Et soudain, Martin Schulz répondit à l’appel d’Emmanuel Macron…

, par Théo Boucart

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Et soudain, Martin Schulz répondit à l'appel d'Emmanuel Macron…
Martin Schulz a répondu à l’appel d’Emmanuel Macron pour une « refondation » démocratique de l’UE. CC - Wikimedia Commons

C’est aux alentours de 19h, ce jeudi 7 décembre, que les délégués présents à la convention du SPD ont approuvé (à contrecœur ?) le début des pourparlers avec la CDU d’Angela Merkel pour négocier un contrat de gouvernement qui commence à se faire sérieusement désirer. Lors de son discours, le leader du parti social-démocrate, Martin Schulz, a proposé à la surprise générale un plan d’une ambition à peine croyable pour l’Europe : la création d’un État fédéral européen d’ici 2025. Alors est-ce un « remake » du discours de Joschka Fischer ou une simple opération de communication ?

Au bout du compte, le pragmatisme l’a emporté. Après une opposition catégorique pendant plus de deux mois, le SPD a enfin accepté l’ouverture des « Sondierungsgespräche » avec la CDU-CSU, pour enfin débloquer un processus enlisé depuis que le parti libéral du FDP a quitté la table des négociations aux côtés des Verts et de la CDU-CSU. La social-démocratie allemande voulait se faire une cure d’opposition depuis les résultats catastrophiques obtenus fin septembre lors des élections fédérales. Christian Lindner, le leader du FDP, en a néanmoins décidé autrement. En fermant la porte à une coalition « jamaïcaine », Christian Lindner a mis toute la pression sur le SPD, dernière chance pour Angela Merkel d’éviter la formation d’un gouvernement minoritaire intenable vu la situation actuelle du pays, ou bien de nouvelles élections.

L’échec d’une coalition « jamaïcaine » n’est peut-être pas une mauvaise nouvelle en soi. Les divergences entre les différents partis touchaient trop de domaines, de la fiscalité à la politique climatique en passant par la crise des réfugiés et bien sûr la politique européenne. La signature d’un contrat de coalition aurait été une grosse surprise. Le fait qu’il tienne quatre ans aurait été un vrai miracle. Pour autant, l’opposition parlementaire aurait été la meilleure solution pour un SPD exsangue, le parti ayant souffert de son expérience de gouvernement et n’ayant pas réussi à se distinguer du grand partenaire conservateur. C’est donc tout à l’honneur de Martin Schulz que d’avoir accepté l’idée de pourparlers, même si la pression nationale et européenne se faisait de plus en plus grande.

Le SPD devra se démarquer impérativement de la CDU-CSU…

Si une nouvelle « Grosse Koalition » devait voir le jour, la troisième pour la chancelière Merkel, le SPD va devoir se démarquer sur les sujets économiques et de société. Le candidat Schulz n’a pas réussi à se démarquer de la candidate Merkel car il ne l’a pas vraiment voulu à vrai dire. Sa candidature à la chancellerie ayant été imprévue, M. Schulz n’a pas pu élaborer un programme répondant aux besoins de changements des électeurs allemands et a baissé les bras plusieurs semaines avant le scrutin. Son manque d’expérience politique en Allemagne a aussi énormément pesé sur la prestation de M. Schulz, la culture politique au sein des institutions européennes est tout de même très différente de celle d’un pays comme l’Allemagne, malgré la recherche commune du consensus transpartisan. [1]

Cette fois-ci, les choses sont très différentes. M. Schulz doit montrer à son parti qu’il est le chef et pour ce faire, qu’il a un vrai pouvoir de négociation face à Angela Merkel concernant la politique économique et sociale à opter pour guérir une société allemande de plus en plus clivée, ce dont l’AfD a largement profité. À lui de l’utiliser à bon escient sans pour autant braquer le partenaire (un peu encombrant) de la CDU, la CSU bavaroise. Dans tous les cas, les négociations prendront des mois.

… y compris concernant la politique européenne de l’Allemagne

C’est avec tous ces éléments en tête que Martin Schulz a prononcé son discours devant les délégués du SPD lors de la convention. L’occasion pour l’ancien Président du Parlement européen de développer une vision très ambitieuse du devenir de l’Union et de proposer ni plus ni moins la création des « Etats-Unis d’Europe » d’ici une petite dizaine d’années. Pour cela, il prône la rédaction d’un traité constitutionnel (comme en 2005 à la suite du célèbre discours de Joschka Fischer, ministre des affaires étrangères de Gerhard Schröder) dans laquelle tous les acteurs de la société civile devront être impliqués. Une allusion à peine dissimulée aux propositions d’Emmanuel Macron. Toujours selon Schulz, les pays refusant les résultats de cette convention seront ipso facto exclus de l’Union.

Tant d’ambition et de fermeté a de quoi surprendre de la part d’un homme obsédé par la recherche du consensus et refusant tout clivage. Cette prise de position courageuse est cependant une excellente nouvelle pour l’Europe et en particulier pour le président français qui a enfin obtenu une réponse allemande tangible à ses discours d’Athènes et de la Sorbonne de septembre dernier. La notion « d’États-Unis d’Europe » est cependant très complexe et de nombreuses générations de fédéralistes européens s’y sont cassés les dents, le plus illustre étant Altiero Spinelli. Une convention constituante pour l’Union européenne devra prendre du temps et l’horizon 2025 est à ce titre vraiment irréaliste. Mais le plus important n’est pas là. En prononçant son discours, Martin Schulz a une occasion spectaculaire de remettre le débat européen au centre des négociations gouvernementales allemandes, lui qui n’a été que très peu évoqué par Schulz lui-même lors de la campagne législative.

Notes

[1Der Spiegel : Herz und Härte. Das ungleiche Kampf zwischen Merkel und Schulz um das Kanzleramt (https://magazin.spiegel.de/SP/2017/36/152925966/index.html)

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