Chloé Ridel est euro-députée, élue en juin 2024, au sein du groupe S&D. Elle est également porte- parole du Parti socialiste depuis 2022. Nouvellement arrivée en politique, voici une petite immersion à travers son regard pour avoir une vision plus fraiche mais aussi personnelle de l’état de la situation des femmes européennes aujourd’hui.
Bonjour Chloé, peux-tu nous donner ta vision de l’impact de la présence des femmes en politique ?
« Le féminisme est une politique de sécurité ». Chloé Ridel est membre de la Commission des Affaires Étrangères et des Droits Humains, chargée des aspects de genre et d’égalité de genre. Elle a à cœur de porter « les questions de diplomatie féministe en considérant que l’égalité entre les femmes et les hommes, non seulement en Europe mais à travers le monde, n’est pas juste une question d’égalité ou une question morale, mais aussi un impératif de sécurité. Parce qu’on sait depuis 25 ans que quand les femmes participent aux affaires politiques, non seulement un pays est plus développé, mais aussi plus pacifique. » Comme elle nous le fait remarquer, « aujourd’hui on conçoit la sécurité juste sur le plan militaire où on va dépenser des milliards pour acheter des armes, mais si on dépensait autant pour favoriser l’accès des femmes au monde du travail et au monde politique on aurait aussi des répercussions très importantes en matière de sécurité et d’apaisement des conflits. »
D’ailleurs, l’une des premières actions dans ce sens portée par Chloé, a été de porter au Prix Sakharov deux associations de femmes israéliennes et palestiniennes qui se battent pour la paix et qui incarnent ce combat duel en l’abordant enfin avec plus de coalition et de compréhension.
Mais revenons à l’Europe. Aujourd’hui, quelle place ont les femmes dans l’Union Européenne ?
Depuis 5 ans et pour 5 ans, une femme est à la tête de la Commission Européenne mais pour Chloé « mettre une femme à la tête d’une administration d’homme ne me parait pas changer grand- chose. » Pour elle « il faut qu’il y ait des changements en profondeur, et il faut qu’il y ait des femmes à toutes les échelles de responsabilités. On n’est pas dans une logique de reine des abeilles, si on veut vraiment changer les choses il ne faut pas que les femmes soient juste des façades ou juste des femmes qui ont réussi à s’en sortir au détriment d’autres. »
Chloé évoque ici le rapport de compétition actuel et très présent voire concurrentiel très fort entre les femmes : on sait que peu peuvent arriver en haut de l’échelle, et leur solution peut souvent être de se mettre des bâtons dans les roues pour être la dernière en lice. Il est temps de changer cette dualité pour être dans des valeurs de compétition et de coopération, où chacune trouve sa place, parce que ce n’est qu’en s’entraidant les unes les autres qu’on réussira à changer le modèle masculiniste établit.
C’est d’ailleurs ce que fait Jacinda Ardern, l’ancienne première ministre de Nouvelle Zélande qui a créé un fellowship qui s’appelle Field (un programme de formation de femme politique qui regroupe 15 femmes européennes autour d’elle, dont Chloé Ridel fait partie). « C’est une femme qui a vraiment mis en avant le leadership empathique », exprime Chloé. « Elle a fait des merveilles quand elle était au gouvernement, où elle a eu à gérer des évènements très complexes comme les attentats terroristes d’extrême droite d’une mosquée : elle a réagi en pacifiant la société plutôt qu’en la divisant, en permettant de se saisir de cet évènement pour que toutes les armes soient retirées de la circulation, ce qui était une énorme avancé pour un pays comme la NZ. C’est la deuxième première ministre de l’histoire à avoir accouchée quand elle était en fonction et à avoir emmené sa fille partout. Cette femme représente quelque chose d’extrêmement puissant et d’antinomique avec le leadership masculiniste qu’on peut voir à travers d’autres leaders mondiaux actuels. »
Pour continuer sur d’autres exemples inspirants à travers le monde…}))
Le Rwanda, après un génocide perpétré par des hommes, est aujourd’hui reconstruit par des femmes, avec plus de 60% de femmes au Parlement. C’est aujourd’hui l’un des pays les plus prospère d’Afrique. Il y est proposé et porté également des programmes entre les femmes et les hommes sur l’éducation à la masculinité positive. Ou encore en Colombie, où l’accord avec les FARC, plus gros conflit du monde, a été signé avec une implication des femmes très forte, et qui est le premier accord de paix qui prend en compte la dimension du genre.
