Que ce soit le terrorisme, les migrations, le désintérêt des Etats-Unis pour l’Europe couplé à l’imprévisibilité de Donald Trump ou encore l’agressivité Russe, tous les enjeux plaident pour la définition de solutions européennes. Si ces constats peuvent rapprocher les partis, les solutions proposées divergent d’autant plus qu’on les examine de près. Pas tout à fait étonnant, car il faut rappeler que ni la Commission européenne ni le Parlement européen n’ont de pouvoir en matière de sécurité et de défense, ces compétences étant encore jalousement conservées par les Etats membres.
Le clivage droite / gauche ou l’opposition entre sécurité des frontières et sécurité des Hommes
En matière de sécurité, la gestion des migrations est toujours l’un des premiers sujets traités, si ce n’est le seul. Alors que les partis nationalistes ont une vision bornée à l’approche sécuritaire, plus on se rapproche de la gauche, plus cette vision laisse la place à la dimension humanitaire et solidaire.
Les partis nationalistes de droite - Debout la France ; Les Patriotes de Florian Philippot et l’Union Populaire Républicaine (UPR) - s’accordent pour proposer la sortie des Accords de Schengen. La proposition du Rassemblement National (RN), jamais très loin de l’amalgame et de la simplification abusive, selon laquelle “l’immigration massive subie par l’Europe depuis des décennies et l’abaissement des frontières rendent les pays d’Europe très vulnérables face à la menace islamiste” se retrouve de manière similaire dans les programmes de ces listes. Autant le dire tout de suite, les partisans d’un Frexit ne formulent logiquement aucune proposition de politique européenne de sécurité et de défense.
Inclassable parmi les partis précédemment cités, Les Républicains (LR) ne demeurent pas moins proches de ces propositions en offrant de pérenniser le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures (ce qui équivaudrait presque à sortir de Schengen). Dans la continuité de cette proposition, ils souhaitent qu’un étranger sollicitant un titre de séjour doive adhérer à une nouvelle charte européenne des valeurs et des devoirs. Ils veulent également reconduire les migrants sur les côtes africaines de façon plus systématique. Au contraire, La République En Marche (LREM) et l’Union des Démocrates et Indépendants (UDI) s’engagent plutôt dans une dynamique qui verrait se concilier accueil et contrôle en Europe avec la remise à plat de l’espace Schengen justement. Ils défendent également le renforcement du corps européen des gardes-frontières, en distinguant clairement celui-ci de toute “armée”.
À gauche, les listes appellent toutes de leurs voeux à la fin du règlement de Dublin, qui oblige les réfugiés à déposer une demande d’asile dans le premier pays par lequel ils sont entrés en Europe. Dans le même sens, Europe Ecologie Les Verts (EELV) et Génération.s insistent pour la création à l’échelle européenne de voies légales et sûres pour les candidats à l’exil dans le but d’éviter les naufrages en Méditerranée. La France Insoumise (FI) rejoint ces deux partis sur le sujet de la nécessité d’avoir une force européenne de secours et de sauvetage en mer pour les réfugiés. Cette proposition s’inscrit donc dans la lignée des opérations Mare Nostrum et Triton, qui ont toutes deux été critiquées pour le manque de manque de moyens dont elles ont été victimes.
Une défense européenne : oui ou non
En matière de défense européenne, l’opposition se structure entre partis souverainistes et fédéralistes. Entre le maintien de la souveraineté nationale et le saut vers une armée européenne.
La question de l’appartenance à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) révèle ainsi clairement les contours du camp souverainiste. La France Insoumise, le PCF et Debout la France proposent de sortir de cette organisation, ou au moins de son commandement intégré et refusent toute intégration européenne en matière de défense. Il semblerait que la liste Les Républicains se rattache plutôt à cette tendance en soutenant “des coopérations européennes militaires, opérationnelles et industrielles, qui permettent de ne pas dépendre d’autres puissances” mais en évitant tout transfert de souveraineté. Cette proposition est déjà bien avancée dans les faits, avec la création d’un fonds européen de défense, et l’activation des coopérations structurées permanentes qui rassemblent justement la majorité des Etats membres autour de projets communs, dont l’un des emblèmes est le projet d’avion de chasse européen, soutenu notamment par la France et l’Allemagne. Les listes LFI et Rassemblement National ont la particularité de défendre le rééquilibrage des relations bilatérales avec la Russie. Ainsi pour le RN, “s’agissant de la Russie, il faut en finir avec la guerre froide que lui mènent les institutions européennes”.
De l’autre côté, les listes EELV, Génération.s, le Parti fédéraliste européen et le Parti des citoyens européens (PACE) s’engagent explicitement en faveur de la construction d’une armée européenne. Leurs programmes respectifs soulignent des dimensions complémentaires de cette future armée européenne. Ainsi Génération.s insiste sur le besoin de mettre en place une cyberdéfense commune, alors qu’EELV met en avant la création d’un “European Peace Corps dédié à la prévention des conflits et d’Instituts européens de la paix”. Dans ce camp, la liste Renaissance se distingue doublement. Prudente, elle envisage une armée européenne à long terme, dont elle dessine pourtant très précisément les contours. Son programme contient non seulement toutes les propositions avancées par les 4 listes en faveur d’une armée européenne, mais propose également de “créer une Agence européenne de protection des démocraties contre les attaques, les manipulations et la désinformation”.
La sécurité et la défense sont donc présentes dans les programmes des principales listes candidates et divisent très clairement les partis en deux camps : d’un côté les opposants à toute concession de souveraineté nationale, de l’autre ceux qui appellent à une intégration politique européenne plus poussée en matière de sécurité et de défense. Sans changement de traité, le nouveau Parlement élu n’aura cependant pas les compétences pour se positionner sur ces sujets. Les propositions des partis dans le cadre de ces élections sont donc à considérer comme un marqueur plus global de leur conception de l’Union européenne. On peut regretter qu’ils ne se soient pas avancés sur des propositions réalisables, telles que la création d’une commission parlementaire dédiée à la défense par exemple.
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