Depuis 1957, année du traité de Rome, l’Europe est passée de 6 États membres à 27 (avec le départ des Britanniques en 2016). Après la fondation de la CEE, plusieurs vagues d’élargissements ont eu lieu : en 1973, l’Europe s’est élargie au Nord avec l’entrée du Royaume-Uni, de l’Irlande et du Danemark ; dans les années 1980, une vague d’élargissement a eu lieu au Sud avec la venue de la Grèce, du Portugal et de l’Espagne ; au milieu des années 1990, l’Europe se retrouve à 15 avec une vague d’élargissement incluant l’Autriche, la Suède et la Finlande ; et enfin dans les années 2000, la dernière grande vague d’intégration comprend les 10 pays d’Europe centrale et orientale, suivie en 2013 de l’entrée de la Croatie, dernier pays à avoir intégré l’UE.
Si au fur et à mesure de ces différentes vagues d’élargissement, l’objectif affiché correspondait à une tentative d’unification du continent européen, cette politique suscite des interrogations et des inquiétudes sur ses objectifs et ses finalités ultimes. C’est pourquoi la question fondamentale à se poser est la suivante : Quelles sont les limites géographiques et politiques de l’Union européenne et quels pays doivent pouvoir prétendre y entrer ?
La candidature de l’Albanie et de la Macédoine du Nord
Le commissaire hongrois en charge de l’élargissement de l’Union européenne, Olivér Várhelyi, possède une tâche difficile : celui-ci doit parvenir à mettre en œuvre la politique d’élargissement de l’UE.
L’objectif actuel est en effet de poursuivre l’élargissement de l’Union européenne en l’ouvrant à un certain nombre de pays. Ainsi, cinq pays sont candidats pour intégrer à leur tour l’Union européenne : le Monténégro, la Serbie, la Turquie, l’Albanie et la Macédoine du Nord. Les deux derniers pays avec lesquels l’UE a aujourd’hui décidé l’ouverture de négociations sont aujourd’hui l’Albanie et la Macédoine du Nord. Le Président français Emmanuel Macron a, dans un premier temps, semblé vouloir fin 2019 s’opposer à l’ouverture des négociations d’adhésion avec ces deux pays, mais s’est finalement ravisé après avoir obtenu une modification de la part de l’UE des modalités d’appréciation des candidatures par les États membres.
Si la France a été un moment le porte-voix des pays réticents à l’ouverture des négociations d’adhésion avec ces deux pays, elle n’est toutefois pas le seul membre de l’UE sur cette ligne. On trouve en effet d’autres États comme le Danemark ou les Pays-Bas, les opinions publiques de nombreux pays sont toujours frileuses à ces éventuelles adhésions. La Macédoine du Nord, pourtant, avait fait preuve de bonne volonté pour entrer dans l’UE. Elle a effectivement essayé de régler ses différents avec la Grèce, notamment en modifiant le nom de son pays et en y ajoutant l’indication géographique du « Nord » en plus de Macédoine, pour la distinguer de la région grecque de Macédoine, car cela hérissait Athènes dans un conflit historique et mémoriel fondamental.
L’Albanie doit quant à elle, avec ses problèmes économiques importants, le chômage, la pauvreté, la corruption endémique, les trafics et les migrations d’une partie de sa population vers l’UE, faire évoluer ses pratiques de gouvernance, car tous ces éléments crispent ses relations avec d’autres États européens. Toutefois, ce qui se joue ici n’est pas en réalité d’une importance majeure, car ces petits pays ne pèsent que très peu d’un point de vue économique et démographique. L’Albanie, pays européen d’environ 3 millions d’habitants, très majoritairement musulman, a toute sa place dans l’UE. Ses difficultés actuelles devraient en effet pouvoir être surmontée à l’avenir. De même pour la Macédoine du Nord avec ses 2 millions d’habitants.
