Chacun des candidats a l’occasion de s’exprimer pendant quelques secondes. A chaque fois que la journaliste s’adresse à eux, poliment, nous les voyons déglutir comme pour lancer le plus rapidement et le plus justement possible une formule apprise par cœur. Guy Veorshtadt tente un énervement contenu, un agacement maîtrisé. Martin Schultz, inexpressif tente de ravaler ses contradictions. Jean Claude Juncker nous dit qu’il souhaite aider les pauvres, avec le même émoi que lorsqu’il déclame que l’Europe a bien assez supporté la Grèce. Dans cet enchevêtrement de propos techniques, politicard, je comprends pourquoi l’Europe dite « de Bruxelles » ne parle pas. Je dis qu’elle ne parle pas, parce que je ne pense pas qu’elle ne parle plus. Elle n’a jamais été rendue assez accessible pour permettre aux citoyens de devenir les maîtres des traités. Je suis donc surprise de m’engluer dans des propos dont le destinataire n’est jamais prononcé. Cet européen, cet individu, s’efface devant le montant de la dette européenne ou le traité TTIP.
Dans cet ensemble un peu morne, une voix s’élève un peu plus clairement. Ska Keller, plebiscitée pour représenter les Verts européens, parle dans notre direction. Elle parle de moi, de nous, simplement. Elle nous inclus dans chacune de ses phrases et nous communique son espérance pour l’Europe. Les pieds fermement plantés dans le sol, elle vient pour nous représenter sans faux semblant. Elle explique qu’une Europe en pleine expansion, doit avoir un visage. Sûre d’elle et jamais arrogante, elle reprend à la volée les incorrections de Martin Schultz. Si d’aucun peuvent lui reprocher sa jeunesse, Eschyle éminent poète tragique grec, nous apprenait que la vraie sagesse est de ne pas sembler sage. Nous ne voulons pas rester sages et vissés au conformisme qu’imposent les autres candidats dans leur conception de l’Europe ! Ainsi, l’énergie et l’argumentaire audacieux de Ska, apportent un renouveau à une Europe peuplée par de vieux dinosaures, hantée par les fantasmes d’un nationalisme qui résoudrait tout, perdue aux confins d’institutions sous estimées. J’assiste à ce spectacle, en espérant surtout une chose : qu’en 2019, nous soyons des millions à regarder ce débat.
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