Des menaces prononcées en public
En près de 15 ans de mandat en tant que Premier ministre, c’est peut-être l’une des premières fois que Viktor Orban se sent menacé par une force d’opposition. Le parti « Respect et Liberté » ou Tisza, avec à sa tête Peter Magyar, a pris de l’importance l’année dernière notamment après le scrutin européen de juin. En effet, le parti d’opposition a récolté près de 30% des voix, permettant à des eurodéputés hongrois d’intégrer le groupe du PPE. Mais le parti de Magyar, qui gagne en popularité auprès de l’opinion publique, pourrait bien s’imposer lors des élections législatives hongroises prévues au printemps 2026. En décembre dernier, Tisza avait 7 points d’avance sur le Fidesz dans les sondages.
Face à ce regain de popularité, Viktor Orban s’est senti menacé et obligé de rappeler sa supériorité. C’est ce qui explique le durcissement de son ton ces derniers mois. La manifestation du 15 mars en est un exemple précis. Il a désigné très clairement ses opposants comme des “punaises” et promet un “nettoyage pour éliminer l’armée de l’ombre”. Une expression qu’il emploie pour désigner ses ennemis : les juges, les médias et les ONG. Il a également ponctué sa prise de parole de références fascistes et antisémites et entend régler leurs comptes aux “sbires de Bruxelles”.
L’interdiction de la marche des fiertés comme démonstration du durcissement
Une décision a marqué la politique hongroise à peine quelques jours après les manifestations du 15 mars : l’adoption d’une loi par le Parlement hongrois le 18 mars, interdisant la marche des fiertés. Une mesure portant atteinte aux libertés fondamentales et inédite en Europe. Elle a été condamnée par le Parlement européen qui dénonce “une violation indéniable des droits fondamentaux inscrits dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE”. Cette loi prévoit des peines d’amende d’environ 500 euros pour toute personne qui participerait à la marche, identifiable grâce à un logiciel de reconnaissance faciale qui sera utilisé par la police.
Viktor Orban est accusé d’avoir été inspiré par Moscou pour l’élaboration de cette loi. Son adoption s’est déroulée dans un hémicycle en tension, entre craquages de fumigènes et diffusion de l’hymne russe par l’opposition. Cependant, le gouvernement n’est pas sans défense face aux critiques. Il justifie sa décision en se basant sur une loi de 2021 sur la protection de l’enfance, qui restreint la représentation des minorités sexuelles dans l’espace public. Cette législationa pu être adoptée car le Fidesz dispose depuis 2010 de la majorité des deux tiers au Parlement, lui permettant de modifier la constitution.
Cette loi, invoquée comme justification, est pourtant remise en cause depuis son adoption par la population et les associations de défense des droits humains car elle est considérée comme contraire aux principes européens de liberté d’expression et de réunion. La loi de 2021, comme le texte récemment adopté sur l’interdiction de la marche des fiertés, fait partie d’une stratégie du Premier ministre hongrois, pour détourner l’attention de la population des vrais problèmes du pays, comme la récession économique suite à la pandémie de Covid-19.
L’équilibre européen en danger
Depuis le vote de la loi anti-LGBT, la population hongroise se mobilise pour protester contre le pouvoir en place. Mardi 25 mars, à Budapest, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées sous l’impulsion du parti d’opposition Momentum et du député indépendant Akos Hadhazy.
Dans le pays, le mécontentement grandit alors que les élections législatives se tiendront dans un peu plus d’un an. Les oppositions tentent de se faire entendre. Suite aux prises de parole de Viktor Orban lors des manifestations du 15 mars, l’Association des juges hongrois a déclaré : “Nous refusons que les juges soient comparés à des insectes et à des animaux nuisibles.” Le candidat à l’opposition unie depuis 2022 et chrétien-conservateur, Péter Marki-Zay, a, quant à lui, annoncé vouloir porter plainte contre le dirigeant hongrois pour “incitation à la haine".
Au-delà des tensions internes, c’est le front européen uni face à la Russie qui est menacé. Viktor Orban a en effet été le seul dirigeant européen à refuser de signer la déclaration européenne en soutien à l’Ukraine du 20 mars dernier. C’est la deuxième fois en un mois que cela se produit. Un événement qui reflète les critiques qui sont portées à la politique du Premier ministre hongrois par les autres pays européen. Il est en effet vu comme un cheval de Troie de la Russie par certains et comme une menace pour la stabilité de l’UE.
Néanmoins, Viktor Orban n’a pas encore donné de preuve assez concrète comme le blocage d’un projet européen. Cela s’explique par le fait que la Hongrie est dépendante des fonds européens. En tant que “bénéficiaire net”, elle touche plus d’argent qu’elle n’en reverse à l’UE. Des fonds qui peuvent cependant se retrouver gelés en raison de manquements dans la lutte contre la corruption ou le respect de l’État de droit.
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