pour un ressort qui inclut entre autres la migration et dont le nom « promotion du mode de vie européen », et non plus « protection », qui avait créé une large polémique récemment.

Parmi leurs collègues, on note des noms connus comme celui de l’Italien Paolo Gentiloni (S&D), ancien premier ministre et respecté dans tous les camps politiques. Il sera en charge de l’économie, ce qui inclut la surveillance des budgets nationaux et la taxation des grandes entreprises multinationales.

Le poste-clé de commissaire pour le marché intérieur agrandi de la responsabilité pour la politique industrielle, le numérique, la défense et l’espace sera occupé par Thierry Breton (sans étiquette), ancien ministre de l’économie française. Le gouvernement français l’a nommé après le rejet de sa première candidate, Sylvie Goulard.

Enfin, l’Irlandais Phil Hogan (PPE), ancien commissaire de l’agriculture sera en charge du commerce extérieur.

Une Commission paritaire

En tout, la nouvelle commission compte 12 femmes, dont sa présidente, et 15 hommes. La parité était le but déclaré de la nouvelle présidente, mais sur ce sujet, elle était dépendante du choix des pays membres de l’Union.

Un élève manquant à l’appel

Le Royaume-Uni n’a finalement pas nommé de commissaire pour succéder à Jonathan Hill, qui a démissionné en 2016 après le référendum sur la sortie de l’Union européenne. Le gouvernement à Londres veut ainsi souligner sa volonté de finalement réaliser le Brexit, pour sortir de l’Union européenne le 31 janvier 2020.

Qui est Ursula Von der Leyen ?

La future présidente de la commission ne faisait pas partie des six têtes de listes, les Spitzenkandidaten, qui ont été présentées par les grandes familles politiques européennes.

Ces têtes de listes correspondent habituellement au choix des personnes que ces familles politiques souhaitent voir au poste de présidente. Cependant, la résistance d’Emmanuel Macron contre la candidature de Manfred Weber, membre du PPE, le plus grand groupe au sein du parlement, et ou encore celle des gouvernements de l’Europe centrale contre la candidate sociale-démocrate ont rendu possible cette nomination, à la surprise même des chefs d’Etat.

Le 2 juillet 2019, le Conseil européen a désigné la ministre de la défense allemande comme future chef de la commission, un choix qui a enragé les défenseurs du principe des Spitzenkandidaten. Ce système est censé offrir plus de transparence au sein des institutions de l’Union européenne.

Toutefois, la presse et les adversaires politiques qui étaient furieux au moment de cette nomination se sont progressivement calmés. Cela peut s’expliquer par le fait que la nouvelle présidente apparaît comme une candidate idéale pour un poste-clé de l’UE, sans même n’avoir jamais occupé de position au sein des institutions européennes.

Fille de l’homme politique et ancien directeur général de la commission européenne Ernst Albrecht, elle est née à Ixelles, un quartier résidentiel de la région Bruxelles-Capitale. Elle parle couramment le français et l’anglais. Diplômée en médecine, mariée au descendant d’une grande famille d’industriels et mère de 7 enfants, elle a été souvent présentée comme la femme parfaite qui sait gérer sa famille et sa carrière en même temps.

En revanche, elle a aussi été vivement critiquée comme appartenant à la grande-bourgeoisie. Elle semblait en effet vivre loin du quotidien des familles nombreuses des classes populaires, et à ce titre, paraissait peu les comprendre.

Membre de l’Union démocrate-chrétien (CDU) comme Angela Merkel, et également comme elle, représentante de positions centristes, elle devient une des proches de la chancelière. Tout d’abord, elle la nomme ministre de la famille entre 2005 et 2009, puis ministre du travail dès 2009, et enfin ministre de la défense à partir de 2013.

A cette position, elle suscite de nombreuses critiques pour son incapacité à améliorer l’infrastructure des armées, jugée insuffisante, un sort qu’elle partage avec nombre de ses prédécesseurs. Elle fait également parler d’elle en raison d’une ordonnance bannissant toute référence à la Seconde Guerre mondiale dans la tradition de l’armée. Cette décision faisait réaction à des activités de l’extrême-droite dans la Bundeswehr.

Si cela a suscité de vives réactions dans l’armée, cette prise de position a été saluée très positivement par la société civile.

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