Au-delà même de ces deux pays, l’UE devra certainement, selon un calendrier à déterminer, accepter l’adhésion de tous les pays balkaniques qui ont vocation à intégrer l’UE. C’est notamment le cas de la Serbie et ses 7 millions d’habitants, du Monténégro avec environ 620 000 habitants, du Kosovo avec ses 1,8 millions d’habitants (néanmoins plus difficile du fait de son statut compliqué et de ses relations avec la Serbie), puis de la Bosnie-Herzégovine avec environ 4 millions d’habitants, considérée pour le moment comme candidat potentiel. Cependant, cette région des Balkans est une zon de factures complexes, comme nous l’a d’ailleurs prouvé la Première Guerre mondiale, qui a commencé avec l’assassinat de l’héritier du trône d’Autriche-Hongrie à Sarajevo en juin 1914.
Quelles sont les limites de l’élargissement pour l’UE ?
Une des questions fondamentales et peu évoquée reste en effet celle des limites géographiques de l’UE et donc celle de la frontière de son élargissement potentiel. Déjà dans le passé, des pays souvent très riches comme la Suisse en 1992 ou la Norvège en 1972 et 1994 ont refusé d’intégrer l’UE après référendums. L’Islande a quant à elle retiré sa candidature en 2015.
Aujourd’hui, de nouvelles adhésions sont envisagées, mais il ne faut pas négliger l’opinion des peuples européens dans la prise de décision, visant à accepter ou non ces nouveaux pays dans l’Union européenne. L’UE est, en effet, une organisation d’États-Nations constituée avec un objectif politique. Or, cette ambition géopolitique a en apparence été progressivement délaissée. Il convient donc de mieux prendre en considération les aspirations des citoyens européens, en mettant en avant leurs intérêts, que les dirigeants peuvent parfois perdre de vue.
La mondialisation libérale et financière des quarante dernières années a déstabilisé nombre de démocraties européennes et l’essor des partis populistes ou d’extrême-droite ne manque pas d’inquiéter. Mais cet essor a plusieurs origines bien visibles. On peut ainsi citer la situation économique difficile de nombreux États européens ou encore les défis migratoires qui inquiètent une part de la population européenne. Par exemple, l’Allemagne de la chancelière Angela Merkel, en ouvrant ses frontières à plus d’un million de réfugiés du Proche et du Moyen-Orient en 2015, a fait preuve d’humanité et de générosité mais a aussi favorisé la réticence de certains États européens (surtout à l’Est) concernant l’acceptation de quotas de redistribution de réfugiés sur leur territoire. Ceux-ci n’acceptaient en effet pas qu’un nombre de réfugiés leur soit imposé. C’est alors que la chancelière allemande a dû pâtir elle-même électoralement de cette politique en contribuant involontairement à l’élection de près d’une centaine de députés d’extrême-droite de l’A.F.D, fait inédit en Allemagne depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Il ne faut d’ailleurs pas oublier que l’autre événement considérable de ces dernières années en Europe aura été le vote du Brexit par les Britanniques en 2016. Pour la première fois depuis sa création, un pays membre de l’UE a voté pour sortir de cette Union européenne avec environ 52 % de votes favorables. Ceci constitue ainsi un fait géopolitique sans précédent au sein de l’UE et la question de l’immigration a pu constituer selon plusieurs experts l’un des thèmes centraux qui a sans doute fait basculer le vote en faveur du "Leave". C’est la raison pour laquelle les dirigeants de l’UE doivent voir la réalité en face.
L’époque actuelle nécessite de présenter un projet européen clair sur les futurs élargissements de l’UE. Sans quoi, le projet européen, déjà fragilisé au sein des opinions publiques européennes, risque d’évoluer de plus en plus difficilement voire dans le pire des cas d’échouer, ce qui serait une catastrophe pour l’avenir des peuples européens. Mais rien de durable ne pourra être construit sans l’approbation des peuples européens. Si l’UE veut peser sur les affaires du monde au XXIème siècle, il est important de clarifier la finalité du projet européen.
