Un scrutin décisif pour un avenir Européen
A l’approche du vote, les Européens retiennent leur souffle. La Moldavie, petit État d’Europe de l’Est enclavé entre l’Ukraine et la Roumanie, s’apprête à voter pour désigner les députés qui siègeront au Parlement. Mais au-delà du renouvellement du pouvoir législatif, elle est sur le point de choisir une orientation stratégique pour sa politique étrangère : s’ancrer et défendre un avenir européen ou retomber sous le joug de Vladimir Poutine. Si ces dernières années, c’est du côté de Bruxelles que Chisinau s’est rangée, notamment de par sa candidature à l’adhésion à l’UE déposée en 2022, l’équilibre reste fragile. L’an dernier, lors d’un référendum pour se prononcer sur l’inscription dans la constitution de l’objectif d’adhésion du pays à l’Union européenne, seulement 50,46% des électeurs se sont prononcés en faveur.
En effet, le Parti Action et Solidarité (PAS) mené par la Présidente du pays Maia Sandu, bien que donné en tête dans les derniers sondages, ne semble pour autant pas être garanti d’obtenir une majorité au parlement. Sans force pro-européenne concurrente, le PAS semble isolé dans un pays polarisé et divisé, touché notamment par la hausse des prix du gaz depuis l’arrêt des livraisons russes, conséquence directe de la guerre en Ukraine. La majorité acquise en 2021 par le PAS avec 63 sièges au Parlement risque donc de vaciller, menaçant la stabilité du pays, de la région et du continent.
Face au PAS, le Bloc Électoral Patriotique (BEP), la plus grande force d’opposition, présente l’intégration européenne comme une menace pour la souveraineté du pays et revendique des relations étroites avec la Russie. Le scénario catastrophe ? Un Parlement eurosceptique si ce n’est pro-russe qui coupe les liens construits avec l’Union Européenne ces dernières années.
Un air de déjà-vu ? En 2024, le Premier ministre géorgien, Irakli Kobakhidzé, annonçait la suspension de la procédure d’adhésion à l’Union Européenne dans un pays où près de 80% de la population est justement favorable à l’adhésion. Des émeutes immédiatement réprimées par le pouvoir en place ont éclaté, plongeant la Géorgie dans un revirement diplomatique inédit.
L’ombre russe, entre désinformation et tentatives d’ingérence
Moscou intimide et fait pression avec des drones ou des hackers dans toute l’Europe de l’Est, et Chisinau n’est pas épargné. Depuis des mois, la Russie tente d’influer sur les résultats du scrutin en Moldavie avec un objectif : éloigner l’ex-république soviétique de ses alliés Européens et refaire basculer le pays sous son joug. Comme l’année dernière, le Kremlin abat ses cartes une à une : désinformation, achat de votes, pots-de-vin, cyberattaques ou encore deepfake sont au programme.
Au cœur de la stratégie russe, la manipulation de l’information prend une place prépondérante notamment sur les réseaux sociaux. L’opération “Matriochka”, une campagne de désinformation coordonnée a ciblé le pays à de multiples reprises ces derniers mois en propageant des fake news à la manière des médias traditionnels. De faux rapports estampillés BBC ou de prétendus articles d’Euronews accusent la présidente Maia Sandu de consommation de psychotropes, de corruption ou encore de détournement de fonds publics pour près de 24 millions de dollars. Selon NewsGuard, ces fake news ont été vues plus de deux millions de fois sur Telegram, dans un pays qui compte à peine plus de deux millions d’habitants. Et au-delà de Matriochka, les deepfakes à l’image de Maia Sandu inondent la toile. Souvent grossiers mais toujours viraux, ils alimentent également la propagation d’infox.
Parallèlement, la déstabilisation de la démocratie en Moldavie prend une tournure inédite au-delà d’Internet et de la sphère cyber. Moscou n’hésite plus à acheter des votes ou à verser des pots-de-vin à des jeunes ou des séparatistes pro-russes. La guerre hybride menée par Moscou gangrène désormais les sociétés de l’ancienne URSS, et a pris un autre tournant en novembre 2024 quand le candidat pro-russe Calin Georgescu, jamais crédité au-dessus de 8% des suffrages, a pris la tête des résultats du premier tour du scrutin présidentielle en Roumanie. Bien que le second tour ait été annulé par la Cour Constitutionnelle pour des soupçons d’ingérence, les Européens ont, pour la première fois, mesuré l’ampleur du danger : la démocratie vacille désormais dans les urnes. La visite d’Etat conjointe d’Emmanuel Macron, Donald Tusk et Friedrich Merz, il y a un mois, le prouve : l’inquiétude monte face à la “guerre informationnelle”.
Le 28 septembre prochain, tous les regards seront tournés vers l’Est et les Européens scruteront avec inquiétude les résultats de l’élection. Plus qu’un vote, plus qu’une élection, c’est l’avenir du pays qui est en jeu et avec lui le fragile équilibre d’une région sous tension.
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