Les sociaux-démocrates affaiblis
Le 26 mai 2019 la Roumanie a été appelée à voter pour renouveler les 32 sièges dont elle a droit au sein du Parlement européen. Un vote qui a reflété le mécontentement croissant de la population envers la gouvernance du parti Social-Démocrate (PSD), particulièrement affecté par des scandales de détournement de fonds européens de la part de son président Liviu Dragnea. Le parti au pouvoir, affilié aux S&D au Parlement européen, a remporté 24 % des suffrages exprimés, en obtenant seulement huit sièges. Ce résultat s’avère bien loin du succès atteint par l’Union Social-Démocrate, dont le PSD faisait partie, aux élections du 2014, lorsqu’il avait gagné 37% des suffrages et 16 sièges.
En face, le Parti national libéral (PNL), plus conservateur et de droite, a rassemblé 27% des voix, correspondant à dix sièges, en améliorant sa position de quatre sièges et en devenant le premier parti en Roumanie. Le PNL est affilié au Parti populaire européen (PPE), lequel se confirme comme le gagnant de ces élections. L’alliance USR-PLUS, faisant partie de ALDE au Parlement européen, a obtenu 21% des voix et huit sièges, contribuant à la montée de ce parti européen jusqu’à devenir le troisième parti au sein du Parlement.
Pour comprendre les conséquences de ces résultats, il faut préciser que le gouvernement roumain actuel est dans une forme de cohabitation. Le président, Klaus Iohannis, est issu du parti de droite PNL, tandis que son gouvernement est mené par le PSD, de gauche.
Il est évident qu’en Roumanie l’opposition reste donc gagnante, en totalisant collectivement plus de 47% des suffrages. Par contre, le PSD en sort affaibli, notamment à cause du choix du président Klaus Iohannis (PNL) de lier ces élections à un référendum portant sur une réforme de la justice très controversée.
La réforme du système judiciaire promue par le PSD au pouvoir, qui vise implicitement à éviter des accusations de corruption contre ses leaders politiques, avait été fortement critiquée par Bruxelles, où la Roumanie détient la présidence du Conseil de l’Union. En particulier, Klaus Iohannis s’était toujours montré très critique par rapport à cette atteinte à l’indépendance de la justice et à cette dérive antidémocratique et populiste du gouvernement du Premier ministre Viorica Dancila. Le référendum qu’il a proposé portait sur l’interdiction pour les politiciens accusés de corruption d’exercer des fonctions publiques. Les citoyens appelés aux urnes pour les élections européennes ont eu donc la possibilité de s’exprimer aussi sur les choix du PSD dans le domaine judiciaire et sur l’assouplissement des lois contre la corruption.
Rejet du gouvernement eurosceptique par les citoyens
L’opinion des citoyens a été claire. La Roumanie rejette ce gouvernement eurosceptique et corrompu en faveur des valeurs européennes et démocratiques. Avec un taux d’affluence de 51,07%, un véritable succès par rapport au taux de 2014 qui n’avait atteint que le 32%, ce pays réaffirme son identité européenne et son attachement à l’Etat de droit, en démontrant d’avoir appris de son l’histoire après les longues années du régime totalitaire de Ceaușescu.
La forte participation des jeunes a été un facteur particulièrement déterminant dans la victoire des partis d’opposition, notamment pour l’alliance USR-PLUS, et dans le résultat du referendum, pour lequel a voté 41% des électeurs. Le peuple roumain clairement a montré son opposition aux projets du gouvernement relativement au système judiciaire, avec 81% des voix « non » à la possibilité pour les politiciens corrompus de continuer de participer à la vie publique. Le jour suivant le vote, Liviu Dragnea, condamné à trois ans et demi de détention, a été conduit en prison.
Selon le chef de file du USR-PLUS, avec ce vote « la Roumanie est en train de renaitre ». Le futur du gouvernement est maintenant en jeu, notamment après que le Président l’a appelé à démissionner face la défaite, et les chances de Klaus Iohannis de remporter un deuxième mandat au moment des élections présidentielles de fin 2019 sont accrues. Après ce référendum et après la condamnation du leader du PSD, le Premier Ministre Viorica Dancila a déjà exprimé sa volonté de reculer par rapport à cette réforme controversée et de prendre ses distances de l’approche antidémocratique et populiste de Dragnea. On espère que ces élections européennes amèneront à une prise de conscience de la part du PSD de la nécessité d’abandonner son projet de réforme du système judiciaire et de se réaligner avec les valeurs européennes.
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