Depuis la pandémie de Covid-19, les pays européens, quels que soient leur niveau de développement, font face à une forte hausse du nombre de sans-abris (près de 900 000 sans-abris, soit 27% de plus qu’en 2019). Face à cette situation, de nombreuses associations (telles que la Fondation Abbé Pierre ou les associations regroupées dans la FEANTSA, Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans-abris) appellent à s’inspirer d’un pays qui a (presque) résolu le problème du sans-abrisme : la Finlande.
Une dégradation de la situation en Europe
Le rapport du FEANTSA de 2023 souligne une situation de mal-logement “alarmante mais pas nouvelle” : l’Europe fait en effet face à des problèmes de logements depuis de nombreuses années avec une flambée des prix (si les loyers ont augmenté de près de 20% en moyenne depuis 2012, les grandes villes ont subi une explosion) et d’une coupe des dépenses publiques relatives au logement (depuis 10 ans, rapportées au PIB, elles ont diminué de 10% en France, 11% en Allemagne, 21% en Italie, 45% en Pologne,...). Le chômage et l’appauvrissement créés par la pandémie de Covid-19 et l’explosion des prix avec la guerre en Ukraine ont aggravé cette situation : l’équivalent d’une ville comme Marseille dort maintenant dehors en Europe.
Le logement d’abord à l’origine de la réussite finlandaise
Dans un continent où la plupart des pays ont des indicateurs logements dans le rouge, la Finlande semble être une exception : en 1990, près de 17000 personnes étaient SDF dont 3000 sans-abris, aujourd’hui près de 3500 dont 450 sans-abris, soit une division par près de 5 (d’autant plus impressionnante que certains pays européens comme la France ont vu leur nombre de SDF être multiplié par 4 depuis les années 2000).
Conscient de l’enjeu dans les années 1990, le gouvernement finlandais décide alors du premier pilier de sa politique logement : accroître le stock de logements abordables. Pour faire face à un marché de la construction de logements spéculatif (surtout dans les grandes villes), il développe alors le logement social et oblige les développeurs privés à construire au moins 25% de logements abordables. En parallèle, le gouvernement finance aussi la construction d’hébergements d’urgence pour prendre en charge les sans-abris.
Cette première politique du logement porte ses fruits au départ mais, malgré un élan prometteur, l’efficacité de cette politique ralentit et le nombre de SDF stagne. C’est alors que la Finlande élabore son deuxième (et principal) pilier de la politique du logement : la politique du logement d’abord (ou “housing first”). Au lieu d’héberger temporairement des SDF dans des logements d’urgence en attendant qu’ils trouvent leur propre logement (ce qui se révèle pour beaucoup être un parcours du combattant puisque, sans stabilité dans un logement temporaire et en proie à des problèmes psychologiques pour certains, ils ne parviennent pas à trouver un emploi et donc à trouver un logement), la Finlande décide de leur attribuer un logement le plus vite possible, tout en leur offrant un soutien médical, psychologique, financier et en les formant. Cette politique généreuse coûte cher au départ mais les résultats sont là : le nombre de personnes sans-abris diminue fortement. Aujourd’hui, grâce aux économies faites sur les hébergements temporaires (remplacés peu à peu par des logements), la Finlande ne dépense plus que 0,9% de son PIB dans des aides au logement (alors que certains pays comme le Royaume-Uni dépensent 1,4% pour des résultats bien moindres).
Une source d’inspiration pour les autres pays ?
Préconisée par les associations, la politique du logement d’abord s’invite de plus en plus dans le débat public. Cependant, même si les expérimentations se sont révélées efficaces, les mises en place nationales ont eu un impact limité car elles ont été appliquées de manière partielle et/ou ont été accompagnées d’une baisse des dépenses.
Le Danemark a par exemple mis en place une politique de logement d’abord dès 2008 (mais limitée à quelques dizaines de villes jusqu’en 2016) qui n’a pas réussi à freiner la hausse du nombre de SDF (passant d’environ 5300 en 2007 à 6600 aujourd’hui)... surtout parce que les dépenses publiques pour le logement ont été divisées par 3 sur la même période et sont parmi les plus faibles d’Europe (0,1% du PIB).
La France tente également d’appliquer cette politique de logement d’abord mais sur la base du volontariat des collectivités locales (qui sont d’ailleurs très peu soutenues par l’Etat, Lyon ou Marseille n’ont reçu que quelques centaines de milliers d’euros pour mener cette politique à bien) et en parallèle de coupes budgétaires sur les dépenses du ministère du logement.
Le “Housing First” finlandais semble donc avoir été entendu par les gouvernements européens mais si cette politique n’est pas appliquée nationalement ou n’est pas accompagnée d’un sursaut d’investissement, il n’est pas possible d’espérer les mêmes résultats qu’en Finlande, résultats dont auraient bien besoin les 900 000 Européens qui dormiront dehors ce soir.
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