Des débuts, des débats et des bilans : L’essentiel de la session plénière du 21 au 24 octobre 2019

, par Jérôme Flury

Des débuts, des débats et des bilans : L'essentiel de la session plénière du 21 au 24 octobre 2019

Au cœur de la session plénière du Parlement européen d’octobre 2019, les députés européens ont écouté les adieux de Jean-Claude Juncker, le rapport de la Cour des Comptes ou encore les conclusions du Conseil européen. Mais ils ont également été actifs, échangeant autour des récentes opérations militaires turques aux portes de l’Europe, tout comme sur les négociations d’adhésion avec la Macédoine du nord et l’Albanie.

Les conclusions du Conseil européen présentées

Les 17 et 18 octobre s’est tenu un Conseil européen, dont les conclusions ont été données au Parlement le 22 octobre. Donald Tusk, le président du Conseil européen a rapidement présenté les trois points majeurs abordés lors du sommet.

Il a commencé par rappeler que les 28 condamnent l’intervention militaire unilatérale menée par la Turquie en Syrie (voir ci-dessous), en rappelant la solidarité de l’institution européenne avec Chypre, « qui fait face à des forages turcs sur ses côtes ». Pour un Brexit ordonné, les leaders ont approuvé l’accord trouvé les jours précédant la réunion. Enfin, la question de la négociation préalable à un élargissement de l’Union à la Macédoine du nord et à l’Albanie a été posée. L’unanimité requise n’a néanmoins pas été atteinte. Cette décision est « une lourde erreur », a insisté Jean-Claude Juncker, président sortant de la Commission, justifiant ses dires par un nécessaire « respect des promesses ».

Pendant plus de deux heures, les députés européens ont discuté autour des questions d’avenir, les priorités de la nouvelle Commission, la lutte contre changement climatique et l’enjeu d’une transition socialement juste. Il s’agissait de la dernière apparition de Donald Tusk avec Jean-Claude Juncker.

L’heure du bilan pour la Commission Juncker

Il est arrivé derrière le pupitre, chaleureusement applaudi. Jean-Claude Juncker aura connu une mandature des plus complexes, avec le Brexit et les tensions internationales accrues. Le président sortant a débuté son discours en remerciant le Parlement pour sa confiance, et en saluant le travail de « son frère jumeau » Donald Tusk. L’émotion était palpable au fil des phrases du Luxembourgeois, qui n’a pas manqué de souhaiter bon courage à Ursula von der Leyen. Il s’est félicité de ses résultats, dont le chiffre de 73,9% d’occupation professionnelle dans l’Union européenne (UE), les performances du "plan Juncker", et les 15 accords commerciaux conclus qui permettent à l’Union de représenter 40% de la richesse globale actuelle. Enfin, il s’est également réjouit du maintien de la paix au sein de l’Union, à l’heure où pas loin de 60 guerres ont lieu dans le monde. Néanmoins, Jean-Claude Juncker s’est déclaré déçu de ne pas avoir atteint d’avancée significative sur plusieurs sujets, dont la réunification chypriote, de ne pas avoir négocié d’accord avec la Suisse et finalement de ne pas avoir réussi à finaliser l’union bancaire.

Parmi les réactions, Manfred Weber (PPE), issu du même groupe politique que le président de la Commission, a salué la faculté de ce dernier à toujours trouver des compromis. Dacian Ciolos (Renew), l’a félicité pour le maintien de l’unité européenne, tandis que Philippe Lamberts (Verts/ALE) a approuvé les avancées sociales, mais a contrasté son bilan en critiquant les accords de libre-échange, néfastes pour l’environnement, et les promesses non tenues sur l’interdiction de l’utilisation des OGM. D’autres eurodéputés se sont montrés critiques, comme Manon Aubry, dénonçant les récents « Panama Papers » et autres « LuxLeak » et regrettant le « raté » du salaire minimum européen, encore non existant. Ryszard Legutko (ECR) a déclaré que la Commission avait une part de responsabilité dans le Brexit, tandis que Marco Zanni (ID) a insisté sur la situation migratoire qui demeure non résolue, le retard de croissance de l’Union européenne ainsi que les investissements promis qui n’ont pas été à la hauteur.

Les opérations militaires turques condamnées

La condamnation par le Conseil de l’Union européenne de l’attaque turque en Syrie trois jours plus tôt a suscité une large unanimité au sein du Parlement européen, mais les réactions à adopter ont bien entendu varié en fonction des groupes politiques. Michael Gahler (PPE), fait partie des députés européens exigeant le retrait de troupes, le blocage de la procédure d’admission de la Turquie au sein de l’UE, et enfin des sanctions économiques ciblées afin d’éviter au maximum de toucher les civils. Malik Azmani (Renew) et Tineke Strik (Verts/ALE) ont, eux, rappelé le triste nombre de 200.000 Syriens forcés de quitter leur pays, et ont exprimé leur crainte face à un éventuel retour de l’« État Islamique ».

