Élargissement de l’Union européenne
Le chancelier allemand a annoncé son soutien à l’élargissement de l’UE dans les Balkans occidentaux, et aux candidatures des pays comme l’Ukraine, la Moldavie ou « à terme » la Géorgie. Le chemin de leur entrée dans l’UE est semé d’embûches : on ne peut faire entrer l’Ukraine dans l’Union alors qu’elle combat une guerre sur son sol. La Moldavie et la Géorgie ont sur leurs territoires internationalement reconnus des républiques séparatistes. Quels enjeux pour l’UE si ces conflits reprenaient une fois ces États membres de l’Union ? Faudrait-il des aménagements sur la clause dite « d’assistance mutuelle » en cas d’agression d’un État membre ? Les conflits sont ici parfois anciens et déjà connus, on ne peut les ignorer.
En outre, l’entrée dans l’Union européenne est soumise à des critères et des réformes structurelles peuvent être nécessaires. N’oublions pas qu’en 2021 la Moldavie était 105e sur 180 pays dans l’indice de perception de la corruption de l’ONG Transparency International, l’Ukraine 122e. Les pays des Balkans occidentaux reconnus comme candidats sont dans le même cas : l’Albanie est 110e dans ce classement , la Serbie 96e et la Macédoine du Nord 87e. Une entrée de ces pays dans l’UE et le marché commun peut fragiliser la structure européenne si aucun changement n’est effectué dans ces pays.
Réforme structurelle de l’Union
Dans son discours, Olaf Scholz s’est aussi prononcé pour une refonte du fonctionnement de l’Union européenne, ne pouvant fonctionner avec 36 états membres comme si elle en avait 27. Il souhaite que les décisions soient prises à la majorité des états-membres et non plus à l’unanimité pour les questions de politique étrangère ou de fiscalité. Afin d’éviter de léser les plus petits pays de l’Union, le chef du gouvernement allemand voudrait maintenir un commissaire par État membre. Dans sa logique, il y aurait une Commission européenne avec 36 membres.
Cela semble difficilement fonctionnel : à l’heure où l’on veut simplifier le fonctionnement de l’Union, augmenter le nombre de commissaires semble-t—il être une bonne idée ? Abolir le droit de veto des États membres peut inquiéter les plus petits pays de l’Union (on peut les comprendre, ils risquent de perdre toute influence sur les décisions de l’UE), et leur retirer le droit d’avoir un commissaire par État serait le meilleur moyen de s’assurer de leur opposition. Mais le droit de veto est aussi une garantie pour plusieurs pays comme pour la France avec son secteur de l’armement, qui pourrait être mis en cause par d’autres pays. On peut louer son envie de réforme, mais elle ne doit pas s’aliéner les États de l’Union.
Défense européenne
Bien que, selon lui, l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) reste le « garant de notre sécurité », il a annoncé son soutien à une défense européenne, notamment avec la création d’un conseil des ministres de la défense de l’UE, une force de réaction rapide de l’UE d’ici 2025 et un système de défense aérienne. Si l’idée de ne plus avoir des systèmes d’armements différents dans l’Union peut être une bonne idée, elle n’est pas nouvelle : de nombreux outils ont déjà été créés au sein de l’UE, comme avec l’Agence européenne de défense (AED), le Fonds européen de la défense (FED) porté par le commissaire Thierry Breton, ou encore l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement (OCCAr).
Que propose-t-il de plus mis à part utiliser les outils déjà existants ? Surtout, le chancelier allemand n’hésite pas à soutenir des propositions heurtant les intérêts français : il appelle à revoir « toutes les réglementations nationales, notamment celles qui concernent l’utilisation et l’exportation des systèmes fabriqués en partenariat ». Cette proposition vise les pays qui exportent des armes. C’est notamment le cas de la France, et une réglementation stricte pourrait faire entrer en crise le secteur de l’armement, industrie stratégique française.
Des chances d’aboutir ?
Comme le discours de la Sorbonne d’Emmanuel Macron en 2017 n’a pas été suivi d’effets, on peut à juste titre craindre que ce discours de Prague reste également lettre morte. Peu de pays risquent de soutenir cette initiative : abolir la règle de l’unanimité mettrait en danger la Pologne et la Hongrie sur les procédures vis-à-vis des droits de l’Homme, Malte sur l’avortement, l’Irlande ou le Luxembourg sur leurs fiscalités avantageuses. Car si le chancelier allemand souhaite seulement lever l’unanimité en politique étrangère et en fiscalité, le précédent que cela créerait pourrait conduire à l’abolition du vote à l’unanimité.
Toucher la Commission et la prise de décisions à l’unanimité des États membres ne peut se faire qu’en réformant les traités : il faudrait donc que tous les parlements nationaux ratifient les modifications, ou les peuples européens à travers des référendums. Or, la dernière fois qu’un traité a été proposé par référendum, les Français et les Néerlandais l’ont rejeté. Le traumatisme de 2005 reste vivace et peut compliquer le chemin de ces réformes.
Une autre dimension est à prendre en compte : Olaf Scholz est en Allemagne dans une position politiquement fragile. Mis en cause dans le scandale financier « CumEx Files », il a semblé être dépassé par les évènements en Ukraine, doit faire face aux tensions entre les partis de sa coalition et à la crise qui frappe l’Allemagne de plein fouet. Parler d’Europe peut lui permettre de s’élever, mais ne veut pas pour autant dire qu’il va mener des actions effectives. Une fois les paroles prononcées, il faut attendre les actes.
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