COVID19 : Son impact sur les droits des personnes sourdes d’Europe

, par Laurine Pleignet

COVID19 : Son impact sur les droits des personnes sourdes d'Europe
(Source : EC - Audiovisual Service)

Depuis février 2020, la propagation de la Covid-19 a plongé l’UE dans une crise sanitaire sans précédent. Au fil des diverses mesures prises par les gouvernements européens, les utilisateurs sourds de la langue des signes ont connu plusieurs difficultés .

Sur les plans du droit à la communication et à l’information, de l’accès à la santé, à l’éducation et au travail, c’est tout un environnement qui doit être pensé et adapté pour garantir l’inclusion des personnes porteuses de ce handicap. L’Union européenne des sourds (EUD) a produit un document de synthèse en anglais pour fournir des recommandations à tous les gouvernements d’Europe, en suggérant des exemples d’efforts à fournir et en soulignant les défauts des pratiques mises en place dans les pays cités. L’EUD a demandé aux gouvernements de tous les États membres de l’UE plusieurs recommandations.

Les recommandations de L’EUD

L’EUD a ainsi suggéré de placer les associations nationales de sourds et autres organisations au cœur même des organes de prise de décision en matière de préparation et de gestion de crise. Elle souligne que toutes les informations et communications relatives aux situations à risque devraient être accessibles en langue des signes nationale, et ce sans délai. Il existe des alternatives pour garantir le droit à la communication pour tous, comme les masques transparents qui permettent aux personnes sourdes et malentendantes de pouvoir continuer à lire sur les lèvres de leurs interlocuteurs, et garantissent ainsi le plus haut niveau de sécurité.

C’est encore plus essentiel en ces temps de pandémie : le document souligne l’importance de l’accès, en présentiel et/ou à distance, à des professionnels de santé maîtrisant la langue des signes. Quant aux apprenants sourds, ils devraient avoir accès à l’éducation en langue des signes. Les personnes sourdes occupant un emploi doivent continuer de bénéficier d’aménagements raisonnables pendant les situations à risques, comme la présente pandémie. Idéalement il faudrait que les mesures destinées à y répondre aient un impact le plus limité possible sur le quotidien des personnes sourdes au travail.

Les efforts et les défauts en situation d’urgence en fonction des droits

L’EUD a reconnu les efforts déployés par les pays de l’UE. Toutefois, beaucoup d’entre eux ont fait défaut aux droits des sourds.

16 pays de l’UE, comme l’Autriche, la Belgique, la Croatie, la France, l’Allemagne, ou encore Chypre ont accru le nombre de leurs informations et communications traduites en langue des signes, et la qualité de ces dernières. D’après le Danske Doves Landsforbund, une association danoise, davantage de personnes se sont inscrites en cours d’apprentissage de la langue des signes au Danemark.

Pourtant, 12 pays, parmi lesquels l’Estonie, le Danemark, ou encore l’Irlande n’ont pas respecté cela, malgré l’urgence de la situation. Les personnes sourdes ont dû redoubler d’efforts pour obtenir un accès égal aux informations sur la Covid-19. A titre d’exemple, nous pouvons citer les Pays-Bas où un homme sourd a effectué une campagne et se tenait derrière un journaliste avec un panneau qui disait ’’ Où est l’interprète en langue des signes dans cette situation de crise ? ’’

Les informations restent insuffisantes et de mauvaise qualité dans 9 pays. En Allemagne, les informations ne sont devenues accessibles aux personnes sourdes que deux mois après le début de la tenue d’importantes conférences de presse. En matière de santé, Deaf Flanders, une association belge a dû contacter les hôpitaux pour rappeler que l’absence de service d’interprétation en langue des signes était un motif de discrimination contraire à la loi nationale.

Le rapport de l’EUD montre que si dans certains pays les personnes sourdes ont accès à une bonne communication tout en recevant un traitement dans les hôpitaux et soins de santé, la France et d’autres pays instaurent des règles strictes interdisant aux patients de se faire accompagner par un proche. Certains hôpitaux n’ont pas permis à un interprète d’accéder à l’intérieur des bâtiments avec les personnes sourdes qu’il fallait soigner.

En ce qui concerne le domaine de l’emploi, on peut observer une augmentation du chômage, dont le taux chez les personnes sourdes est passé de 6,5% en février 2020 à 7,2% en juillet 2020 dans l’Union européenne. Les effets de cette situation sur la santé mentale des personnes touchées se font par ailleurs déjà sentir. En Lituanie, de nombreux parents atteints de surdité ont ainsi eu du mal à trouver un équilibre entre l’enseignement à domicile et leurs obligations d’emploi pendant le confinement.

Pendant cette période, les sourds ont été confrontés à plus de discrimination pour entrer sur le marché de travail. Les discriminations peuvent porter sur leurs handicaps où ils sont exclus par rapport aux masques. Ils ne comprenaient pas ce que les personnes entendantes leurs disaient puisqu’avec les masques les sons sont étouffés, plus lointains et moins clairs, il ne peuvent pas combler cela avec la lecture labiale, pour ceux qui n’ont pas le masque transparent et même malgré cela, ils font de la buée.

Pour aller plus loin

Depuis le début du confinement, et l’obligation de porter un masque sur le nez et la bouche, les sourds n’ont plus la possibilité d’effectuer la lecture labiale. En langue des signes, les mimiques du visages sont également très importantes pour chaque mots signés, les masquer perturbe grandement la communication.

En ce qui concerne les contrôles policiers en France, fréquents pendant le confinement ou le couvre feu, il n’était pas non plus facile pour les personnes sourdes d’échanger avec les policiers. Ceux-ci ne connaissent en général pas la langue des signes et qu’il n’y a pas d’interprète avec chaque policier ou chaque sourd.

Des pratiques prometteuses ont été mises en place par des associations de sourds pendant la pandémie de Covid-19, ainsi que par les gouvernements des pays de l’UE.

Il est nécessaire que chaque pays d’Europe continue ses efforts, et prête une oreille attentive aux recommandations qu’il n’aurait pas suivies. L’EUD suit de très près cela en se faisant le relais des associations de surdité de toutes l’Union européenne. Les personnes sourdes vont continuer à déployer leurs efforts pour faire respecter leurs handicaps mais aussi pour que chacun ait droit à un avenir serein et égalitaire par rapport aux entendants. Nous pouvons également nous poser les questions suivantes : y a-t-il d’autres obstacles ? Comment y faire face ? Comment les sourds arrivent-ils à surmonter ces épreuves ? Mais aussi comment les aider ?

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