Ce début d’année étant marqué par les vœux, les fédéralistes français formulent les souhaits les plus fervents pour une réelle prise en compte des élections européennes par les partis politiques français.
Les informations parues dans la presse quant à la désignation des candidats aux prochaines élections européennes soulèvent de sérieuses inquiétudes qui ne laissent pas entrevoir une issue favorable à une bonne représentation de nos concitoyens au Parlement européen.
Les premières données sur les listes en préparation ont suscité ce commentaire d’un membre de l’assemblée nationale, ancien député européen évincé par son parti en 2009 : Les listes européennes ont trois fonctions : le repêchage de ceux qui ont perdu et que l’on considère comme des beautés divines, l’attente de meilleure fortune pour les grands de ce monde et, la gratification pour les courtisans.
Ce commentaire, autant ironique que sévère sur cette triste spécificité bien française, nous conduit à vous poser trois questions :
- L’avenir économique et mondialisé est-il si peu important pour vous que vous négligiez la dimension européenne, seule voie pour la France de maintenir son rang ?
- Le Parlement européen ne serait-il qu’une source alimentaire et un refuge provisoire pour certains invisibles du travail législatif ?
- Les citoyens seraient-ils si peu intéressants que vous négligiez de les représenter dignement ?
Vous prétendez défendre les intérêts de la France alors que, par votre attitude, votre pratique, votre inconséquence, vous la rayez progressivement du principal lieu où s’exerce le pouvoir démocratique de l’Union européenne : le Parlement européen !
Cette assemblée va jouir de nouveaux pouvoirs issus du traité de Lisbonne et de décisions récentes sur la mise en place de l’Union bancaire. Il importe donc d’envoyer au Parlement européen des femmes et des hommes qualifiés, connaissant les dossiers, maîtrisant au moins une langue, autre que la leur et décidés à se consacrer à plein temps à leur mandat ainsi que d’en rendre régulièrement compte aux citoyens. En Allemagne, en Pologne, en Espagne, au Royaume-Uni… les partis ont monté de véritables écoles de préparation pour leurs candidats.
Au mois d’octobre dernier, le Cercle de l’Industrie a publié une note à l’attention des décideurs politiques intitulée : Renforcer la voix de la France au sein du prochain Parlement européen. Cette note souligne l’intérêt d’avoir des députés influents, travaillant dans les commissions stratégiques et ayant devant eux le temps utile à une bonne maîtrise de la pratique législative européenne.
Le Parlement européen est la seule assemblée au monde qui rassemble des femmes et des hommes de vingt-huit nationalités qui, par un contact quotidien apprennent à rapprocher leur point de vue, à mutualiser leurs bonnes pratiques, à harmoniser la vie commune de 508 millions de citoyens.
Travailler dans une enceinte ouverte à tant de diversité culturelle, linguistique et juridique nécessite un investissement permanent ; c’est un apprentissage long qui demande beaucoup d’attention et de travail assidu, qui appelle à nouer des liens stratégiques entre députés et qui implique une capacité d’adaptation et de mobilité importante.
Alors, comment imaginer que cette intégration puisse être réalisée avec des élus qui auront les yeux constamment tournés vers Paris et qui utiliseront les moyens mis à leur disposition pour n’exister que sur le plan national ?
Nous attendons autre chose des partis politiques, notamment :
- Qu’ils reconduisent les députés européens qui ont bien rempli leur mandat et qui ont le désir de le renouveler, considérant que nous en avons de talentueux dans les différents groupes ;
- Qu’ils évincent ceux qui n’ont pas fait honneur à leur mandat par leur absentéisme et leur inaction ;
- Qu’ils désignent de nouveaux candidats compétents et motivés, ayant une légitimité géographique dans la circonscription où ils se présentent.
Il vous appartient de veiller à la mise en œuvre de ces objectifs sans quoi vous donneriez une prime à celles et ceux qui veulent faire de cette élection un levier contre la construction européenne et pour un repli frileux sur le village gaulois, avec toutes les conséquences néfastes que cela entraînerait pour la France, pour l’Europe, pour le monde.
Placer des ministres, d’anciens ministres et autres parlementaires nationaux déchus en première position, c’est prendre le risque, à nouveau, d’un débat purement national, passant à côté de l’essentiel : l’Europe. Or, il n’y a pas de salut sans une réforme radicale et une intégration poussée de l’Union. Vous devriez le savoir.
Ne pas comprendre cela et maintenir les choix faits ou en cours est une faute lourde dont vous serez comptable !
Ne commettez pas l’irréparable, la France et l’Union européenne valent que vous désigniez les meilleurs. La démocratie mérite l’excellence, pas la médiocrité.
En espérant vivement que nos souhaits ainsi formulés soient, par votre formation exaucés, nous vous assurons, monsieur le président, de nos courtoises salutations.
1. Le 17 janvier 2014 à 19:19, par catherine En réponse à : Désignation des candidats aux élections européennes : lettre ouverte aux partis politiques français
Le Nouvel Observateur a publié le 15 décembre 2013 un article « Moi, député européen, je serai... » qui portait sur ce qu’est un bon député européen, à l’heure où certaines désignations pour les élections européennes faisaient polémique. En tant que candidat, nous souhaitons connaître votre position sur les questions qui suivent ?
– Les candidats ne devraient-ils pas avoir exercé dans le domaine européen, par exemple à la Commission des affaires européennes à l’assemblée nationale ?