Lars Patrick Berg (ID) n’est pas surpris que le cessez-le-feu n’ait pas été respecté et critique la trahison de « nos alliés kurdes » par l’Union. Les eurodéputés de la GUE, quant à eux, ont qualifié de « répugnante » la déclaration de Donald Trump, le président des États-Unis, sur les « enfants qu’on laisse se battre avant de les séparer », avant de se demander où est l’embargo d’armes vis-à-vis de la Turquie (1), et enfin d’appeler à prendre des mesures économiques pour la sanctionner.

La Cour des comptes présente son rapport

Avant de voter le budget de l’année à venir, les eurodéputés ont pu échanger avec Klaus-Heiner Lehne, le Président de la Cour des comptes européenne et le commissaire européen Günther Hermann Oettinger sur la manière dont les fonds européens ont été dépensés en 2018. Comme l’a expliqué Klaus-Heiner Lehne, la Cour a relevé un taux d’erreur de 2,6 %, signifiant que 2,6 % des paiements n’auraient pas dû être fait au titre de l’Union européenne, ne correspondant pas aux dispositions des textes légaux de l’Union. Pour la troisième année consécutive, la Cour des comptes a donné une assurance partielle aux dépenses de l’UE. « Il s’agit d’un signe encourageant de voir que la Commission et les Etats membres ont fait des progrès. Mais certains secteurs encore préoccupants car ils présentent des risques », a estimé Klaus-Heiner Lehne.

Ouverture des négociations d’adhésion avec la Macédoine du Nord et l’Albanie

Comme l’a expliqué Monika Hohlmeier (PPE) mardi 22 octobre, son rapport sur le budget 2020 de l’Union européenne entend mettre des accents sur le climat, la recherche, la sciences et l’innovation sur les nouvelles technologies ainsi qu’un renforcement de la compétitivité et des échanges. L’ensemble du rapport, amendé, a été largement adopté dans l’hémicycle, avec 529 pour, 130 contre et 43 abstentions. Ce vote ouvre trois semaines de négociations avec le Conseil, et l’objectif de voter le budget au cours de la prochaine session plénière, qui se tiendra du 25 au 28 novembre.

Budget de l’Union pour 2020

Au cours du dernier Conseil européen, les chefs d’Etats et de gouvernements ne sont pas parvenus à se mettre d’accord sur le lancement de la procédure d’adhésion. Tytti Tuppurainen, présidente du Conseil, a affirmée être « profondément déçue » de ne pas avoir trouvé d’unanimité sur cette décision. « C’est un véritable revers pour le rôle que peut jouer l’UE dans les Balkans », mais cela ne signifie pas pour autant la fin des discussions. Les eurodéputés dans leur ensemble ont également dénoncé un manque de cohérence de l’Union, dont les institutions depuis des mois promettent une ouverture que les États membres refusent. En revanche la fin du mandat du commissaire à l’Élargissement Johannes Hahn, insistant sur la nécessité d’avoir des encouragements et de l’honnêteté vis-à-vis de ces deux États candidats, qui « ont fait ce qu’on leur a demandé de faire » n’est pas forcément bon signe pour l’élargissement de l’UE. Le nouveau commissaire hongrois qui aurait du récupérer cette mission a été refusé par le Parlement.

Le prix Sakharov 2019 attribué

Le Parlement européen a annoncé jeudi 24 octobre que le prix Sakharov 2019 revenait à l’ancien professeur d’économie Ilham Tohti. Ce dissident ouïgour de 49 ans avait été arrêté à son domicile en janvier 2014. Il a été condamné à perpétuité en septembre de la même année, pour séparatisme, au Xinjiang, dont il est originaire. Dès l’annonce de sa nomination pour ce prix le 9 octobre, la Chine avait accusé le Parlement européen de « soutenir le terrorisme ». Aucune information sur l’état de santé du prisonnier n’a été diffusée ces dernières années.

Le Prix Sakharov existe depuis 1988 et récompense une personnalité ayant apporté « une contribution exceptionnelle à la lutte pour les droits de l’homme dans le monde ». Il sera remis le 18 décembre au Parlement de Strasbourg à l’issue d’une cérémonie.

La faillite de Thomas Cook

Sa chute avait fait grand bruit : la faillite de la compagnie aérienne Thomas Cook a fait l’objet de discussions lundi 21 octobre. Les députés européens ont insisté sur les aides à mettre en place en termes de rapatriement pour les usagers, qui étaient plus de 600.000 à se retrouver sans solution. L’occasion de débattre sur le tourisme, un secteur « nécessitant une stratégie européenne afin de faire face aux défis de la numérisation », comme l’a souligné Rosa Estaras Ferragut, membre du PPE. Cette crise a rappelé la nécessité de se coordonner dans le domaine, qui emploie 25 millions de personnes dans l’Union.

Mais pas que...

Débat d’actualité sur l’urgence climatique, lutte contre la discrimination et débats sur les cas de violations des droits de l’homme dans le monde étaient également au programme de la semaine qui a constitué une séance plénière de transition. L’exécutif européen sera prochainement renouvelé et la nouvelle mandature va certainement accélérer sur plusieurs dossiers.

(1) Le Conseil de l’Union européenne réuni en format Affaires étrangères, le 14 septembre, a publié des conclusions qui engagent les États membres à stopper les licences d’exportation d’armement par les États membres et non un « embargo » pour des questions juridiques liées à l’adhésion de certains États membres à l’OTAN

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