Les médias français pointent la percée de Podemos, le parti issu du mouvement citoyen des « Indignés », en position de prendre la mairie de Madrid et de Barcelone à la faveur d’accord avec le reste de la gauche. Cependant, les enseignements de ce lendemain d’élections sont plus importants. On note en premier lieu le taux de participation de 65%, similaire aux scrutins de 2011 et 2007.
Une droite fragilisée et un Parti socialiste renforcé
Le PP récolte 6 millions de voix sur l’ensemble du pays devant le PSOE et ses 5,5 millions de voix, soit 2 millions de plus que son score aux européennes de mai 2014. Le secrétaire générale du PSOE, Pedro Sanchez, élu à l’été pour réformer le parti, annonce « le début de la fin de Mariano Rajoy comme chef du gouvernement. »
Dans 11 des 13 communautés autonomes espagnoles, semblables aux régions françaises avec des compétences accrues, le parti au pouvoir se démarque, sans pour autant prendre obtenir la majorité absolue dans aucune d’entre elles. Le PSOE arrive en tête en Extremadure et dans les Asturies tout en étant en position de gouverner quatre autres communautés à la faveur d’accords avec les autres partis de gauche : Podemos et Izquierda Unida.
Podemos et Ciudadanos en faiseurs de roi
Dans la majorité des nouvelles assemblées régionales, Ciudadanos et Podemos jouent le rôle d’arbitre pour composer une majorité. Dans la région de Madrid, le PP, 48 conseillers, aura besoin des 17 élus de Ciudadanos pour passer la barre des 65 représentants. Cependant, c’est une alliance peu probable à l’issue de la campagne qui a divisé ces mouvements. Podemos et le PSOE pourraient donc remporter la mairie avec respectivement 27 et 37 conseillers chacun. Scénario inverse à Castille-la-Manche, au centre du pays, où le PSOE et ses 14 conseillers ont besoin des 3 élus de Podemos pour obtenir la majorité de 17 représentants.
Dans les prochains jours, PP et PSOE vont donc devoir négocier au niveau local et national avec les deux formations citoyennes. Le PSOE se place déjà dans la peau du leader de l’opposition, arguant la construction, selon Pedro Sanchez, de « majorités progressistes de changement ». Le Parti Populaire fait lui aussi des appels du pied à son rival de centre-droit Ciudadanos. Carlos Floriano, vice-secrétaire du PP, prévoit « des mandatures municipales et régionales basées sur le dialogue et le compromis ».
Ciudadanos et Podemos sont deux structures politiques nées de mouvements d’opposition citoyenne à la politique d’austérité menée par le gouvernement ainsi qu’à la corruption généralisée qui se manifeste aux plus hautes sphères du pouvoir espagnol.
Leur entrée dans tous les parlements régionaux est un signal fort envoyé par la population espagnole à ses dirigeants. Un signal qui vient casser un système politique bipartisan. Albert Riveira s’en félicite « Nous faisons l’histoire ! En Espagne, il y a la place pour une troisième couleur ». Il pense évidemment à l’orange de Ciudadanos.
Une alliance avec les partis de gouvernement est donc plus que délicates pour des formations qui réclament un renouveau de la politique espagnole et de ses dirigeants. Pablo Iglesias, leader de Podemos, refuse le débat et pointe l’horizon des élections législatives de novembre prochain : « Nous vivons un printemps de changement. A nous de relever le défi qui nous amènera à gagner les élections de novembre prochain. »
Un changement de logiciel politique ?
A travers les négociations de couloir qui se sont lancés hier soir dans les diverses municipalités et chambres régionales, le paysage politique espagnol vit un véritable paradoxe. Les deux principaux partis sont obligés de faire un doigt de cour aux formations citoyennes. Des formations citoyennes qui deviennent donc politiques et doivent apprendre l’art du compromis, celui du groupe minoritaire dans une majorité au pouvoir.
Ce compromis, Pablo Iglesias et Albert Riveira y sont contraints pour obtenir le soutien du PP et du PSOE pour les quelques candidats de Podemos et Ciudadanos arrivés en tête dans les grandes villes d’Espagne. On notera le cas d’Ada Colau à Barcelone, première de la liste « Barcelona en comun », dont Podemos fait partie. Cette ancienne militante du droit au logement pour tous aura besoin du soutien du PSOE et des autres forces locales de gauche pour devenir maire, emblématique s’il en est, de la deuxième ville du pays.