Concernant l’avenir des ces élargissements européens, il est donc important de considérer la demande d’adhésion des pays des Balkans issus de l’ex-Yougoslavie, qui restent pleinement européens. De plus, une éventuelle demande d’intégration à l’UE de pays tels que l’Islande, la Suisse, la Norvège ou encore de micro-États européens comme Monaco, le Vatican, le Liechtenstein, Saint-Marin ou encore Andorre, devra si cela arrive, être prise en compte par l’Union européenne. De même, il ne faut pas négliger une éventuelle volonté des Britanniques de réintégrer l’UE, après en être sortis, car ceux-ci ont joué depuis 1973 un rôle important au sein de l’Union européenne.
En parallèle, la question d’intégration de la Turquie dans l’UE doit être au plus vite résolue, car dès lors que ce pays entrerait dans l’Union européenne, sa place serait centrale : outre le fait que l’essentiel de son territoire se trouve en Asie, il serait alors le pays le plus peuplé de l’UE en cas d’adhésion. Cela lui donnerait un poids prépondérant au sein des institutions européennes, notamment au sein du Parlement européen puisque le nombre de députés par pays est corrélé à sa population. C’est pourquoi le sujet de l’adhésion de la Turquie à l’UE reste controversé : en effet la majorité des opinions publiques des pays de l’Union européenne y sont opposées. Ainsi, le référendum français perdu en 2005 sur le projet de constitution européenne avait échoué en partie à cause de l’ouverture de négociations d’adhésion avec la Turquie fin 2004, comme l’affirmait en effet le géopolitologue Yves Lacoste dans le numéro 118 de la revue Hérodote de l’année 2005 (page 7). Une partie de l’opinion publique française avait ainsi alors jugé plus prudent de voter non au projet de constitution européenne, en raison de leur inquiétude concernant une éventuelle entrée de la Turquie dans l’Union européenne. On peut donc dire que la situation politique en Europe a bien changé : si auparavant le tandem Schröder-Chirac souhaitait faire entrer la Turquie dans l’UE, le tandem Merkel-Sarkozy avait déclaré à l’inverse y être opposé. En effet Angela Merkel a déclaré lors d’un débat télévisé le 24 septembre 2017 : “Il est clair que la Turquie ne doit pas devenir un membre de l’UE”.
Enfin la dernière problématique concernant les limites géographiques de l’UE se pose sur sa frontière orientale. L’UE a en effet engagé une politique de voisinnage avec l’Ukraine ou la Moldavie, mais ces pays sont historiquement dans la sphère d’influence russe et peut-être leur intégration dans l’UE signifierait de trop grandes tensions et difficultés avec la Russie. Serait-il plus prudent de borner la frontière orientale de l’UE aux pays Baltes, à la Pologne, la Roumanie et la Bulgarie ?
Autant de questions qui méritent des réponses dans le respect de la démocratie et des aspirations des peuples européens.
1. Le 6 septembre 2021 à 10:02, par Observateur En réponse à : Élargissement de l’Union européenne : bientôt à 29 ?
La Moldavie a historiquement appartenue à la Roumanie. De même l’Ukraine a majoritairement historiquement appartenue à la Pologne. Et aussi le Bélarus a historiquement appartenu à la Lituanie.
On évoque souvent les russophones qu’on considère souvent à tort comme Russes. Sur le même principe demandez au francophones d’autres pays s’ils se sentent Français.
Je pense qu’un pays avant d’être dans la zone d’influence d’un autre est avant caractérisé par sa culture et son histoire et surtout qu’il a le droit de choisir, sans être toujours renvoyé à ce qu’il était pendant la guerre froide.
On ne va pas se mentir, l’hostilité de certaines personnes envers l’appartenance des PECO à l’UE est avant tout d’ordre économique même si souvent d’autres raisons sont mises en avant.
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