L’événement perturbateur
Le contexte ne prêtait déjà pas au consensus : le 14 décembre, le service de presse de la Diète annonçait la modification de l’organisation du travail des journalistes, les déplaçant dans un autre bâtiment, limitant ainsi le nombre de correspondants parlementaires à deux par rédaction, ou encore leur interdisant d’enregistrer les débats de la Diète. Cette restriction du travail journalistique a fortement été critiquée par différents médias nationaux.
La crise a éclaté deux jours plus tard, lorsqu’un député du parti Plateforme Civique (PO), Michał Szczerba, a été exclu des débats sur le budget de l’Etat de 2017 alors même qu’il tentait de prononcer son discours devant la Chambre basse. Szczerba, avant de prendre la parole, avait placé l’inscription « Médias libres dans la Diète » (acte de protestation contre le projet visant à restreindre la liberté de presse) sur son pupitre - le maréchal de la Diète Marek Kuchciński l’a alors rappelé à l’ordre. Lorsque le député de l’opposition a commencé à parler, le maréchal de la Diète a finalement déconnecté son micro et lui a demandé de quitter la salle.
Les péripéties de la nuit du 16 au 17 décembre
Les événements qui ont suivi n’ont fait qu’approfondir les divisions qui existaient déjà entre le parti au pouvoir et l’opposition : les députés des partis Plateforme Civique (PO) et .Moderne (.Nowoczesna) ont encerclé le podium de la Diète en exigeant le retour de leur collègue, mais leur demande a été rejetée. Plus tard dans la soirée, les parlementaires du parti au pouvoir Droit et Justice (PiS) ont poursuivi la séance dans une autre salle et y ont adopté le budget de l’Etat pour l’année 2017. Sauf que les journalistes n’ont pas été autorisés à entrer dans la salle et l’appel a été fait une fois la séance terminée, donc personne ne peut confirmer si un nombre suffisant de députés (il en aurait fallu au moins la moitié, à savoir 230) était présent lors du vote. L’opposition conteste donc la légalité de cette séance parlementaire, et cela d’autant plus qu’une députée désignée pour compter les voix et marquée présente se trouvait en réalité en dehors de la salle.
Manifestations
Les députés de l’opposition ont diffusé en direct le déroulement des travaux parlementaires sur les réseaux sociaux. Les membres du Comité de défense de la démocratie (KOD) se sont rassemblés devant la Diète pour manifester. Les manifestations se sont étendues à toutes les grandes villes le lendemain. D’un conflit parlementaire, voilà que les tensions se transforment à nouveau en un conflit de plus grande ampleur – la Pologne est partagée en deux camps.
Des conférences de presse aux déclarations
Le maréchal de la Diète Marek Kuchciński a par ailleurs interdit l’accès à la Diète aux journalistes ; seuls ceux dotés d’un badge spécifique peuvent désormais s’y rendre. D’après un communiqué officiel, il est de nouveau possible d’entrer dans la Chambre basse depuis le 20 décembre - dans les faits, les journalistes n’ont toujours pas accès à leur salle d’observation habituelle, et les députés n’ont plus le droit de recevoir de visiteurs.
La communication du gouvernement a elle aussi changé de forme. Pour répondre à la crise parlementaire, les principaux acteurs politiques du parti Droit et Justice (PiS) ont fait une déclaration mardi dernier : ils ont d’abord évoqué l’idée d’institutionnaliser l’opposition pour éviter que ce genre de crise se reproduise, puis ils ont critiqué l’attitude des députés qui bloquent la tribune de la Diète ainsi que la façon dont les médias transmettent les informations. Il faut souligner qu’il s’agissait d’une déclaration et non pas d’une conférence de presse : après leur discours public, ils ont quitté la salle sans répondre aux questions des journalistes.
Les fêtes de fin d’année – un élément de résolution ?
Les députés de l’opposition comptent occuper la tribune de la Diète jusqu’à la prochaine session parlementaire du 11 janvier. Les deux parties du conflit espèrent que les choses se calmeront d’ici-là, d’autant plus que les festivités approchent - on oublie a prori les disputes politiques pour passer quelques jours en famille. La crise parlementaire sera-t-elle atténuée par les fêtes ? Ou reprendra-t-elle de plus belle après une « Trève de Noël » ? Pour mettre fin au conflit, il faudrait sans doute autre-chose : un minimum de débat, et de préférence… dans les médias.
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