D’ailleurs, dans un contexte de « backlash international », Chloé porte la création d’un fond européen de financement des organisations féministes, dans le cadre du prochain cadre financier pluriannuel. « Si tu finances directement des associations féministes gérer par des femmes pour des femmes, tu vas avoir des impacts énormes sur la prise de confiance des femmes sur le terrain, l’éducation, leurs besoins de santé, les aides à l’entreprenariat féminin..., tu vas avoir des résultats ». Comme le FSOS français, par un principe Bottom Up, ce fond a pour intérêt profond de donner les moyens d’actions nécessaires aux femmes sur le terrain pour agir là où elles observent les besoins, connectées aux problématiques en temps réel.
Quelle est la place autour de la question des problématiques féminines en Europe ?
« Les femmes ont un autre point de vue sur les choses parce qu’elles ont été socialisées, éduquées différemment. Donc si ce point de vue-là n’est pas suffisamment représenté, n’est pas pris en compte, les femmes dans la société ne le sont pas non plus. »
On peut multiplier les exemples, quand on regarde les besoins de santé spécifiques aux femmes par exempls : la question des règles douloureuses, de l’endométriose, la ménopause, etc. "On commence tout juste à avoir un remède aujourd’hui pour la ménopause, contre les bouffées de chaleur : on est en 2025 ! Ce problème existe depuis très longtemps et jamais on a dépensé un centime dans de la recherche pour des médicaments contre." L’endométriose c’est en moyenne 7 ans d’errance thérapeutique. Pourquoi on ne dépense pas ? Parce qu’il y avait des hommes dans les affaires politiques et que ce n’était pas un sujet, tout simplement.
Mettre des femmes au pouvoir c’est également donner une place à ces spécificités et les problématiques qui en découlent.
« Prenez votre place, ne soyez soumise à personne, refusez les rapports de domination quels qu’ils soient, on a besoin de vous ».
Quelle conséquence au patriarcat, tant pour les femmes que pour les hommes ?
D’après C.R, « le patriarcat exerce aussi bien une violence sur les hommes que sur les femmes ». « La violence qu’elle exerce sur les hommes c’est de les couper de leurs sentiments, de leurs émotions, et ça, ça produit de la violence ». Et ce qu’il fait aux femmes ? « C’est de les couper de leur savoir et de leur voix ». Souvent les femmes vont dire « je ne sais pas mais... », pour plaire elles vont cacher ce qu’elles pensent vraiment ou ce qu’elles sont vraiment. Et ça, ça peut dégénérer dans la négation de soi-même.
L’enjeu et le défi actuel pour les femmes : « apprendre à ne jamais se perdre ni perdre leur voix propre », et ne pas avoir peur de déplaire parce qu’elles sont ce qu’elles sont. Pour Chloé c’est l’engagement qui l’a aidé à faire émerger cette partie d’elle : « le fait de voir que j’arrivais à faire des choses par moi-même ».
Le mal être comme point de rebond chez les femmes
Selon Chloé, « notre force c’est qu’on n’est pas coupé de nos émotions. C’est là qu’on fait la différence et qu’on a une voix différente. » Elles sont un moteur qui nous permet d’être plus juste et de savoir où et comment agir. Pour sortir de l’injonction de « plaire quitte à se nier soi-même » pour « oser, oser s’écouter », faire ce que l’on sent, « et se rendre compte que ça marche, qu’on en est capable, qu’on peut faire des choses qui ont un impact » et qui nous donnent envie de faire plus.
« En chacun de nous, qu’on soit homme ou femme on a cette force de résistance ». C’est pour elle « une partie de la voie de l’émancipation individuelle et une forme de bonheur » !
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