Le Mouvement Européen – France a sorti fin avril son comparateur de programmes des principaux partis politiques français pour les élections européennes. A l’exception notable de la République en Marche (qui n’a publié son programme officiel que le 8 mai), les formations politiques ont esquissé de nombreuses thématiques et ont plus ou moins tenté de proposer des solutions aux grands défis auxquels l’UE est confrontée.
La transition énergétique est assurément un enjeu majeur pour le continent européen, leader de la transition énergétique innovante à bien des égards mais subissant la forte concurrence des Etats-Unis et de la Chine, pionnière des énergies renouvelables mais toujours plus dépendante des importations d’énergies fossiles pour alimenter ses immenses besoins. Aujourd’hui, la grande majorité des partis politiques français reconnaissent le besoin urgent d’agir pour assurer une production et une consommation d’énergie durable, via le développement des énergies renouvelables, de l’efficacité énergétique, l’engagement des industries européennes ou la taxation du carbone. Néanmoins, les propositions divergent sur leurs ambitions et sur leur faisabilité dans le contexte européen actuel.
Des propositions plus ou moins claires pour un objectif consensuel
Le comparateur de programmes du Mouvement Européen – France a retenu 11 partis politiques, même si 26 partis ont été contacté pour la réalisation de cette étude : beaucoup n’ont en effet pas répondu à la sollicitation. Concernant la transition énergétique, des idées principales et « transpartisanes » sont à noter : la neutralité carbone devra être atteinte à l’horizon 2050 en investissant massivement dans les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et les technologies énergétiques. La politique industrielle devra être plus propre et plus active pour répondre à la concurrence internationale, l’interconnexion énergétique entre les pays devra être renforcée pour renforcer la solidarité européenne et l’indépendance énergétique du continent.
Si toutes ces propositions semblent de bon sens en cette période de prise de conscience aiguë de la gravité de la crise écologique et énergétique, les propositions des partis diffèrent sensiblement d’un sujet à un autre. Sur la définition des objectifs de réduction des émissions de CO2 par exemple, l’horizon 2050 semble être accepté par tous, concordant ainsi avec la Stratégie bas carbone européenne. Néanmoins, si Les Républicains (LR) propose « 0% carbone » et LREM « un continent neutre en carbone », la France Insoumise (FI), Europe Ecologie Les Verts (EELV), ou encore le Parti fédéraliste européen avancent l’objectif de 100% d’énergie renouvelable, ce dernier proposant même des émissions négatives (l’absorption de CO2 étant supérieure à la production). Cette différence de discours pose la question de l’avenir du nucléaire, considéré comme propre car ne produisant pas de CO2, mais rejetant des déchets radioactifs nocifs pendant plusieurs siècles. La France étant un pays reposant très fortement sur le nucléaire, cela va paraître extrêmement compliqué de s’en passer, même si la Commission européenne change de discours et ne semble plus être aussi favorable à l’atome qu’auparavant.
Les moyens pour atteindre ces objectifs de réduction d’émissions de CO2 diffèrent également. L’idée d’un « Green New Deal », très en vogue cette année en Europe et aux Etats-Unis, mais dont les origines remontent à la fin des années 2000, est proposée par Génération.s, la FI, EELV, bien que sous des formes différentes. Le Parti Communiste (PCF) propose un « Livret E environnemental européen » pour investir dans de grands projets énergétiques, et notamment dans un plan hydrogène, une énergie également préconisée par l’Union des Démocrates Indépendants (UDI). LREM avance un plan ambitieux de transition écologique : 1000 milliards d’euros devront être investis d’ici 2024 pour l’efficacité énergétique, le développement des énergies renouvelables, les transports propres et la reconversion des travailleurs. Enfin le Parti des Citoyens Européens (PACE) propose une dette commune au niveau européen pour financer les grands projets de transition énergétique.
Le Système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE-UE) est une autre pierre d’achoppement. Celui-ci est considéré par bien des acteurs comme le pilier principal de la politique énergie-climat de l’UE. Néanmoins, celui-ci n’a jamais vraiment fonctionné, dans la mesure où le prix du carbone trop bas ne dissuade pas les entreprises polluantes à se tourner vers des énergies plus propres. La FI voudrait même son abolition pure et simple car il serait devenu un droit pour polluer moyennant paiement, et ainsi le remplacer par une fiscalité et une taxation directe sur les entreprises. LREM préconise un prix plancher du CO2 et une réforme du SEQE-UE, mais pas sa suppression. De plus, le parti présidentiel propose une taxe carbone sur les produits importés. Si les partis souverainistes (le Rassemblement national et Debout la France) ont un programme énergétique moins développé que les autres formations, ceux-ci font du localisme (et de la lutte contre la mondialisation en arrière-pensée) le socle de leur programme pour une transition énergétique durable.
Oser être à la hauteur des enjeux
Si les propositions des partis concernant les objectifs de réduction de CO2 sont en phase avec ce qui est proposé au niveau européen (comme le paquet climat-énergie de 2030 ou la stratégie bas carbone de 2050), les moyens d’action semblent difficiles à mettre en œuvre, notamment concernant la fiscalité énergétique, un domaine où l’unanimité est toujours requise, contrairement aux autres aspects de la politique énergétique européenne telle que définie dans l’Article 194 du TFUE. De même, les rapports de force au niveau européen sont encore largement en faveur de l’austérité budgétaire, et non pas à de grands plans d’investissements en faveur de la transition énergétique innovante et citoyenne.
Pourtant, la nécessité d’agir pour éviter l’effondrement de notre civilisation doit pousser les différents acteurs européens à être ambitieux. Les institutions européennes, en étroit lien avec les Etats membres, doivent se donner la peine de respecter leurs propres engagements de transition énergétique. Les objectifs du paquet climat-énergie 2030 (une réduction de 40% des émissions de CO2 par rapport à 1990, un objectif de 27% d’efficacité énergétique et de 32% de sources renouvelables dans le mix énergétique européen) ne risquent pas d’être atteints à cause du retard pris par bon nombre de pays (et surtout la France). La principale innovation du paquet climat-énergie pour 2020 était la définition d’objectifs nationaux contraignants. Il est nécessaire de faire la même chose pour 2030. Même s’il ne constitue plus le pilier de la politique climat-énergie de l’UE, le marché du carbone doit être revu de fond en comble pour déterminer un prix du carbone qui accélère la conversion des industries vers des énergies propres et renouvelables. Enfin, le citoyen doit être au cœur des décisions énergétiques, tel que préconisé dans la stratégie pour l’Union de l’énergie.
En septembre dernier, les Jeunes Européens – France ont voté un ensemble de 20 propositions de campagne pour les élections européennes. L’association s’est prononcée pour une transition énergétique inclusive et durable, via la constitution d’un marché énergétique réellement intégré, d’une action européenne forte au niveau international, d’un fort soutien au développement des technologies énergétiques, et de la définition d’un prix plancher du carbone. S’engager vers une transition énergétique durable et porteuse de progrès social est un processus qui prend du temps, on ne peut changer tout un système économique et social en un claquement de doigt. Néanmoins, il faut être le plus ambitieux possible et garder à l’esprit que c’est de la survie de la civilisation humaine dont il s’agit.
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