Un séisme à la veille d’un scrutin national
Ces élections locales espagnoles viennent donc doucher les espoirs d’un « effet Cameron » au profit du gouvernement et de son Premier ministre, Mariano Rajoy. Ce dernier devra affronter les élections législatives de novembre prochain alors que sa politique d’austérité est lourdement contestée et que plusieurs cadres de son parti sont mêlés, de près ou de loin, à des scandales de corruption.
Deuxième en nombre de voix, le PSOE surfe sur une dynamique positive. Charge à son premier secrétaire, Pedro Sanchez, d’incarner le leader de l’opposition. Pour cela il doit vaincre la méfiance de Podemos et de Pablo Iglesias, afin de prendre la tête d’une grande coalition de gauche.
Résultat des courses, en ce dimanche d’élection, on ne peut désigner ni vainqueur ni perdant. On peut simplement noter, pour l’avenir, que la domination du jeu politique par deux grands partis n’est plus d’actualité. L’heure est à l’ouverture, à la prise d’initiative et à l’émergence de nouveaux courants. Et ce, en Espagne comme en Grèce, en Italie ou encore en Angleterre. En Europe, l’heure est au multipartisme.
1. Le 30 mai 2015 à 12:00, par perico chicano En réponse à : Elections locales en Espagne : De l’art du compromis
Bonjour, votre résumé est très exact, néanmoins, une précision me semble nècessaire pour comprendre ce qu’est Ciudadanos, en fait parti catalan, au départ appelé ciutadan’s On le classe un peu trop rapidement à droite,et roue de secours du PP Ce parti « Ciudadanos » .Ciutadan’s n’est pas une création de la droite espagnole, comme certains commentateurs l’affirment sans preuves. Il s’agit au départ d’un groupe d’intellectuels catalans, principalement de gauche, anciens de Parti Socialiste Catalan, et beaucoup, anti-franquistes historiques engagés, comme l’essayiste Francesc Carreras ou le dramaturge Albert Boadella,icônes de l’anti-franquisme en Catalogne, Ceux-ci écoeurés tant par la dérive nationaliste en Catalogne, que par l’attitude électoraliste, et la corruption endémique des deux principaux partis espagnols PP et PSOE. Ces deux partis pour obtenir des majorités au parlement, s’alliaient avec les nationalistes régionaux,concédant de plus en plus d’autonomie aux régions. Et les politiciens nationalistes catalans, livrant le contrôle de l’éducation aux plus radicaux des séparatistes, en échange de ce soutien, les gouvernements nationaux, fermaient les yeux sur toutes les affaires de corruption des dirigeants. Surtout le plus important, le célebre Jordi Pujol.
Ces intellectuels fondent le forum citoyen (foro ciutadan’s) en 1997, nom en hommage à Josep Taradellas, le premier président de la « generalitat » (gouvernement autonome catalan) qui revenu d’exil prononça cette phrase lors de son premier discours à Barcelone, le 23 octobre 1977 ; « Ciutadan’s de Catalunya ja soc aqui »(Citoyens de Catalogne me voilà ici)
En employant le terme ciutadan’s (citoyens) il entendait sortir la Catalogne et l’Espagne des dérives du chauvinisme régional, et promouvoir la notion de citoyenneté au delà des régions,des tribus. Défendre la convivialité inter-territoriale, l’égalité et l’équilibre des droits et des devoirs au sein de toutes les régions espagnoles, et surtout parmi tous les citoyens espagnols.
Les régions n’ont pas de droits, seuls les individus en ont.
Le forum citoyen se transforme en parti à partir de 2005, et doucement s’implante comme une force alternative à la dérive nationaliste, comme à l’hypocrisie du PPSOE. Ils subissent un nombre incalculable d’agressions physiques de la part des nationalistes déchaînés contre eux, Albert Rivera son dirigeant, reçoit des menaces de mort.
Son courage à défendre les valeurs de la citoyenneté au delà des nationalités, leur respect des formes, sans se poser comme parti nationaliste espagnol ni centraliste, comme leur humilité, imposent le respect au delà des limites de la Catalogne.
2. Le 30 mai 2015 à 12:01, par perico chicano En réponse à : Elections locales en Espagne : De l’art du compromis
(suite et fin) Pour le reste, économiquement, ils oscillent entre la sociale démocratie et le libéralisme, donc très appréciés entre Bruxelles et Francfort. Nonobstant Ciutadan’s est partisan d’une libéralisation sérieuse du cannabis, et de la reprise des fouilles à la charge de l’état central, des fosses communes du franquisme.
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