– Que pensez-vous de la pratique allemande pour la désignation des candidats au Parlement européen ? un député fait en général trois mandats. "Lors du premier, le député apprend son mandat, le second il l’exerce, et le troisième il forme son successeur", déclare Corine Lepage.
– Un eurodéputé doit-il être polyglotte ? Jean-Louis Borloo jugeait que cela est nécessaire pour être de ceux qui comptent, d’autant que tous les groupes de travail se déroulent en anglais. Ou faut-il bien comprendre ses propres besoins et s’assurer que l’interprétation/la traduction est disponible en temps utile ? n’y a-t-il pas un lien avec la question précédente ?
– l’assiduité des députés est un gage de crédibilité pour l’institution. Vous engagez vous à siéger effectivement ?
– Avez-vous connaissance du rapport annuel de la Commission européenne sur les relations entre la commission européenne et les parlements nationaux (dites « dialogue politique » ( http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2013:0565:FIN:FR:PDF) ? Qu’en pensez-vous ?
– les enjeux européens doivent être prioritaires, même s’ils ne sont pas toujours bien compris par les électeurs ; comment envisagez vous de porter ces enjeux auprès d’eux ?
– Quelles sont les raisons pour lesquelles, selon vous, il faut aimer le mandat d’eurodéputé et s’impliquer ?
– Comment assurer que les enjeux européens, plutôt que nationaux, priment lors de la désignation des candidats ?
– On dit souvent que les députés européens perdent la visibilité médiatique. Pourtant, certains députés français ont su valoriser leur action à Bruxelles et se faire connaître en France, précisément parce qu’ils avaient fait au PE. Etes-vous prêt à œuvrer à cette visibilité et à pallier à cette situation ?
2. Le 17 janvier 2014 à 20:22, par tnemessiacne En réponse à : Désignation des candidats aux élections européennes : lettre ouverte aux partis politiques français
Très intéressantes questions
Pour la première je ne pense pas car ça restreint la liberté de se présenter. Si seulement ceux qui ont été élus/nommés à la Commission Europe de l’Assemblée Nationale peuvent se présenter ça nous ferait une centaine de prétendants, c’est pas beaucoup.
Pour la pratique allemande, à moins d’avoir été assistant parlementaire, tous les députés qui débutent ont un temps d’adaptation. C’est un état de fait je pense. Il y a la culture européenne parlementaire qui s’apprend sur le tas.
Après je ne pense pas qu’il doit être polyglotte ça limite le nombre de candidats, ce n’est pas trop égalitaire. Les langues peuvent s’apprendre en exerçant son mandat.
Par contre j’approuve le fait de s’engager à siéger devant ses électeurs. Comme en France d’ailleurs. Très bonne idée. Mais bon un/une député(e) peut être très influent et ne pas avoir une disponibilité totale.
Comment porter les enjeux européens, très intéressant aussi mais c’est pareil pour les municipales, parlent-t-on vraiment de manière intelligible, parle-t-on des projets concrets pour la ville ? être intelligible est aussi une question de talent.
Concernant la nécessité d’aborder des sujets européens, c’est le travail des politiques. Par exemple les politiques français ont une culture politique basé en grande partie sur des questions de personnes. Il serait bien de citer des hommes politiques européens non français et faire réagir les hommes politiques français ou européens qui se présentent en France, si ils le peuvent. Il me semble puisque Berlusconi veut se présenter en Estonie il me semble.
Il suffirait de saisir les éléments de langages de la politiques française et remplacer les mots culturellement français par des mots culturellement plus européens.
3. Le 19 janvier 2014 à 22:15, par Chloé Fabre En réponse à : Désignation des candidats aux élections européennes : lettre ouverte aux partis politiques français
Bonjour, Merci beaucoup de soulever ces questions intéressantes. Toutefois, Alain Réguillon et moi-même ne sommes pas candidat aux élections européennes.
L’expérience sur les questions européennes peut s’acquérir de manière très diverse, dans la vie professionnelle, associative, par intérêt personnel. L’expérience d’ancien député national ne doit pas être un pré-requis qui fermerait la porte à de jeunes candidat-e-s motivé-e-s. Par contre, capitaliser l’expérience acquise au Parlement est essentiel. En ne faisant qu’un seul mandat, nos représentants n’ont pas le temps de se faire connaître et d’avoir une influence auprès de leur collègue, ils n’ont pas le temps de développer des relations de long termes avec les différents acteurs. Il faut que les partis permettent aux députés qui ont travaillé pendant 5 ans de se représenter devant les électeurs pour continuer leur travail.
Le fait de parler au moins une autre langue est évidemment un atout, qui est précieux pour pouvoir interragir de manière informelle avec les députés des autres pays et ne pas rester seulement entre français. Toutefois, certains députés ont fait un excellent travail, reconnus par leur pairs, sans parler plusieurs langues.
Les députés européens jouent un rôle de courroie de distribution entre les débats au sein du Parlement, et la société civile, leur circonscription. Les Parlements nationaux jouent un rôle important dans la mise en place des politiques européennes (transposition des directives, notamment). Il est donc intéressant qu’un dialogue s’établisse entre les législateurs (les députés européens) et les députés étatiques chargés de mettre en oeuvre les orientations, afin qu’ils comprennent mieux les enjeux, et puissent à leur tour les expliquer aux citoyens.
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